«Thomas Sankara : La liberté contre le destin » se veut à ce jour l’ouvrage le plus complet sur le père de la Révolution burkinabè. L’auteur, Bruno Jaffré, a présenté son ouvrage au public burkinabè le 26 septembre à Ouagadougou. C’était en compagnie du préfacier, le Dr Ra-Sablga Ouédraogo, directeur exécutif de l’institut Free Afrik.
«L'esclave qui n'est pas capable d'assumer sa révolte ne mérite pas que l'on s'apitoie sur son sort» ; «Malheur à ceux qui bâillonnent le peuple » ; «Nous devons accepter de vivre Africains, c’est la seule façon de vivre libres et de vivre dignes »… Thomas Sankara avait la verve haute et le sens de la formule. Quelques-unes de ses citations comme celles-là, et parfois même des discours tout entiers, comme celui prononcé le 4 octobre 1984 à l’ONU, sont entrés dans la postérité.
Une pléthore d’ouvrages sur le « Che africain », notamment des recueils de ses discours, existent déjà. Bruno Jaffré, spécialiste de Thomas Sankara et auteur, entre autres, de Biographie de Thomas Sankara. La patrie ou la mort… (L’Harmattan, 2007), propose dans son dernier livre, Thomas Sankara : La liberté contre le destin, une œuvre « différente ». Le biographe a rassemblé et commenté plusieurs discours de l’homme du 4-Août dont plusieurs, précise-t-il « ne figuraient pas dans les ouvrages précédents ». « Quelques-uns sont même restés jusqu’ici inédits, dont certains très importants », s’enthousiasme l’animateur de l’équipe du site thomassankara.net. Pour constituer son œuvre, l’ancien militant communiste a rassemblé tous les discours prononcés à l’occasion des anniversaires de la révolution, pour la plupart des adresses à la Nation à l’occasion du nouvel an. On retrouve également dans les 480 pages de l’ouvrage, édité par Syllepse et paru en juin 2017, une panoplie de speechs abordant des thèmes chers au jeune officier : la libération des femmes, la lutte contre la dette, l’utilisation de la langue française, la défense de l’environnement, la justice, le mouvement des non-alignés, les Comités de défense de la révolution (CDR) et la justice populaire. Et, bien sûr, les incontournables : celui prononcé à la 39e session de l’Assemblée générale de l’ONU, où il s’érige en porte-parole du tiers-monde, et le Discours d’orientation politique (DOP), la bible de la Révolution.
Au-delà de la phraséologie révolutionnaire, le livre est un condensé du chantier abattu par les jeunes capitaines après leur prise du pouvoir le 4 août 1983. Thomas Sankara, leur leader, savait en effet joindre l'acte à la parole. « Il faisait ce qu’il disait. L’un des objectifs majeurs de l’ouvrage est de permettre de confronter la pensée exprimée dans les discours à la réalité», explique en effet Bruno Jaffré.
En plus des discours, trois textes offrent une perspective plus large pour mieux comprendre cette période de l’histoire du Burkina : une biographie de Thomas Sankara, la présentation de son projet et la synthèse de ce qu’on sait sur son assassinat. Le livre est enfin agrémenté par de nombreuses photos en noir et blanc.
«Sankara partout, Sankara nulle part»
Le préfacier, Ra-Sablga Ouédraogo, souligne la portée historique de cette publication qui intervient trois ans après une insurrection qui a renversé Blaise Compaoré. Tout comme Bruno Jaffré, il est convaincu que c’est Sankara, l’inspirateur de ce soulèvement. 30 ans après sa mort, le « leader de la révolution burkinabè est partout : dans des slogans, sur des tee-shirts », observe le directeur exécutif de l’institut Free Afrik. Mais le revers de la médaille est que « Sankara est nulle part », dit-il pour souligner la perte des valeurs et des idéaux du supplicié du 15 octobre 1987. Répondant à François, frère de l’ancien président Blaise Compaoré, qui a affirmé dans une interview récente à notre confrère Jeune Afrique ceci de « Thom Sank » : « Il y a un monde entre l’idéologie et l’exercice du pouvoir. Son défaut était de ne pas le comprendre », Ra-Sablga Ouédraogo déclare : la réalité de Sankara, ce n’était pas les « grosses voitures, les grandes villas hors du pays » mais plutôt le développement du Burkina.
Hugues Richard Sama