Le fleuve Sénégal exhale des effluves de poudre à scandale d’Etat depuis que le patron de la police nationale sénégalaise, Abdoulaye Niang, est accusé d’être un trafiquant de drogue. Le rapport y relatif, établi par son successeur à la tête de l'Office central de répression du trafic illicite de stupéfiants, est effarant : le grand flic du pays de la Teranga, après dix ans de traque contre la drogue, est accusé d'"avoir organisé lui-même la revente de la drogue saisie, en couvrant les activités de nombreux trafiquants".
Un tel scandale, aux allures de bombe chimique, aurait éclaté en Guinée-Bissau, réputé être un narco-Etat, ou dans tout autre pays de cet acabit qu’on s’en émouvrait le moins du monde ; tant le sommet de l'Etat de ce petit pays est lui-même gagné par la fièvre du juteux business de la poudre blanche.
Mais qu’un tel fait divers d’un retentissement exceptionnel arrive au Sénégal, voilà qui est des plus étonnants même si on assiste ces derniers temps à un développement de ce commerce illicite dans toute la sous-région : rien qu’en juin dernier en effet, c’est le patron des services de sécurité de l'aéroport international d'Accra, Solomon Adelaquaye, qui était arrêté aux Etats-Unis pour trafic d'héroïne ; avant lui, en avril, c’était le chef d'état-major général des armées de Guinée-Bissau, Antonio Indjai, qui était inculpé aux Etats-Unis pour complot de narcoterrorisme avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC).
Le paradoxe, c’est que ce sont ceux-là mêmes en charge de la lutte contre la pègre qui finissent souvent par en épouser les habitudes.
Naturellement, la prudence est de rigueur, puisque l’affaire du DG de la police nationale sénégalaise vient d’éclater et qu’il faut attendre de voir comment elle va évoluer. Force est de reconnaître que ce serait trop facile de condamner sans possibilité de rémission l’intéressé, qu’on n’a pas encore entendu se prononcer, même s’il y a un rapport qui l’accable. N’empêche, les charges qui pèsent contre lui sont suffisamment lourdes, et si elles devaient s’avérer, ce serait à désespérer de nos forces de défense et de sécurité.
Il ne faut pas non plus croire naïvement que l’Afrique a le monopole de ce genre de travers, car, sous tous les cieux, il y a souvent eu des relations incestueuses entre les barons des cartels de la drogue et les hommes mis à leurs trousses : en témoigne en France cette affaire Michel Meyret ; n°2 de la PJ lyonnaise, le célèbre flic a été mis en examen en mai 2011 pour, entre autres, "trafic de stupéfiants et association de malfaiteurs".
Aussi faut-il souhaiter que des mesures cœrcitives soient mises en œuvre au plus vite au Sénégal pour éviter qu’un tel mal ne s’y propage comme une trainée de poudre.