Depuis le 6 septembre 2017, Nathalie Somé est embastillée à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou. La quatrième présidente du Conseil supérieur de la communication (CSC) est en détention préventive pour des faits de détournement de deniers publics, faux et usage de faux, corruption, surfacturation, blanchiment de capitaux et népotisme. Une semaine après son arrestation « arrosée » par certains de ses agents, nous avons voulu mesurer l’atmosphère au sein de l’institution. Comment l’institution vit-elle cette mauvaise publicité ? Que devient le CSC sans Nathalie Somé ? Ambiance !
Il est 11h20 au CSC. Les conseillers de la Commission éthique et déontologie sont en pleine audition. Nous apprenons que la radio Horizon FM et la télévision Canal 3 doivent passer devant les conseillers. Peu après, nous prenons langue avec le directeur de la communication, Christian Zongo, à qui nous dévoilons les raisons de notre présence. « Ce n’est pas une question de langue de bois, l’affaire étant en justice, vous comprenez que c’est difficile d’en parler », nous a-t-il lancé. Quid de l’image de l’institution dont il est le premier défenseur ? Il est plus prolixe : « Le CSC continue de fonctionner. Mais c’est regrettable. Nous pensons que ce n’est pas Nathalie Somé qui a construit l’image du CSC. Avant Nathalie Somé, il y a eu des présidents, et après Nathalie Somé, il y aura des présidents. Pour nous, l’image du CSC n’est pas liée à une seule personne ». M. Zongo dit regretter une seule chose : « Il y a des gens qui croient tout savoir et se permettent de parler de ce qu’ils ne savent pas », a-t-il relevé. A toutes ces personnes, il répond par un conseil : « Souvent, il vaut mieux se taire, quand on n’a pas d’informations sûres ». Pour le fonctionnement de l’institution, tout semble bien se passer. Le vice-président, Jean de Dieu Vokouma, assure l’intérim en l’absence de la présidente. Le président de la Commission éthique et déontologie, indique que l’arrestation de Nathalie Somé n’a aucune incidence sur la bonne marche de sa commission car les décisions sont prises par le collège des présidents. L’absence donc de la présidente ne constitue nullement un handicap.
« Nous sommes soulagés … »
Qui sont les agents qui ont jubilé lorsque dame Nathalie Somé a été déposée à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou ? Personne pour répondre à cette question, surtout qu’au CSC, en ce mois de septembre, beaucoup d’agents sont en congé. Difficile de trouver des pourfendeurs de la présidente. Les agents qu’on y rencontre, bottent en touche, se cachant derrière le rideau de l’obligation de réserve. Mais quand on y va pour le principe de l’anonymat, les langues se délient. Morceaux choisis : « Si vous voulez la vérité, nous sommes soulagés de cette arrestation. Dieu a exaucé nos prières. C’est pourquoi on ne pouvait pas s’empêcher de manifester notre joie. Il y a même une messe d’action de grâce en vue, car Dieu nous a délivrés. Ici on n’a pas bien fêté. A Bobo où elle était avant de venir ici, les gens se sont donné rendez-vous dans un maquis pour célébrer son arrestation ». Pourquoi une telle explosion de joie chez certains ? Ibrahim Ouédraogo, agent à la direction régionale du CSC de l’Est, de passage à Ouagadougou, accepte de se prononcer. « Par principe, on ne peut pas se réjouir du malheur de quelqu’un, mais quand on se rend compte que ce qui est arrivé, c’est du fait même de cette personne, on ne peut que lui demander d’assumer ses responsabilités », a-t-il dit. Il ne cache pas sa joie. « Ce qui est arrivé ne m’a pas étonné, car je relevais d’abord de la Direction des affaires financières (DAF) et nous avons été les premiers à subir les premiers mouvements. Elle a balayé toute la DAF ». Après un court silence, il reprend : « J’ai fait une année à Fada où je n’avais qu’une chaise et une table comme outils de travail. ». Un autre agent qui a requis l’anonymat, renchérit : « Le CSC fonctionne difficilement. Ce que les gens ne savent pas, c’est qu’on n’a pas de matériel pour travailler. Les agents sont affectés sans raison valable. Nous venons d’enregistrer l’arrivée de nouvelles secrétaires. Les anciennes, on les a parquées dans un bureau appelé pool secrétariat », dit-elle avant d’ajouter : « Au lieu de s’occuper du fonctionnement de l’institution, elle s’est inscrite dans la stratégie de la division. Les agents sont divisés en deux camps. Les pro et les anti Nathalie. Je suis au CSC depuis vingt ans, je n’ai jamais vu pareille situation ».
Nathalie Somé n’avait-elle pas aussi des qualités comme tout être humain ? Pour ce groupe d’agents, ses défauts étaient si nombreux qu’ils ont fini par noyer ses qualités. L’acrimonie avait visiblement atteint son paroxysme entre les deux camps.
Nous voilà à présent dans le bureau de la secrétaire particulière. Enfin une voix pour se prononcer en faveur de Mme Somé ? Là, c’est l’omerta totale. Même les pro-Nathalie qu’on nous a présentés comme tels, ont tous simplement refusé de faire le moindre commentaire.
Ousmane TIENDREBEOGO