Tiens, leurs activités ne sont pas suspendues ?’’ Telle fut la question que nous nous sommes posée quand on nous a remis la correspondance signée des Koglwéogo de Palogo, nous invitant à une conférence de presse le lundi 4 septembre 2017. Et quoi de plus normal que de s’y rendre pour avoir réponse à notre question ? Nous voilà donc à 9h 50 à Palogo au siège du groupe d’autodéfense, situé juste en face du marché de la localité. Nous avons dû cependant attendre presque jusqu’à 11 heures de débat de la conférence, qui s’est tenue au milieu d’une foule immense venue pour la circonstance.
Pour commencer la conférence de presse, il nous a fallu lever au préalable certains malentendus : d’abord marquer notre opposition à ce que les échanges soient traduits au fur et à mesure en mooré comme voulaient le faire les conférenciers ; ensuite, préciser que seuls les journalistes avaient le droit de poser des questions, contrairement à ce qu’attendait l’assistance. Enfin, au cours de la conférence, il nous a fallu signifier que les journalistes ne répondraient pas à des questions que pourraient poser les conférenciers ou l’assistance. Ce décor planté, place à l’objet du jour. Souleymane Damiba, président adjoint des Koglwéogo de Palogo, indique d’entrée qu’il dirige les débats en lieu et place de son président qui est en prison suite à l’affaire dite de Tialgo. Il précise que cette conférence de presse vise à donner leur version des faits justement sur cette crise. Dans la déclaration liminaire, Souleymane Damiba indique que leur groupe a été saisi dans le mois d’avril par Tenga Férédéric Zagré (présent à la conférence de presse) d’un cas de vol de 25 moutons. ‘’Suite à nos investigations, nous avons pu saisir Edouard Bamouni qui a reconnu avoir volé les 25 moutons et un groupe électrogène appartenant à Ouango Albert Yaméogo (présent aussi à la conférence NDLR)’’, poursuit le conférencier. Selon lui, de ce butin ils ont pu récupérer trois (03) moutons et le groupe électrogène. Les 22 moutons, M. Bamouni aurait confessé les avoir vendus et aurait dénoncé deux complices : Boukiao Bazié et Boubié. 700 000 FCFA ont alors été réclamés comme dommages et intérêts. Le ‘’voleur’’ promit de payer cette somme dans 21 jours. A l’échéance, il aurait joint au téléphone les Koglwéogo pour demander un supplément de dix jours pour raison de décès.
‘’Nous avions accédé à sa requête sans nous douter que c’était un stratagème pour gagner du temps. Car, pendant ce temps, les Bamouni de Tialgo avaient sonné la mobilisation de leurs parents de Ouagadougou’’, confie le président adjoint. Il affirme que c’est finalement le 18 mai qu’Edouard Bamouni leur aurait dit que l’argent est disponible. 21 Koglwéogo sont dépêchés à Tialgo pour récupérer cette somme. La suite on la connaît avec cet affrontement entre les membres du groupe d’autodéfense et la population de Tialgo. Bilan du premier jour d’affrontement : un Koglwéogo tué (Yombié Nébié), 17 blessés et deux disparus. Une situation due selon les conférenciers au fait que les gendarmes présents sur les lieux auraient désarmé les Koglwéogo avant de les livrer à la vindicte populaire. Le président adjoint des Koglwéogo soutient que si des centaines de Koglwéogo se sont ébranlés le lendemain 19 mai pour Tialgo, c’était pour rechercher leurs deux camarades portés disparus. Sur place, ils ont mandaté le vieux Gnisregma pour se rendre auprès du chef du village s’enquérir des disparus. ‘’Gnisregma fut pris à partie par la population. Des parties de son corps dont la tête sont demeurées introuvables’’, relèvent nos interlocuteurs. Ils ajoutent que ce jour-là, pendant que les forces de l’ordre (CRS et gendarmerie, selon eux) les gazaient, la population les a pris en chasse armée avec des armes blanches comme la veille.
La population opte pour la reprise des activités des Koglwéogo
Ils ont fait remarquer que bien qu’étant munis de leurs fusils calibre 12, aucun Koglwéogo n’a fait usage de son arme. Bilan de ce deuxième jour de crise, deux autres koglwéogo battus à mort à Tialgo et un troisième tué à Goundi dans son mouvement de repli, pris à partie par la population de ce village. ‘’Etant en situation d’autodéfense, il a abattu deux jeunes avant de succomber’’, précise Souleymane Damiba. A l’en croire, huit des leurs, toujours dans leur mouvement de repli, ont été interceptés par une patrouille de gendarmes qui leur a fait savoir que la voie étant barricadée, elle allait les conduire à Koudougou. ‘’Au lieu de ça, ils ont été emmenés et incarcérés avant d’être jugés et condamnés à trois ans de prison ferme et à une amende de 300 000 FCFA chacun pour détention illégale d’arme à feu, sans faire mention des pertes en vie humaine dans les deux camps’’, soutient Souleymane Damiba.
Les conférenciers ont relevé que les Koglwéogo sont nés pour combler un vide en matière sécuritaire et lutter contre le vol et les braquages. Appelant la justice à faire la lumière sur la mort de leurs camarades et à faire diligence afin que leurs camarades en prison recouvrent la liberté, ils ont condamné le comportement du ministre de la Sécurité, Simon Compaoré, qui n’aurait pas été rassembleur. Répondant à une question, les conférenciers ont indiqué que les 700 000 F réclamés se composent des prix des 22 moutons à raison de 27 500 F par animal, soit 605 000 F, du prix du groupe électrogène, soit 50 000 F, et de leur carburant, soit 45 000F. La conférence de presse s’est muée en assemblée générale au cours de laquelle les responsables du groupe d’autodéfense ont demandé à la population si elle voulait la reprise de leurs activités qu’ils avaient arrêtées en conformité avec la fatwa de Simon Compaoré. Et comme il fallait s’y attendre, la réponse a été pour la reprise des activités.
Cyrille Zoma