Les fidèles musulmans célèbrent ce vendredi 1er septembre 2017, la fête de l’aïd Kébîr, communément appelée tabaski. A cette occasion, nous avons rencontré l’Imam Halidou Ilboudo de l’Association des élèves et étudiants musulmans du Burkina (AEEMB). Dans cette interview, il évoque la conduite à tenir par les musulmans et les recommandations du Saint Coran lors de cette célébration.
Sidwaya (S.) : Que représente la tabaski pour les musulmans ?
Halidou Ilboudo (H.I.) La tabaski est l’aïd Kébîr pour les musulmans, c’est-à-dire la grande fête du sacrifice. Elle commémore la fin du grand pèlerinage qui se tient en ce moment à la Mecque et à Médine. Après la conclusion des rites du pèlerinage, les musulmans célèbrent la tabaski. Le pèlerinage rappelle aussi pour nous la trajectoire et le périple d’Ibrahim et de sa famille. Ibrahim a supporté des épreuves dont l’épreuve ultime était de sacrifier son fils Ismaïl pour Dieu. Il a accepté et Allah a racheté la vie de l’enfant par un bélier. A la commémoration de ce souvenir, tous les musulmans fêtent la tabaski en renouvelant le sacrifice d’Ibrahim.
S. : Est-il possible de sacrifier à l’occasion de la Tabaski, un autre animal que le mouton ?
H.I.: Les animaux qui sont soumis au sacrifice sont de quatre sortes. Il s’agit des camelins c’est-à-dire dire le chameau ou la chamelle, des bovins que sont le bœuf et la vache, les ovins (bélier et agneau) et enfin les caprins (bouc ou chèvre). Ce qui diffère, c’est l’âge des animaux. Le sacrifice est agréé quand le mouton a au moins 8 mois. Le caprin doit avoir au moins une année, pour les bovins, il faut que l’animal ait 2 ans révolus et le chameau doit avoir 5 ans.
S. : Chaque musulman doit-il obligatoirement sacrifier un animal à la tabaski ?
H.I. : Le sacrifice est un acte d’adoration. Il est essentiellement conseillé pour chaque famille musulmane. Certes, du moment où une personne est majeure et soumise aux actes d’adoration comme la prière, le jeûne, la zakat, elle est autorisée à faire le sacrifice. Mais c’est surtout au niveau de la famille que la recommandation devient très forte. Ce n’est pas un sacrifice individuel auquel est astreint chaque membre de la famille. A son dernier sacrifice, le prophète Mohamed a tué des animaux. Le premier animal était pour lui et sa famille. Le second était destiné à toute famille musulmane qui n’avait pas les moyens de tuer un animal.
S : Quels conseils donnez-vous à ceux qui ne disposent pas de moyens pour s’offrir un mouton ?
H.I.: L’acte de sacrifier un mouton le jour de la tabaski est une recommandation très forte mais pas une obligation stricte. Comme je l’ai dit tantôt, il est recommandé de le faire au niveau de chaque famille, notamment celle qui en a les moyens. Quand on ne dispose pas de moyens, on peut juste acheter de la viande pour sa famille et la fête se passe sans problèmes.
S : A la veille de la fête, les moutons sont vendus à des prix exorbitants, souvent de manière exagérée. Quel est votre commentaire sur cette question?
H.I. : Je n’ai pas de commentaire particulier. Si c’est un boom pour les éleveurs, il n y a pas de problème. Mais si les prix sont exagérés, ce n’est pas sûr que ceux qui vendent puissent engranger des bénéfices parce que les gens ne pourront pas acheter. En tout état de cause, il faut être raisonnable dans la vente.
S : A l’instar du ramadan, existe-t-il également des prescriptions ou des interdictions à observer lors de la tabaski ?
H.I.: Dans toute œuvre religieuse, il y a toujours des directives à suivre. Celui qui veut tuer un animal, dès la vue du croissant lunaire qui marque le mois de la tabaski, doit faire une petite sacralisation à l’échelle individuelle comme le font les pèlerins. Durant les dix jours avant la tabaski, il doit s’abstenir de couper les poils de son corps, les ongles ou de se coiffer jusqu’au sacrifice du mouton. Le jour de la fête, il doit observer un petit jeûne jusqu’à ce qu’il sacrifie son animal. Il est recommandé aussi de faire un jeûne, la veille de la tabaski. Il est également bien de participer à la prière en commun, de dire ses vœux, de partager la nourriture, et de rendre visite aux parents et aux amis.
«Nous devons condamner sans réserve le terrorisme»
S : Le Burkina Faso connaît ces derniers temps des attaques terroristes. Des soi-disant musulmans prétendent tuer au nom de la religion. Qu’en pensez-vous ?
H.I. : Le comportement des terroristes est aux antipodes des recommandations de la religion. On ne peut pas contester quelqu’un qui se dit croyant. C’est Dieu seul qui peut dire qui est musulman ou pas. C’est à Dieu de nous départager. Une chose est sûre, dans les enseignements de la religion, il n’est pas conseillé d’attenter à la vie et aux biens des gens de manière gratuite. Il est donc bien que lors des grands rassemblements comme la fête de tabaski, les prières de vendredi, les imams et les responsables musulmans condamnent sans réserve ce phénomène pour vraiment se démarquer de ces vendeurs d’illusion.
S. : Selon vous, que faut-il faire pour combattre l’extrémisme religieux ?
H.I. : Il est difficile de mettre un terme à la violence humaine. L’histoire de l’humanité a, de tout temps, été marquée par la violence. Pour ce qui est du terrorisme en Afrique et singulièrement dans la zone Mali-Niger-Burkina, il est possible de venir à bout du fléau. Nos politiques connaissent réellement la cause. Il s’agit de revendications territoriales. Il revient donc aux autorités d’ouvrir une plage de discussions pour trouver la bonne formule en termes d’autonomie ou d’intégration afin que la religion ne soit pas salie. Si l’on s’attaque aux causes réelles du problème, il est possible de parvenir à une véritable paix. Les gens vivaient paisiblement avec la religion. La religion musulmane est présente dans nos pays depuis pratiquement l’époque du prophète. Ce n’est pas maintenant que cela va changer. Il y a d’autres causes que sont l’injustice sociale, le problème des territoires qui font que les populations se révoltent actuellement et, par ricochet, font le lit du terrorisme.
S. : Quel est votre message à l’endroit des fidèles musulmans, des autorités et du peuple à l’occasion de la tabaski ?
H.I. : Les fidèles musulmans en particulier et le peuple burkinabè en général, doivent se nourrir d’espoir et d’espérance. Depuis l’insurrection, notre peuple ne s’est pas véritablement relevé ni sur le plan social, ni sur le plan économique. Ces durs moments doivent nous inciter à toujours croire, lutter, et nous serrer les coudes pour des lendemains meilleurs. Car, si nous sommes divisés, nous ne pourrons pas venir à bout des maux qui minent notre société. Nous voyons tous que le front social « est debout » avec des revendications tous azimuts dans un climat socioéconomique délétère. L’Etat semble avoir perdu totalement son autorité sur la population. Nous devons donc nous ressaisir et accompagner nos pouvoirs publics pour que notre nation se restaure. Pour ceux qui sont à la Mecque pour le pèlerinage, nous leur souhaitons un bon séjour, qu’ils aient la santé nécessaire pour accomplir tous les actes. Qu’ils aient une pensée pour nous et notre pays lors de leurs invocations. Aux organisateurs, que chacun mette du professionnalisme et de la sincérité pour servir nos pèlerins.
Réalisée par Adama SEDGO