Blessé au cours de l’intervention des forces de défense et sécurité consécutive à l’attaque terroriste du Café Aziz-Istanbul le 13 août 2017, le maréchal des logis ( MDL) Yassia Sawadogo devait être évacué à l’étranger pour des soins plus appropriés. Mais finalement, il a succombé à ses blessures six jours après à l’hôpital Blaise-Compaoré de Ouagadougou.
Pourquoi l’évacuation n’a-t-elle pas eu lieu ?
Eléments de réponse avec un oncle du défunt, Issa Nézian, professeur des lycées et collèges, qui s’indigne plus loin de l’attitude des responsables du ministère de la Sécurité à l’égard de la famille éplorée.
Quels sont vos liens avec le défunt Maréchal des logis (MDL) Yassia Sawadogo ?
Yassia était mon neveu. En plus de cela, j’ai été son tuteur durant une grande partie de ses études primaires et secondaires.
Aujourd’hui (Ndlr : l’interview a eu lieu le lundi 28 août), une délégation de la gendarmerie s’est rendue au domicile du défunt. Quel était son but ?
Le « doua » a eu lieu le 27 août et la famille paternelle du disparu avait besoin, conformément à ses coutumes, de quelques-uns de ses effets personnels, notamment de tenues vestimentaires, pour des rites traditionnels au village et pour poursuivre son deuil. La délégation était donc venue récupérer des objets militaires et indiquer ce que la famille pouvait garder pour ses rites au village.
Vous qui êtes un proche du disparu, avez-vous su dans quelles circonstances il a été blessé ?
Pas exactement. C’est le lendemain du drame, précisément la nuit du 14 août 2017, que j’ai été mis au courant de l’infortune de Yassia. J’ai relayé l’information à la famille en lui donnant l’assurance que le malheureux s’en sortirait, comme on me l’avait assuré. Dans la matinée du 15 août, très tôt, nous nous sommes rendus à l’hôpital Blaise Compaoré, où il avait été transféré. Yassia était encore en réanimation et nous n’avons donc pas pu accéder à la salle pour le voir. C’est plus tard, vers 3 heures du matin, que la famille a reçu quelques informations du commandant de la gendarmerie et du ministre de la Sécurité, Simon Compaoré, qui étaient tous sur place.
Selon les explications qui nous ont été données, lors des échanges de tirs, il y aurait eu des défaillances techniques. Concrètement, certains boucliers balistiques des gendarmes ont cédé suite aux tirs nourris des assaillants, et malheureusement celui du jeune maréchal des logis en faisait partie. Sur des images, nous avons pu voir effectivement des boucliers qui ressemblaient à des plaquettes brisées et superposées puis comportant des impacts de balles.
Il semble que l’intervention devait se poursuivre malgré cette protection défaillante. C’est ainsi qu’un tir, venu d’en haut, a touché Yassia. La balle a traversé sa clavicule.
Officiellement, le jeune MDL devait être évacué compte tenu de la gravité de ses blessures. Mais finalement, on a appris qu’il est décédé à Ouagadougou. Que s’est-il passé entre-temps ?
Cette question, ce sont ceux qui devaient se charger de son évacuation qui peuvent mieux y répondre.
N’empêche, de ce que nous savons, le blessé devait être évacué à bord d’un avion tunisien loué à cet effet. Par la suite, sur l’intervention du ministre de la Santé, Nicolas Méda, l’Etat tunisien aurait accepté de faire venir un autre avion médicalisé avec prise en charge gratuite. Du coup, l’on a laissé tomber la première option, qui était celle de la location, pour attendre l’appareil gratuit.
D’après certaines informations, l’avion gratuit en question a eu un problème technique et a écourté son vol.
Il a fallu donc reprendre les démarches pour faire venir le premier aéronef, qu’on avait déjà décommandé. L’avion en question est donc finalement arrivé quelques jours après. Mais l’état du blessé avait déjà empiré.
Nous avons conduit le MDL de la salle des urgences de l’hôpital Blaise-Compaoré au pied de l’ambulance. Le véhicule a démarré sous nos yeux et on avait l’espoir de revoir Yassia en bonne santé. Mais notre optimisme n’a été que de courte durée, puisque une cinquantaine de minutes après, nous avons vu l’ambulance qui revenait à l’hôpital, avec le blessé à bord.
L’explication qui nous a été fournie est que le docteur tunisien, qui était à bord de l’avion, avoir estimé que l’état du jeune homme n’était pas assez stable pour une évacuation.
N’aurait-il pas reçu de soins adéquats à l’hôpital Blaise-Compaoré ?
Nous avons appris que le blessé avait subi auparavant une intervention chirurgicale de cinq heures visant à arrêter un saignement. Après, il a été question d’attendre jusqu’au matin, le temps que son état se stabilise. Dans la matinée, nous étions tous confiants, car Yassia semblait se porter mieux. Mais, une fois de plus, cet espoir sera de courte durée puisqu’il rendra son dernier souffle le samedi 19 août aux environs de 8h.
Certains ont été indignés que son ministre de tutelle, Simon Compaoré, n’ait pas assisté à l’enterrement et qu’il se soit trouvé à ce moment là plutôt à Ouahigouya, aux côtés de ceux qui creusaient la tombe de Salifou Diallo. Avez-vous eu le même sentiment?
La famille a très mal vécu l’absence du ministre Simon Compaoré à l’enterrement. Nous en avons été très choqués et indignés. Il y a plus grande douleur que celle consécutive à la mort : c’est le manque de compassion. Nous nous sommes sentis abandonnés à nous-mêmes. Les premiers responsables du ministère dont relevait le défunt n’ont pas fait preuve de compassion à l’égard de la famille éplorée. C’est vraiment regrettable que la mort d’un homme qui a tenté de sauver certains de ses compatriotes n’ait pas suscité la compassion des autorités du ministère dont il relevait.
Entretien réalisé par Bernard Kaboré