La journée du 28 août 2017 ne s’est pas bien terminée dans l’arrondissement 5 de Ouagadougou. Un gérant de kiosque d’Orange money a tiré à bout portant sur un jeune militaire après une dispute. En représailles à cet acte, des habitants du quartier, en colère, ont barricadé la voie passant devant ledit kiosque après l’avoir détruit et réduit son contenu en cendres dans la matinée du 29 août. Les responsables de la mairie qui se sont rendus sur les lieux ont invité la population au calme et à la retenue, mais cet appel semble être resté vain, du moins jusqu’au moment où nous quittions les lieux aux environs de 13h.
Il est 11h 10 quand nous arrivons à Sinyiri, quartier situé dans l’arrondissement 5 de Ouagadougou. Nous remarquons plusieurs groupuscules et les sapeurs-pompiers qui venaient juste de maîtriser un incendie.
Nous nous approchons pour recueillir des informations, mais nombreux sont ceux qui se montrent réticents, prétextant être de simples passagers. Mais une chose était bien visible : la colère sur tous les visages. Chacun y allait de sa version et de son commentaire. A travers la grogne de part et d’autre des personnes sur place, nous avons appris que le mouvement d’humeur faisait suite au meurtre d’un militaire du nom de Mahamadi Ilboudo, dans la nuit du lundi 28 août aux environs de 19h 30, par un gérant de boutique Orange money.
La raison de cela ? La modique somme de 1000 francs CFA. Il ne restait plus de la boutique en question qu’un tas de cendre et des morceaux de vitre. Elle a été saccagée par les mécontents, qui menaçaient d’ailleurs de faire subir le même sort aux commerces environnants.
Nous nous dirigeons vers le domicile du défunt, où il vivait avec ses parents. Avant d’avoir atteint ladite cour, nous tombons sur un autre groupe de jeunes qui disent être des voisins. Le ton y était plus haut. Marcel Hien, l’un d’eux, a bien voulu nous donner sa version des faits : « Nous étions à la maison quand on a appris le décès d’un grand frère du quartier. Selon les informations, il était allé faire un retrait, par Orange money, de la somme de 48 000 francs CFA. Une fois à la maison, il s’est rendu compte qu’il lui manquait 1000 francs CFA. Il est donc reparti chez l’opérateur pour réclamer la somme manquante. C’est alors que le propriétaire de la boutique l’a traité de délinquant et de braqueur et s’en est pris à lui physiquement. Le malheureux a alors fait demi-tour pour repartir. Comme si les coups n’avaient pas suffi, le commerçant est retourné dans sa boutique et en est ressorti avec une arme à feu. Il a tiré de sang-froid sur la jambe de son antagoniste inoffensif. Ce dernier s’est retrouvé par terre, s’est efforcé de se sauver, mais son bourreau ne lui en a pas laissé le temps. Il a tiré de nouveau et, cette fois, l’a atteint à la tête. Après son forfait, il a fermé sa boutique sous le regard de ses voisins et s’en est allé on ne sait où. »
Selon les proches de Mahamadi Ilboudo, le jeune homme, 28 ans, servait au 11e Régiment d’infanterie commando de Dori. De retour d’une mission onusienne, il était en permission d’un mois et en profitait pour passer du temps avec sa famille. Toujours selon nos interlocuteurs, le maire venait juste de quitter les lieux du crime. Nous avons alors décidé de nous rendre à la mairie de Bogodogo pour avoir la version des faits des premiers responsables. Le maire et son premier adjoint n’étant pas disponibles, nous avons été reçus par son deuxième adjoint, Raogo Alban Zoungrana, qui nous a, lui aussi, déroulé le film des événements : « Nous avons été informés hier soir, aux environs de 19h 30, qu’il y a eu une altercation entre deux individus et que l’un avait abattu l’autre. Nous nous sommes rendus sur les lieux pour faire le constat. Arrivés, nous avons trouvé un corps couvert. Selon les informations que l’on a pu recueillir sur place, il s’agissait de celui d’un militaire tué par un gérant de boutique Orange money. La police et la gendarmerie sont venues faire leurs constats d’usage, et les frères d’armes de l’infortuné sont venus chercher son corps. Jusqu’au matin, alors que nous suivions toujours l’évolution de la situation, nous avons été informés du mouvement d’humeur des jeunes du quartier. Nous nous sommes dépêchés sur les lieux pour essayer de les calmer mais ils avaient déjà saccagé la boutique du présumé meurtrier. Nous avons ensuite reçu la famille de la victime pour lui assurer que nous ferions de notre mieux pour retrouver le coupable. Nous lui demandons d’appeler les jeunes à la retenue. »
De la mairie, nous sommes revenus sur les lieux du drame et y avons constaté que les jeunes, révoltés, avaient mis leur menace à exécution. A l’aide de pinces, de marteaux et d’outils de tout genre, ils détruisaient les boutiques voisines. Quand nous quittions les lieux à 13h, les ‘’justiciers’’, comme des possédés, continuaient ce qu’ils avaient commencé.
L’enterrement de l’infortuné bidasse a eu lieu aujourd’hui même au cimetière municipal de Gounghin après la levée du corps à la morgue du camp Lamizana.
Bernard Kaboré
&
Rabiatou Congo