La digue du barrage de Koubri, localité située à une trentaine de kilomètres de la capitale sur l’axe Ouagadougou-Pô, a cédé suite à la pluie de samedi dernier. En effet, elle n’a pas résisté à la furie des eaux. Cela a causé d’énormes dégâts dans la commune : destruction de jardins appartenant à environ 500 maraîchers, vergers et rizières dévastés, importants préjudices subis par le monastère Saint-Benoit, etc. Visiblement, les populations étaient consternées. Et l’on peut les comprendre. En effet, le barrage représentait pour elles une infrastructure qui permettait d’atténuer de manière significative la pauvreté. Maraîcherculteurs, pêcheurs, propriétaires de vergers et autres revendeurs de légumes devaient tout au barrage. Maintenant que celui-ci s’est vidé de toute son eau, elles sont nombreuses les personnes qui se posent des questions existentielles auxquelles elles n’ont malheureusement pas réponse. Et pourtant, les choses étaient prévisibles. En effet, construit depuis 1962 (55 ans) sous Maurice Yaméogo, le barrage, depuis quelque temps, présentait des signes de vétusté très prononcés. La situation s’est davantage dégradée dès le début de l’année 2017. La digue en particulier, était véritablement inscrite à l’article de la mort, si l’on peut s’exprimer ainsi. Alerté, le gouvernement s’était engagé à prendre à bras-le- corps le problème en 2018. La raison avancée est que le budget 2017 était déjà bouclé. De ce fait, le gouvernement ne disposait pas de ressources pour opérer les aménagements nécessaires à la survie de l’ouvrage. A l’analyse, cet argumentaire ne tient pas la route. Car, gouverner, c’est prévoir et ce d’autant plus que les signes avant-coureurs du drame étaient perceptibles bien avant 2017. S’exprimant à propos de la catastrophe, la directrice régionale de l’eau du Centre a plutôt pointé du doigt l’absence de fonds destinés à l’entretien et au suivi des infrastructures hydrauliques. Les deux explications ont ceci de commun qu’elles mettent en évidence le même manquement : la non- observation d’un principe fondateur d’un Etat digne de ce nom. Ce principe consiste à prévoir, à anticiper, bref à avoir de la vision. Et dans le cas d’espèce, la non- observation de cette règle, plus qu’une faute, s’apparente à un crime. Et celui-ci semble prémédité.
Vivement que la rupture du barrage de Koubri serve de leçon
Car, l’on pouvait voir venir les choses. Il aurait fallu s’y prendre à temps pour éviter qu’elles ne prennent la dimension catastrophique que l’on sait. Aujourd’hui, le mal est déjà fait et ses conséquences sur les populations, rien qu’à y penser, donnent la chair de poule. L’heure des sébiles a sonné à Koubri, peut-on dire, puisque c’est grâce au barrage que les populations de cette commune gagnaient leur pitance. Et au-delà de Koubri, ce sont les populations de Ouagadougou qui risquent de subir les effets dévastateurs de cette catastrophe en termes de renchérissement des prix des produits maraîchers. De tout ce qui procède, l’on peut dire que la rupture de la digue du barrage de Koubri et les conséquences fâcheuses qui en découlent, sont la rançon de l’inconséquence des gouvernants. Malheureusement, ce sont les populations qui vont la payer. L’exemple du barrage de Koubri n’est pas isolé. Avant cette catastrophe, bien des ouvrages hydrauliques, réalisés à prix d’or et le plus souvent grâce à la générosité des partenaires au développement, ont subi le même sort. Et le pire pourrait être à venir, puisqu’au Burkina, on ne sait pas se rincer le ventre quand les autres s’échinent à nous laver le dos. Et après, on a encore l’indécence de verser des larmes de crocodile quand survient un drame. Avec cette posture, il n’est pas permis de rêver à l’émergence ou encore moins au développement. Vivement donc que la rupture du barrage de Koubri serve de leçon pour éviter à l’avenir de plonger les populations dans le désarroi. De ce point de vue, l’on peut suggérer la mise en place, hic et nunc, d’un fonds conséquent dont la vocation serait d’assurer l’entretien et le suivi des ouvrages hydrauliques. Dans un contexte marqué par la rareté des pluies, le salut du Burkina passe par-là. Pour la mise en place de ce fonds, les populations bénéficiaires des infrastructures hydrauliques doivent contribuer. C’est à ce prix que de manière individuelle et collective, nous pourrons prendre en main de façon responsable la construction de la patrie.
Sidzabda