Maladie génétique rare due à un défaut de coagulation du sang, l’hémophile est encore méconnue du grand public. Elle touche une personne sur 10 000, soit 2000 cas estimés au Burkina. Cependant, seulement 47 cas sont diagnostiqués et suivis. En vue d’attirer l’attention des populations sur cette pathologie au traitement très coûteux et de sortir les malades de l’ombre pour une prise en charge adéquate, l’Association des hémophiles du Burkina Faso (AHBF), en collaboration avec la Fédération mondiale des hémophiles (FMH) et l’Association française des hémophiles (AFH), a animé une conférence de presse le 11 août 2017 au Centre hospitalier pédiatrique Charles de Gaulle à Ouagadougou. Carnet de santé a saisi cette occasion pour faire plus de lumière sur la pathologie. Diagnostic d’un mal étrange.
Une femme enceinte, déjà mère d’un adorable petit garçon, vous fait cette confidence : «Je prie Dieu pour ne plus accoucher d’un garçon». Bizarre, n’est-ce pas ? Il suffit pourtant d’écouter cette mère, la voix nouée d’émotions, vous raconter le calvaire qu’elle et son fils vivent pour comprendre sa prière et demander au Tout-Puissant de l’agréer. Agé d’environ 11 ans, son petit ange est en effet hémophile ou, si vous voulez, souffre d’hémophilie. Selon l’hématologue Pr Eléonore Kafando, c’est une maladie du sang due à un déficit du facteur de la coagulation. Les facteurs de coagulation étant des protéines, des substances présentes dans le sang et qui favorisent la coagulation. Ces protéines sont essentiellement les facteurs 8 et 9. Lorsqu’on manque de facteur 8, on parle d’hémophilie A , et lorsqu’il s’agit d’un déficit du facteur 9, on parle d’hémophilie B. Les personnes atteintes de cette maladie vont saigner beaucoup, plus longtemps que les sujets normaux. Les saignements interviennent généralement au niveau des articulations (hémarthrose) et touchent, entre autres, les genoux, l’épaule, la cheville ou le coude ; ou au niveau des loges musculaires (hématomes). Ils peuvent être internes ou externes, à différents degrés de gravité. Foi du Pr Kaboré, le patient connait des épisodes hémorragiques. Ces saignements, pouvant être spontanés ou survenir suite à un traumatisme, sont responsables d’invalidité et de handicaps importants. Très souvent, le malade sent venir le saignement à travers le genou, qui devient chaud ou qui s’enfle.
Les mères transmettent la maladie à leur fils
L’hémophilie est héréditaire, transmise par les parents. A en croire toujours le Pr Kafando, l’anomalie se trouve sur le chromosome sexuel X. «Lorsqu’on est garçon, on est XY, et lorsqu’on est femme, on est XX. Comme l’anomalie se trouve sur le chromosome X, très souvent c’est le garçon qui en est atteint », a-t-elle expliqué avant d’ajouter toutefois que quelques rares cas existent chez les femmes. Le diagnostic est donc biologique et consiste en un dosage des facteurs de la coagulation au laboratoire. Cette opération va permettre de classifier l’hémophilie en 3 types : lorsque le sujet a moins de 1% des facteurs 8 ou 9, il a une hémophilie sévère ; lorsque les facteurs 8 ou 9 sont compris entre 1 et 5%, il a une hémophilie modérée ; et lorsque les facteurs 8 ou 9 sont compris entre 5 et 30%, on parle d’hémophilie mineure. Cependant, la principale occasion de découverte de la maladie dans notre contexte est la circoncision : après cet acte, le sang de l’enfant coule sans arrêt. A cela s’ajoutent les traumatismes minimes comme quand, par exemple, à l’âge de marcher, l’enfant fait ses premiers pas, se blesse, et se met à saigner sans arrêt. On peut également découvrir l’existence de la maladie chez le dentiste quand on arrache une dent et que le saignement ne s’arrête pas. C’est pourquoi les malades doivent pouvoir prévenir certains accidents, en évitant, par exemple, certaines activités physiques comme le sport de contact (football). Ils doivent également éviter la prise de certains médicaments (les anti-inflammatoires).
Traitement disponible et gratuit à Charles de Gaulle
Le traitement de l’hémophilie est substitutif et consiste à apporter au sang le facteur manquant. Toutefois, la prise en charge d’une telle pathologie coûte excessivement cher. Pour un hémophile de 50 kg, a indiqué Pr Kafando, une injection tourne autour de 700 euros, soit environ 500 000 FCFA, alors qu’il lui faudra au moins 3 doses. A cela s’ajoute le coût des examens, des médicaments sans compter les transfusions sanguines. Le traitement peut aussi consister en une transfusion des produits dérivés du sang, en l’occurrence le plasma. Bonne nouvelle, grâce à une chaîne de solidarité à travers le monde, les malades peuvent se soigner gratuitement au Burkina.
En effet, grâce au bon partenariat entre l’Association des hémophiles du Burkina Faso (AHBF), la Fédération mondiale des hémophiles (FMH) et l’Association française des hémophiles (AFH), le traitement est actuellement disponible et gratuit à l’hôpital pédiatrique Charles de Gaulle. De 2015 à 2016, notre pays a ainsi bénéficié de 585 000 unités de facteurs de coagulations disponibles pour utilisation par les patients déjà diagnostiqués. Spécialistes, parents de malades et malades sont en effet convaincus que pour une lutte efficace, il faut une disponibilisation des moyens. «Si les hémophiles sont si peu vus au Burkina Faso, c’est parce que la grande majorité meurt, très tôt dans la vie, sans être vus ou reconnus dans une structure de santé ; tout cela, faute d’un bon diagnostic ou de moyens appropriés pour leurs soins », a relevé le président de l’AHB, Aristide Zongo, avant de faire cette confidence. « Moi-même je ne connaissais pas la maladie avant d’avoir eu un fils qui en souffre ».
D’où donc la création de l’Association il y a 2 ans pour répertorier les malades et leur venir en aide en ce qui concerne la prise en charge. Cette aussi à ce gigantesque travail que s’adonne l’association sœur de France dont le président, Thomas Sannié, s’est réjoui de l’élan de solidarité dans le monde autour des maladies hémorragiques, rares. Solidaires les unes des autres, ce sont 134 structures qui ont adhéré à la Fédération mondiale des hémophiles. Pour sa représentante Rana Saifi, la sensibilisation est très importante pour sortir les malades qui ne sont pas encore diagnostiqués de l’ombre et les prendre en charge efficacement.
Alima Séogo / Koanda