Le Burkina Faso s’est réveillé le samedi 19 août 2017 dans la douleur et le deuil avec l’annonce du décès du président de l’Assemblée nationale et président du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), Salifou Diallo. Parti pour des soins en Tunisie, il avait continué à Paris pour se reposer avant de rentrer à Ouagadougou.
C’est dans la capitale française que l’homme politique burkinabè qui a marqué sa génération est décédé à l’âge de 60 ans. Retour sur le parcours politique de l’homme.Né le 9 mai 1957 à Ouahigouya, dans la région du Nord du Burkina Faso, Salifou Diallo, jusque-là président de l’Assemblée nationale et du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), parti au pouvoir, a marqué l’histoire politique de sa génération au Burkina Faso par ses convictions, ses prises de positions et ses combines politiques.
Stratège, admiré par certains et détesté par ses détracteurs, celui que beaucoup qualifie d’idéologue et tête pensante du parti au pouvoir a marquée de son empreint la scène politique depuis son militantisme à l’université de Ouagadougou jusqu’au MPP en passant par la Révolution, la Rectification, l’ODP/MT et le CDP.
Etudiant, il épouse très vite l’idéologie du Parti communiste révolutionnaire voltaïque (PCRV) et est très actif dans les manifestations estudiantines. Expulsé de l’université de Ouagadougou dans les années 1980 pour avoir participé à des grèves et manifestations, Salifou Diallo se retrouve à Dakar pour poursuivre ses études où il obtient une maîtrise en droit.
Il rentre en 1985 au bercail dans la fièvre révolutionnaire et mène le combat auprès des jeunes officiers qui conduise la Révolution d’août 1983. Très engagé dans les comités pour la défense de la Révolution (CDR), Salifou Diallo devient adjoint du cabinet du ministre d’Etat à la justice en 1986.
Après le coup d’Etat dramatique du 15 octobre 1987 et l’instauration de la Rectification avec le Front populaire, il occupe le poste stratégique de directeur de cabinet du président Blaise Compaoré de 1987 à 1989, puis secrétaire d’Etat à la présidence du Faso de 1989 à 1991.
Celui que de nombreux acteurs qualifient de bête politique, va occuper brièvement le poste de ministre de l`Emploi, du Travail et de la Sécurité sociale en 1991. Après le discours de la Baule, les rectificateurs choisissent la voie de la démocratie et le Front populaire se mu en parti politique, l’Organisation pour la démocratie populaire/ Mouvement du Travail (ODP/MT) devenu en 1996 Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) dont Salifou Diallo est membre fondateur.
Affectueusement appelé « Gorba », il va occuper respectivement les postes de ministre en charge des missions de la présidence du Faso de 1992 à 1995, ministre de l`Environnement et de l`Eau de 1995 à 1999, puis conseiller à la présidence du Faso de 1999 à 2000.
A partir de 2000, l’homme de réseau, selon certains milieux, tente d’élargir sa toile politique et devenir plus influent. Nommé le 12 novembre 2000, ministre de l`Agriculture, il voit son portefeuille ministériel s’élargir le 10 juin 2002 en tant que ministre de l`Agriculture, de l`Eau et des Ressources Halieutiques. Salifou Diallo tient désormais les rênes de plusieurs secteurs stratégiques du pays et est en contact avec les paysans (près de 90% de la population) de par ses activités ministérielles. « L’ami des paysans » profite pour monter sa cote de popularité et son influence aussi bien au sein du parti qu’au niveau de la population.
Au deuxième congrès du CDP en août 2003, Salifou Diallo est élu vice-président chargé de l’orientation du parti. A en croire certains de ses camarades politiques, il faisait partie de ceux qui avaient le courage de dire certaines vérités au président d’alors, Blaise Compaoré.
De la Disgrâce politique à la résurrection
Mais cette monté fulgurante dans la classe politique va prendre un coup en mars 2008, après son débarquement du gouvernement de Tertius Zongo. Il est alors nommé ambassadeur du Burkina Faso en Autriche, poste que beaucoup ont très vite qualifié d’exil politique. C’est le début d’une traversée du désert pour le militant fougueux qui n’a jamais eu peur d’exprimer ses opinions.
C’est à cette époque alors que Gorba choisit d’évoquer publiquement la question de l’alternance, la « patrimonialisation du pouvoir » et dénonce l’influence grandissante de François Compaoré, frère cadet du président. En 2009, alors qu’il est encore vice-président du CDP, il est suspendu des organes du parti. Il ne sera réintégré qu’un an plus tard après avoir rédigé son autocritique.
Du retour de Vienne, il se rapproche du régime de Niamey où il officie en tant conseillé officieux du président Mahamoudou Issoufou et tente de réactiver son réseau dans la sous-région et dans le monde. Il se rapproche d’anciens camarades marginalisés de son parti et le 5 janvier 2014, il démissionne du CDP avec Roch Marc Christian Kaboré, Simon Compaoré et 75 autres pontes du parti et crée le 24 janvier le Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP).
Le nouveau parti rejoint l’opposition déjà dans la lutte contre le projet de référendum sur l’article 37 de la Constitution et la mise en place du sénat. Dans leur lettre de démission, ils reprochent à leur parti « les violations répétées de ses textes fondamentaux, la caporalisation de ses organes et instances, les méthodes de gestion fondées sur l'exclusion, la délation, les intrigues, l'hypocrisie, la coterie…».
Le 30 et 31 octobre 2014, Blaise Compaoré et son parti, le CDP, sont chassés du pouvoir par une insurrection populaire dont le parti de Salifou Diallo a joué une part important. Gorba savoure une première victoire contre ses amis politiques d’hier devenu ses adversaires.
Malgré son état de santé, il est choisi pour mener la campagne du candidat de son parti à la présidentielle de 2015. A l`issue des élections couplées présidentielle et législatives du 29 novembre 2015, Roch Marc Christian Kaboré est élu président du Faso et Salifou Diallo, député sur la liste nationale du MPP.
Le 30 décembre 2015, il est porté à la présidence de l`Assemblée nationale pour la 7e législature 2015 - 2020. C’est le retour triomphal dans les arcanes du pouvoir après la disgrâce.
Soupçonné d’être impliqué dans certains dossiers emblématiques comme l’affaire Dabo Boukari, on retient de Salifou Diallo, un stratège politique qui défend sans faux fuyant ses convictions politiques et refuse d’être un « yes man ».
Lassané Osée OUEDRAOGO