Ouagadougou - Malgré l’amélioration des capacités de ses forces de sécurité, le Burkina Faso n’a pu éviter un deuxième attentat au coeur de sa capitale. Des sources sécuritaires estimaient mardi qu’il faut miser davantage sur la coopération régionale pour lutter contre le terrorisme.
"Il est évidemment difficile de prévenir" un attentat avec le mode opératoire choisi par les assaillants dimanche soir, note un officier supérieur de l’armée sous couvert d’anonymat, soit deux kamikazes qui arrivent en moto et tirent en rafale à la Kalachnikov, abattant 18 personnes et en blessant 22 dans le café-restaurant Aziz Istanbul, situé sur la principale artère de Ouagadougou, l’avenue Kwame N’Krumah.
Ni l’identité, ni la nationalité des assaillants n’était connues mardi, et l’attaque, attribuée à des jihadistes par le gouvernement, n’a pas été revendiquée.
Grâce aux "efforts de formation" et à "une meilleure organisation", "la réactivité des forces de sécurité burkinabè s’est nettement améliorée", estime l’officier, par rapport au premier attentat de ce type qu’ait connu le "pays des hommes intègres". En janvier 2016, 30 personnes avaient été tuées par des kamikazes jihadistes dans l’attaque de plusieurs restaurants et d’un hôtel, sur la même avenue de Ouagadougou. Cette attaque avait été revendiquée par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
Dimanche, les forces de sécurité burkinabè sont intervenues plus rapidement, et surtout de façon plus coordonnée. "Chacun savait ce qu’il devait faire. 40 minutes après le début de l’attaque, les assaillants étaient +fixés+ dans un coin du bâtiment et n’étaient plus dangereux", commente l’officier, même s’il a fallu ensuite plusieurs heures pour les neutraliser.
"Les forces de sécurité burkinabè ont opéré seules cette fois-ci, sans avoir besoin du renfort des forces spéciales américaines et européennes comme en 2016", constate de son côté un consultant en sécurité, Oumarou Paul Koalaga, spécialiste de la géopolitique du terrorisme.
- ’Vigilance relâchée’ -
Pour autant, "la vigilance s’était relâchée depuis plusieurs mois dans la surveillance des lieux publics", "on aurait pu mieux surveiller cette avenue", qui est un peu à Ouagadougou ce que les Champs Elysées sont à Paris, selon cet expert.
Les capacités de renseignement ont baissé depuis la chute du régime de Blaise Compaoré en 2014 puis le démantèlement de son unité d’élite, le régiment de sécurité présidentiel, impliqué dans une tentative de putsch. "Il y a eu une rupture au niveau de l’appareil sécuritaire", estime M. Koalaga.
"Même s’il y a la volonté de le reconstruire, il y a encore beaucoup de tâtonnements".
Pour lui, la montée de l’extrémisme religieux au Burkina est sous-estimée par les autorités depuis plusieurs années, notamment dans le nord où le groupe radical Ansarul Islam, qui a revendiqué plusieurs attaques contre l’armée, s’est développé dans la communauté peule.
"Il est évident que les auteurs de l’attentat de dimanche ont eu un entraînement", confie une autre source sécuritaire, pour qui "il faut sans doute chercher du côté du Mali".
C’est là où le G5 Sahel - coalition antiterroriste de cinq pays sahéliens soutenue par les Occidentaux -, encore en construction, trouvera toute son utilité, pour "détruire les camps d’entraînement, traquer les jihadistes", affirme cette source. "Depuis 2016, la collaboration entre les forces des pays de la région a beaucoup augmenté et a permis de déjouer plusieurs attentats".
Reste aussi à traiter les causes économiques et sociales, la pauvreté, le chômage, qui favorisent la montée de l’extrémisme religieux.
"Le manque d’éducation, d’emploi pour les jeunes, cela a joué", juge l’officier supérieur.
L’autre versant du G5 Sahel, "les programmes de lutte contre la pauvreté et la précarité, de formation de la jeunesse, sont en phase" avec la situation, estime M. Koalaga, pour qui les autorités doivent rapidement réagir contre la radicalisation.
Mais le financement du G5 Sahel est loin d’être bouclé : seulement 50 millions d’euros ont été promis sur les 450 jugés nécessaires.
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