L’actualité ces dernières semaines a été marquée par une flambée des motions de défiance lancées à l’encontre d’un certain nombre de maires de communes accusés çà et là de griefs multiformes. Monsieur Bouladéyoï Dieudonné Ido, Ingénieur du génie rural et maire (MPP) de la commune rurale de Pouni dans le Sanguié a connu, lui aussi, les foudres d’un certain nombre de conseillers élus de sa localité. Des frondeurs qui n’ont eu de cesse de réclamer sa tête «par tous les moyens ». « Aujourd’hui, las de laisser sa commune et le Conseil municipal malmenés par ces ‘’thuriféraires’’ », une plainte a été formulée contre ces derniers au parquet de Koudougou.
Sidwaya (S.) : Monsieur Bouladéyoï Dieudonné Ido, on sait que votre père a été, lui aussi, maire de la commune de Pouni. Considérez-vous la gestion de cette commune comme un sacerdoce héréditaire ?
Bouladéyoï Dieudonné Ido (B.D.I.) : Non, pas du tout. Il y a simplement que nous nous sommes engagés dans un certain nombre d’actions au profit de la communauté ; ce qui nous a valu d’être, à un moment donné, appelés par la jeunesse et la population de Pouni à assumer des responsabilités publiques, à l’exemple de mon père et à l’exemple d’un certain nombre de fils de Pouni qui ont contribué au rayonnement de cette commune.
S. : Aux premières heures de votre élection à la tête du conseil municipal, la commune a été secouée par une vague de violences. Qu’en était-il exactement et quelles ont été les suites réservées à ces échauffourées?
B.D.I. : Le choix du maire, à cette époque, s’est traduit malheureusement par des incompréhensions, si bien que certains passionnés, n’ayant pas véritablement compris le sens du jeu politique, se sont adonné à des réactions exacerbées qui ont conduit à des incendies de domiciles et autres biens privés. Il y a eu aussi des barrages sur la route nationale n°1. Toute chose qui a rencontré la rigueur de la loi. La justice s’en était autosaisie, des jugements ont été rendus et des condamnations ont eu lieu. Certains sont de nos jours en liberté provisoire.
A ce jour, nous rencontrons des répliques de ces malheureux incidents, mais nous sommes sur la voie d’un règlement définitif.
S : Le Chef de Tita, petite ville montante de votre commune, a été écroué ? Quelle est sa situation aujourd’hui ?
B.D.I. : A ce jour, il purge sa peine pour avoir pris une part active lors de ces malheureux incidents. Nous en éprouvons une grande peine parce que sa place est à Tita pour le bien de toute la commune de Pouni.
S : Parlez-nous de votre parcours politique. On vous savait de l’UPC pourquoi ce revirement au MPP ?
Je vais rapidement vous dire que depuis le lycée je me suis toujours intéressé aux mouvements associatifs ; j’ai été scout et toujours au lycée, en classe de Terminale, j’ai pu être délégué général (NDLR : au Collège de la salle). J’ai été un militant de l’ANEB à l’université et j’ai eu la chance de présider l’association des élèves-ingénieurs de l’EIER-ETSHER, l’actuelle 2IE. C’est pour vous dire que le militantisme m’a toujours intéressé au plus haut point. A la suite de tout cela, j’ai pu suivre les frères et surtout mon père dans les différentes campagnes électorales depuis 1997. Mais en 1998, notre engagement a pris une tournure différente avec la mort de Norbert Zongo. Engagés en tant qu’étudiants, nous avions pris part à toutes les grandes marches du collectif. Tacitement, nous avions décidé que plus rien ne devrait être comme avant, que trop était en effet, trop ! Cette rage nous a animés jusqu’en 2011, quand nous avons pris la carte du parti UPC. Nous étions en ce moment dans la logique du changement et ce parti reflétait au mieux nos aspirations. Nous avions décidé, après échanges avec le chef du parti, Zéphirin Diabré, d’implanter et organiser le parti dans la partie Sud du Sanguié, notamment dans la commune de Pouni ainsi que dans les communes de Zamo et de Zawara.
Si vous avez souvenance, c’était bel et bien un bastion CDP parce que le Chef du gouvernement de l’époque, Luc Adolphe Tiao, est originaire de cette partie de la province.
Alors, nous avions bravé toutes les difficultés du monde pour imposer le parti face à une machine indéboulonnable du CDP. Nous avons pu la confronter lors de la campagne législative de 2012, où nous avions affronté des bonzes et mastodontes du parti au pouvoir tels que Luc Adolphe Tiao et le général Djibrill Bassolé, entre autres.
Malheureusement, tous les acquis engrangés ont été balayés du revers de la main par les premiers responsables de l’UPC lors de la constitution des listes comptant pour les législatives en 2015. En ce moment, plusieurs personnes, qui ne s’intéressaient pas à la politique auparavant, ont atterri dans le parti, motivées par la logique du ‘’plus rien ne sera comme avant’’. Elles ont été privilégiées à notre détriment et notre base a, dès lors, estimé qu’il était nécessaire de nous désolidariser de ces pratiques opportunistes. Nous avons donc élu domicile, dès février 2016, au MPP, parti nouveau qui a fait fleurir le changement dans l’hostilité.
S : Depuis lors, vous essuyez une fronde de quelques conseillers qui sont en majorité du même parti que vous. Qu’en est-il ?
B.D.I. : Il faut dire que le problème est né pendant les primaires. A cette époque déjà, 14 conseillers sur 33 n’ont pas pris part aux primaires qui ont été organisées au siège du parti à Tita, car leur sécurité était menacée. Dès lors, une opposition virtuelle s’est manifestée entre Pouni et Tita. Chaque bloc étant persuadé de remporter l’élection du maire. Cette situation a été évoquée à la hiérarchie du parti qui a tout fait pour juguler la crise. Malheureusement, ces efforts ont été vains puisqu’au soir de notre élection (nous avons été soutenus par les 10 conseillers de l’opposition), certains de nos proches ont vu leurs biens saccagés à Tita. Malgré ces incidents, nous avons, conformément au code des collectivités territoriales, continué avec le fonctionnement normal du conseil.
S : Vous semblez bien instruits sur le code des collectivités territoriales. Est-ce le cas de tous les conseillers de votre commune ?
B.D.I. : Il faut dire que plusieurs conseillers ont eu la chance d’être formés en septembre 2016 au code des collectivités territoriales. Cette formation était assurée par le Ministère de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité (MATDS). Et, plusieurs documents ont été mis à notre disposition. Malheureusement, les conseillers frondeurs ont refusé de prendre part à cette formation, si bien qu’ils ont du mal aujourd’hui à comprendre et accepter le mode organisationnel et le fonctionnement de la mairie. Ils ont, leurs propres compréhensions de certains textes, toute chose qui n’a pas favorisé une bonne entente entre nous. Vous vous rappellerez que dernièrement, ils ont formulé une motion de défiance à mon encontre, à travers laquelle je suis diffamé. Ils ont en outre, usé de fausses signatures pour donner de la valeur à la motion de défiance.
Tout cela dénote d’une ignorance des textes. Mais nous sommes sur le point de régler le problème puisque au niveau du parti comme au niveau du conseil municipal nous avons pu enterrer définitivement la hache de guerre. Désormais la logique de la réconciliation est engagée et nous procèderons bientôt, avec nos partenaires, à un recyclage de tous les conseillers, afin que nous soyons au même niveau de compréhension des textes en vigueur.
S : N’est-ce pas trop tard ? Puisque vous avez intenté une action en justice contre les « faussaires » ?
B.D.I. : Non ! Pas du tout. En effet, j’ai été acculé à le faire parce qu’ils étaient à leur troisième tentative de me déloger du poste de maire par des moyens irréguliers. Bien entendu, des échanges ont eu lieu au sein du parti et ils ont retiré leur motion. Mais avant, nous avons organisé une session qui a rejeté la motion, par 28 conseillers sur les 43 que compte le conseil.
Vous pouvez être rassurés, tout est maintenant rentré dans l’ordre. J’ai instruit mon avocat pour que ma plainte soit dûment retirée, pour éviter qu’on ne retombe dans de vains conflits.
S : Que préconisez-vous pour que prennent fin ces dysfonctionnements que nous constatons au sein des conseils municipaux dans notre pays ?
B.D.I. : Avant tout, il faut avouer que les motions de défiance sont un outil efficace pour les conseillers pour mettre une sorte de pression sur le maire afin qu’il donne le meilleur de lui-même pour une gestion saine et équitable de la commune. Malheureusement, quand il y a des agendas cachés derrière ces mêmes motions, quand les motifs, qui y sont exprimés, sont fallacieux, il faut que les partis politiques, la tutelle (Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation) et la Justice sévissent. Les partis politiques sont invités à renforcer la formation politique. Ils doivent appeler leurs élus à ne considérer que les intérêts des communes en lieu et place de leurs intérêts égoïstes. Ça y va de leurs assises et des intérêts de nos communautés respectives.
Philippe BAMA
(Collaborateur)