Actualité oblige, Alain Edouard Traoré, le ministre de la Communication, a donné une conférence de presse hier lundi 15 juillet 2013 dans les locaux de son département. Au menu, bien évidemment, la révolte du SYNATIC face à «l’immixtion des autorités de tutelle dans le traitement de l’information dans les médias d’Etat» et qui, à côté d'autres points de la plateforme revendicative motive le Syndicat à tenir un sit-in le 16 juillet. Immixtion ? Non, plutôt des «allégations véhiculées par des journalistes qui manquent de professionnalisme», à entendre le ministre Traoré.
Lundi 15 juillet 2013, 16h, 3e étage de l’immeuble abritant le ministère de la Communication. La salle prévue pour accueillir la conférence de presse donnée par le maître des lieux, Alain Edouard Traoré, se révèle très vite exigüe. La raison, plus d’une cinquantaine de journalistes n’ont voulu se faire conter l’évènement, certains devant se résoudre à suivre l’intervention du porte-parole du gouvernement sur la grève du SYNATIC debout.
La coupure d’électricité n’arrange pas les choses et on doit ouvrir grand la seule fenêtre de la pièce pour avoir un peu d’air et même de la lumière au moment où arrive le maître de céans flanqué de ses plus proches collaborateurs dont son SG, Adama Barro. D’entrée de jeu, c’est un porte-parole du gouvernement, au ton posé, qui a tenu à saluer le travail qu’abattent les journalistes au quotidien pour le renforcement de la démocratie et l’information des citoyens.
Passé ces salamalecs, Alain Edouard Traoré est revenu sur les points évoqués par le Syndicat autonome des travailleurs de l’information et de la culture (SYNATIC) et l’Association des journalistes du Burkina (AJB), à savoir «l’élaboration d’un statut particulier pour les travailleurs des médias publics en vue de l’amélioration conséquente de leurs conditions de vie et de travail ; la reconstitution de carrière des agents et le rétablissement des rémunérations injustement coupées» pour justifier leur sit-in prévu ce mardi 16 juillet de 7h à 10h. «Ces points ont déjà fait l’objet de plusieurs concertations qui ont abouti à des propositions concrètes de solutions», tranche le ministre.
«Je ne suis pas journaliste professionnel mais ce n’est pas l’idée que je me fais du journalisme»
Quid de l’immixtion dont le SYNATIC accuse les autorités de tutelle dans le traitement de l’information par les médias d’Etat dénoncé par le syndicat ? Alain Edouard Traoré hausse quelque peu le ton : «A aucun moment une telle démarche n’a été entreprise par mon département. En tant que premier responsable des médias d’Etat, il est de mon devoir de veiller au respect de la ligne éditoriale, de l’éthique et de la déontologie du métier dans les organes.
Ainsi, face au traitement des sujets sensibles, des orientations sont toujours données aux responsables de structures à tous les niveaux pour observer scrupuleusement le professionnalisme, notamment l’équilibre dans le traitement de l’information et éviter les connivences en tout genre». Et d’ajouter que la couverture médiatique des marches de l’opposition et du CDP, à l’origine de ces polémiques, ont été librement assurées par tous les organes publics.
Nulle part donc, foi du ministre de la Communication, une censure ou saisie de rushs n’a été effectuée sur aucun élément par le secrétaire général du ministère, Adama Barro, et l’accusation du syndicat est «gratuite et sans fondement» : «Je ne suis pas journaliste professionnel mais ce n’est pas l’idée que je me fais du journalisme. Je suis étonné de voir que depuis jeudi, personne n’a contacté le SG, pourtant le minimum en journalisme, c’est de vérifier l’information. Je suis obligé de réagir quand on accuse un homme humble, modeste, digne et grand professionnel comme lui. S’il y a un seul journaliste qui peut dire le contraire, qu’il sorte le dire et apporter des preuves».
Pourtant, les récriminations des téléspectateurs, auditeurs et lecteurs des médias d’Etat ne manquent pas, ceux-ci affirmant ne pas y retrouver ce qu’ils voient sur le terrain. A cette observation d'un confrère, le ministre répond : «Ne confondez pas ceux qui font le plus de bruit avec le peuple, ceux qui ont l’opportunité de s’exprimer avec le peuple. Vous êtes des journalistes, vous savez que l’information doit être traitée avant publication et on ne peut pas se mettre à diffuser des images de gens qui se boxent, de gens qui s’insultent. Aucun camp n’est content de nous. Tous les jours, je reçois des sms de gens qui ne sont pas d’accord avec ce qu’ils voient sur la RTB. Nous, nous ne nous reprochons rien, nous ne constituons pas un ministère de la propagande.»
Mais que s’est-il donc passé exactement à la RTB le 29 juin dernier ? «Ce n’est pas à moi de vous dire ce qui s’est passé le 29 juin. La RTB fonctionne en toute indépendance par rapport au cabinet. Moi, ministre Alain Edouard Traoré, je ne me suis jamais immiscé dans le traitement d’une information. Demandez-leur d’apporter la preuve de mon immixtion».
Y a-t-il alors un excès de zèle des directeurs d’organes de presse d’Etat ? «Vous qui êtes dans vos rédactions, est-ce que vous pouvez y faire ce que vous voulez ? Qui va en prison si un média est condamné ? Ce n’est pas le journaliste, c’est son responsable», a tout simplement répondu le ministre de la Communication pour qui, le journalisme est en train de perdre ses lettres de noblesse : «Ce n’est pas juste de nous faire un procès. Je n’ai pas dit que le SYNATIC a inventé quoi que ce soit. Je vous reproche à vous journalistes, de ne pas avoir recoupé l’information. Où est le professionnalisme ? Vous livrez en pâture la dignité et l’honneur des gens.»
Revenant sur les autres points de la plateforme du SYNATIC, le ministre, pour qui le sit-in est une manifestation citoyenne qu'il respecte, a déclaré ne pas avoir toutes les solutions, mais être toujours disponible pour les écouter. Notons à ce propos qu'après la conférence de presse, une rencontre entre le ministre et les syndicats a eu lieu à huis clos.
Peut-on s’attendre à une plainte pour diffamation du ministère dans les prochains jours sur l'accusation d'immixtion portée contre lui ? «Non, même quand on m’a accusé de dealer avec des concessionnaires de véhicules, je ne l’ai pas fait, alors que je n’ai jamais rencontré une entreprise de vente de véhicules ni passé de marché de gré à gré. Vous jetez mon honneur et ma dignité en pâture. Aller en justice est facile, mais s’élever au dessus de tout ça est difficile et c’est ce que je fais.»