« Nous serions restés plus longtemps s’il n’ y avait pas les jeux de la Francophonie ».
Confidence d’Alassane Dramane Ouattara, faussement désolé de la brieveté de son séjour, le mardi 18 juillet 2017 à la clôture de la 6e session du Traité d’amitié et de coopération entre la Côte d’Ivoire et le Burkina qui se tenait à Ouagadougou. Personne en fait n’était dupe sur les raisons qui obligeaient le locataire du palais de Cocody à écourter son séjour burkinabé au moment où un nouveau mouvement d’humeur de « quelques soldats indélicats » a causé le week-end dernier trois morts à Korhogo et à N’Dotré.
On se doutait donc que le sport était un paravent tout trouvé qui cachait mal les urgences sécuritaires qui troublent le sommeil d’ADO depuis le début de l’année. Mais on était loin d’imaginer qu’au moment où il s’exprimait, il tenait entre les mains une bombinette qu’il ferait exploser sitôt rentré au bercail.
A la faveur d’un léger réaménagement ministériel qui a surtout consisté en un petit jeu de chaises musicales, Hamed Bakayoko, jusque –là premier flic de Côte d’Ivoire, a en effet été bombardé hier ministre d‘Etat chargé de la Défense, en remplacement d’Alain Richard Donwahi , envoyé pour ainsi dire « dans la brousse » puisqu’il échoue aux Eaux et Forêts. Une victime collatérale de plus de cette fièvre kaki qui s’est emparée du pays d’Houphouët voilà six bons mois et qui paie quelque part les relations plutôt délicates qu’il entretenait avec la hiérarchie militaire.
Déjà en début d’année, les généraux Soumaila Bagayoko (un proche de Soro) , Gervais Kouakou Kouassi et Brindou Mbia, défenestrés de l’état-major général des armées, du commandement supérieur de la gendarmerie et de la direction générale de la police, avaient fait les frais des mouvements d’humeur des soldats, notamment les anciens rebelles reversés dans l’armée régulière ( qui réclament à coups de kalachnikov le paiement de primes promises ) et dont la greffe n’a jamais vraiment pris .
Bon nombre d’observateurs de la scène politique ivoirienne ont souvent vu dans ces mutineries à répétition l’ombre tutélaire du président de l’Assemblée nationale dont l’emprise sur les ex-éléments des Forces nouvelles n’a jamais été démentie. Une suspicion devenue sérieuse depuis la découverte d’une cache d’armes au domicile bouakéen de Soul to Soul, qui n’est autre que le directeur du protocole et homme lige de l’enfant de Ferké.
En confiant la Grande Muette devenue trop bruyante à son « bon petit » HamBak , c’est donc un acte de grande portée politique que le chef de l’Etat ivoirien vient de poser pour qui connait l’inimitié, voire la haine viscérale à peine contenue, que se vouent ces deux étoiles de la galaxie ADO dont l’une brille de plus en plus fort au fur et à mesure que l’autre pâlit sous l’effet conjugué de casseroles aussi bruyantes les unes que les autres.
C’est de ce fait presque un arbitrage « armé » que celui que l’Union des soroïstes (UDS) avaient récemment traité de « père injuste » vient de faire en flinguant celui à qui la présidence semblait promise il n’y a pas encore si longtemps. Question : où va donc s’arrêter le golden boy qui vient mettre l’armée au pas et est considéré comme l’un des outsiders de la course à la succession de son mentor et, à contrario, où s’arrêtera la descente aux enfers de Soro même s’il faut se garder d’enterrer trop tôt quelqu’un qui en a vu bien d’autres. On se demande d’ailleurs si ce n’est pas un peu risqué pour le chef suprême des armées d’ouvrir franchement le front anti-Soro alors même que son alliance politique avec le PDCI RDA semble partir en lambeaux.
Ousseni Ilboudo