Le phénomène des grossesses non désirées chez les jeunes filles n’épargne pas les adolescentes employées généralement dans les familles comme domestiques. Ces filles, une fois enceintes, se retrouvent dans la rue, mettant en péril leur santé et celle de l’enfant à naître.
«J’ai 17 ans, dès l’enfance mon grand-père m’a promis en mariage à un homme. A 15 ans, mes parents m’ont contraint à rejoindre la famille de mon époux. Une fois dans ce foyer, je me suis rendu compte que mon mari était un vieux et j’ai donc planifié ma fuite à Ouagadougou où j’ai trouvé un emploi de domestique dans une famille. Là, j’ai fait la connaissance d’un jeune homme, Mathieu, ressortissant d’un village voisin de celui de mon époux qui est devenu mon petit ami. Tout se passait bien jusqu’à ce que je lui annonce que j’étais enceinte», relate Martine Sawadogo.
Et d’ajouter que le jeune homme en question lui a alors révélé qu’il ne pouvait pas assumer la paternité de l’enfant ni l’épouser du fait de la tradition. A entendre l’adolescente, du fait de son état de grossesse, sa patronne lui a également annoncé qu’elle ne pouvait plus la garder à son service. Conséquence, elle s’est donc retrouvée dans la rue où elle a passé une nuit à la belle étoile.
«Le lendemain, un passant, me voyant en larmes, m’a interrogé sur les raisons de mes pleurs. Après mes explications, il m’a conduit auprès de l’Action sociale de Tanghin. Par la suite, les travailleurs sociaux m’ont conduit à Kéego et de là, j’ai été placée au Centre d’accueil pour jeune filles Pan-Bila où j’ai pu bénéficier d’un toit et aussi de soins médicaux», raconte-t-elle.
Cette histoire, à la fois émouvante et triste, de Martine Sawadogo, illustre la détresse dans laquelle se retrouvent certaines jeunes «bonnes» qui se retrouvent souvent dans les grandes villes à la recherche de meilleures conditions de vie. Rejetées, le plus souvent, par leurs parents et l’auteur de leur grossesse, ces filles se retrouvent livrées à elles-mêmes, dans une ville où elles ne connaissent personne. Cette situation met aussi en péril la santé de la future mère et celle de l’enfant en gestation.
Une vie sexuelle précoce
Les grossesses précoces constituent la résultante d’une sexualité précoce. En effet, selon l’enquête démographique et de santé 2010 (EDS 2010), près d’un quart des adolescentes (24%) ont déjà commencé leur vie féconde et 19% d’entre elles ont déjà eu, au moins, un enfant. Ces adolescentes (15-19 ans) qui constituent 19% de l’ensemble des femmes en âge de procréer contribuent pour 11% à la fécondité totale des femmes. Cette problématique est partagée par plusieurs pays à travers le monde.
C’est la raison pour laquelle la communauté internationale a commémoré cette année, la journée mondiale de la population sous le thème «la grossesse chez les adolescentes». Cette journée a été célébrée (le jeudi 11 juillet 2013) à un moment où le monde compte plus de 500 millions d'adolescentes dans les pays en développement. Or, de plus en plus, des millions d’entre elles sont confrontées à une discrimination et à une exclusion profonde qui les empêchent de faire valoir leurs droits et exprimer leur potentiel.
Elles sont souvent mariées précocement et sont confrontées à la grossesse et à la procréation avant qu'elles ne soient physiquement, émotionnellement et socialement assez matures pour être mères. Ainsi, chaque année, environ 16 millions de filles âgées de 15-19 ans accouchent. L’initiation précoce à l’activité sexuelle et l’accès limitée des adolescentes à la contraception constituent, entre autres, les raisons du fort taux de grossesses chez les adolescentes.
Le thème de l’édition 2013 de la JMP, a justifié Mme Félicité Bassolé, membre de la cellule d’appui à la Direction des politiques de population (DPP), est une invite pour tous les acteurs (service de santé, écoles, parents, jeunes, etc.) à assurer une veille permanente et intense sur l’éducation des jeunes. Elle a ajouté que la politique nationale de la population participe à cet élan au quotidien.
En aval, une prise en charge plus efficace des adolescentes en grossesse devrait permettre de minimiser les risques sur leur santé. Au Burkina Faso, plusieurs structures apportent un soutien aux filles enceintes livrées à elles-mêmes. C’est le cas du Centre d’accueil pour jeunes filles Pan-Bila. Situé dans la zone périurbaine de Nioko II, ce Centre représente un havre de paix pour des jeunes filles en grossesse, généralement en situation de rue.
Ces filles sont, pour la plupart, référées par des partenaires tels que Kééogo, l’ONG «Terre des Hommes», médecins sans frontières, etc. En plus de l’hébergement et de la prise en charge psychosociale des filles et de leurs bébés, le Centre s’occupe de la réinsertion familiale des filles. Selon Frédéric Zongo, responsable du Centre, le volet de la réinsertion nécessite de la patience et de l’abnégation. «En effet, après l’accouchement, ce n’est pas facile de réconcilier la fille avec ses parents afin qu’elle puisse retourner chez elle. Souvent, il nous faut aller plusieurs fois dans les familles pour les convaincre d’accueillir leur fille», fait-il savoir.