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Affaire magistrats épinglés : «Les mis en cause risquent des sanctions disciplinaires et pénales» (Victoria Ouédraogo/Kibora, secrétaire permanente du CSM)
Publié le vendredi 14 juillet 2017  |  L`Observateur Paalga
Conseil
© Autre presse
Conseil d’Etat: Victoria Ouédraogo nouvelle conseillère
Le mardi 14 août 2012, Ouagadougou






«Le monnayage de la programmation des dossiers, de la liberté provisoire, notamment à l’instruction et au niveau des chambres correctionnelles des Cours d’appel, du recouvrement des sommes d’argent dans les cabinets d’instruction et les sous-unités de police judiciaire au profit des victimes avant toute décision ; les garde à vue pour contenter une victime et recevoir de sa part des présents» ; ces manquements ont été constatés dans le traitement de 29 dossiers suite aux investigations menées par la commission d’enquête mise en place par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Des magistrats, des avocats, des greffiers et des officiers de police judiciaire de la gendarmerie sont épinglés dans le rapport d’enquête. Magistrat de grade exceptionnel, Victoria Ouédraogo/Kibora est la secrétaire permanente du CSM. Dans cet entretien, elle revient sur ce rapport, sans entrer dans les détails, et précise que les indélicats risquent des sanctions disciplinaires et pénales. Quant aux justiciables lésés, ils pourraient avoir la possibilité de se pourvoir pour que le droit soit dit dans toute sa plénitude. Lisez plutôt.



Parmi les nouveautés dans la magistrature, il y a le code de déontologie des magistrats. Qu’est-ce qui change fondamentalement ?



L’adoption du code de déontologie des magistrats n’est pas une nouveauté contrairement à ce que vous le dites. Il convient de rappeler qu’en juillet 2008, le CSM, sur initiative des syndicats des magistrats, avait adopté un code de déontologie par suite d’une résolution.

La nouveauté du code actuel est qu’il a été adopté par résolution à caractère contraignant. Aux termes de l’article 17 de la loi 049-2015/CNT du 25 août 2015 portant organisation, composition, attributions et fonctionnement du Conseil Supérieur de la Magistrature, le CSM peut prendre des résolutions contraignantes dans les domaines entrant dans ses attributions.

Le nouveau code s’inscrit dans la logique des réformes engagées depuis la signature du Pacte national pour le renouveau de la justice du 28 mars 2015.



Plus que les textes, les problèmes de la justice ne sont-ils pas d’abord des problèmes de moralité de chaque individu ?



Il faut éviter de caricaturer la justice. Nous sommes d’accord avec vous qu’il existe des problèmes de moralité de certains acteurs de la justice, mais il faut dire que les problèmes sont de plusieurs ordres. Les états généraux de la justice, tenus du 24 au 28 mars 2015, ont fait un diagnostic des maux qui minent le secteur parmi lesquels on peut citer l’inadéquation et l’insuffisance des moyens mis à la disposition des acteurs de la justice, l’insuffisance et l’inadéquation de la formation des acteurs, les pressions politiques et sociales…

Revenant au problème de moralité des magistrats, nous savons tous que les investigations menées par la commission d’enquête mise en place par le CSM a conclu à l’existence de manquements à l’éthique et à la déontologie dans 29 dossiers impliquant 37 magistrats principalement. A l’heure actuelle, le nombre de magistrats exerçant au Burkina Faso est estimé à 565. Si nous faisons un calcul rapide, nous avons un ratio de 6,5% de magistrats contre qui pèsent des soupçons de manquement aux règles d’éthique et de déontologie. Sans pour autant minimiser la gravité de la situation, nous pensons que le problème de la justice n’est pas que d’ordre moral.



Rappelez-nous dans quel contexte la commission d’enquête a été instaurée.



Le rapport diagnostic présenté lors des états généraux de la justice a décelé, au titre des maux qui minent la justice, des manquements graves à l’éthique et à la déontologie. L’ensemble des forces vives ayant pris part à ces états généraux ont vivement souhaité que la lumière soit faite sur ces manquements. C’est ainsi que le CSM en sa session du 28 juillet 2016 a décidé de la mise en place de la commission d’enquête.



Quelle est la période concernée par l’enquête ?



La commission d’enquête a mené ses investigations sur des dénonciations de faits concernant la période comprise entre 2010 et 2016.



Quelles sont les conclusions de l’enquête ?



L’enquête a conclu à l’existence de plusieurs manquements à l’éthique et à la déontologie dans 29 dossiers impliquant 37 magistrats principalement. Toujours selon la commission , les manquements dont il s’agit se manifestent de plusieurs manières, à savoir le monnayage de la programmation des dossiers, de la liberté provisoire, notamment à l’instruction et au niveau des chambres correctionnelles des Cours d’appel, du recouvrement des sommes d’argent dans les cabinets d’instruction et dans les sous-unités de police judiciaire au profit de victimes avant toute décision ; les garde à vue pour contenter une victime et recevoir de sa part des présents.

La commission a relevé que la plupart des manquements retenus contre les magistrats ont été facilités par des avocats, des greffiers et des gardes de sécurité pénitentiaire.

La commission a conclu cependant que certaines dénonciations, aussi bien dans la presse que par certains justiciables individuellement pris, relèvent d’insuffisances professionnelles aboutissant à des décisions qui peuvent être mal comprises. La commission a fait ressortir qu’il existe aussi un déficit de compréhension des procédures judiciaires. En effet, sur 24 dénonciations portées à la connaissance de la commission à la suite de son appel à témoins, 14 se sont soldés par l’absence de manquement à la déontologie, et un dossier n’a pu faire l’objet d’investigation de la part de la commission pour refus manifeste de témoigner des principaux acteurs du fait de l’inaction de l’inspection technique des services du ministère de la Justice au moment de la dénonciation courant 2014 et ultérieurement.



Mais qui sont ces 37 magistrats et auxiliaires de justice ripoux que vous avez épinglés ?



La commission a déposé son rapport devant le CSM au cours de sa session tenue du 06 au 08 juillet 2017. Le CSM a, après échanges, décidé de la transmission d’une copie au Président du Faso en sa qualité de garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire, une autre au ministre de la Justice pour saisine du conseil de discipline qui, certainement, ne tardera pas à se faire. Les informations sur les noms des 37 magistrats vous seront communiquées en temps utile.



On présume que les intéressés ont été auditionnés. Ont-ils reconnu les faits ?



Cette information vous sera également communiquée en temps opportun.



Au juste à qui ce rapport était-il destiné ?



Ce rapport est destiné au Conseil supérieur de la Magistrature.



Mais pourquoi en rendre compte au président du Faso s’il a été éjecté de la présidence du Conseil supérieur de la magistrature ?



Certes, le Président du Faso n’est plus membre du CSM, cette nouvelle configuration du CSM résultant de la mise en œuvre des recommandations issues des états généraux de la justice, mais, si vous parcourez la Constitution en son article 131, vous constaterez que le Président du Faso reste le garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire. Et en cette qualité, il rencontre au moins une fois par an les membres du CSM pour discuter des questions en rapport avec l’indépendance du pouvoir judiciaire. Vous conviendrez avec moi que, ne serait- ce qu’à ce titre, il est normal qu’il soit destinataire d’un tel rapport mettant à nu les manquements de certains magistrats.



Maintenant que le rapport a été remis, on fait quoi, qu’est-ce qui va se passer ?



Le CSM a décidé de la transmission d’une copie au ministre de la Justice afin que des diligences soient prises pour la saisine du Conseil de discipline.



Qu’est-ce que les mis en cause risquent ?



Les mis en causes risquent des sanctions disciplinaires et pénales. Les sanctions disciplinaires relèvent du conseil de discipline et vont du blâme à la révocation sans suppression des droits à pension.

Quant aux sanctions pénales, elles relèvent des juridictions de droit commun.



Puisqu’il y a des magistrats, des avocats et des gardes de sécurité pénitentiaire (GSP), qui va statuer sur le sort des uns et des autres ?



Il faut déjà que je précise que le rapport de la Commission n’a pas mis en cause des GSP mais a plutôt parlé de magistrats, d’avocats, de greffiers, d’OPJ et d’APJ de la gendarmerie nationale.

Pour les magistrats, nous l’avons déjà dit, c’est le CSM réuni en sa formation disciplinaire qui est compétent. Les autres en répondront devant leur hiérarchie.



Pour les justiciables lésés, qu’est-ce qu’on fait ? Est-ce l’autorité de la chose jugée ou alors peut-on reprendre les procès ?



A ce stade, il est prématuré de présager l’issue de chaque procédure ; dans tous les cas, il appartiendra à chaque justiciable qui se sent lésé de se pourvoir conformément aux dispositions légales en vigueur en la matière.



Pour l’opinion, il faut frapper fort pour donner l’exemple une bonne fois pour toutes. Qu’en pensez-vous ?



Les sanctions pourraient provenir ou du Conseil de discipline du CSM ou des juridictions de droit commun ; pour moi, il ne s’agit pas ici de frapper fort ou pas, mais de faire une saine application de la loi.



Pour des questions de transparence, ne faut-il pas rendre public le rapport ?



Le rapport a été commandité par le CSM dans un but précis ; il appartient au CSM d’apprécier le moment de le rendre public.
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