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29e sommet de l’Union africaine : Des réformes sur les pas de Kadhafi
Publié le vendredi 7 juillet 2017  |  Sidwaya
Cérémonie
© Présidence par D.R
Cérémonie solennelle d`ouverture de la 29e session ordinaire des chefs d`Etat et de gouvernement de l`Union Africaine
Les chefs d`Etat et de gouvernement des pays membres de l`Union africaine ont entamé, le 3 juillet 2017 à Addis-Abeba en Ethiopie, leur 29e sommet qui va durer deux jours




La 29e assemblée générale de l’Union africaine (UA), ouverte par des rencontres techniques depuis le 27 juin 2017, s’est achevée, le 4 juillet à Addis-Abeba, par l’adoption d’importantes décisions sur la vision stratégique de l’UA et sur les questions urgentes du continent. Après avoir fait adopter la période 2018-2027 comme décennie de la jeunesse africaine par le sommet, le Président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, est resté jusqu’à la clôture et a accordé des audiences à des personnalités.

«Il faut sortir de cette situation, il faut sortir des frontières héritées de la colonisation», a lancé Mahamadou Issoufou, le Président nigérien, à la 29e session ordinaire du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine, qui a pris fin le 4 juillet 2017 à Addis-Abeba. «L’Afrique doit devenir un havre de paix, de prospérité», tel est le vœu du Président de la Guinée, président en exercice de l’UA, Alpha Condé. Pour sa part, le président de la Commission de l’UA, le Tchadien Moussa Faki Mahamat a prévenu les chefs d’Etat : «Décider des options et faire le contraire est désormais une position politique intenable, éthiquement répréhensible». A ce sommet, insistant sur un thème déjà abordé lors de la session précédente, les leaders des 55 pays-membres de l’Union semblaient plus engagés dans le renouveau africain, tout au moins dans leurs ambitions, leurs décisions et leurs interventions. Un entrain qui n’est pas sans appeler l’ère Kadhafi, grand artisan de l’Union africaine dans son format actuel.
Les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UA ont adopté des réformes à mi-chemin qui portent d’une part, sur les préoccupations africaines, notamment la lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, les maladies les plus dévastatrices sur le continent. Ils ont aussi adopté des mesures de lutte contre l’insécurité dans les zones instables, de même que des mesures de promotion de la paix, de la jeunesse et de l’emploi. D’autre part, la question genre et la lutte contre les mariages précoces, ont été examinés. Pour le Président zambien, champion de la lutte contre le mariage précoce, il faut maintenir les jeunes filles à l’école pour éviter le mariage précoce. C’est ce qu’il fait dans son pays et appelle les autres à en faire autant.
Mais les chefs d’Etat ont surtout insisté sur l’autonomie financière de l’Union telle que l’avait envisagé l’ex-guide libyen, sur la formation d’un bloc africain beaucoup plus homogène et parlant le même langage aux fora internationaux et enfin, sur une Afrique débarrassée des frontières fixées par la colonisation.

L’autonomie financière de l’UA en marche

Désigné par ses pairs comme «leader» ou «champion» à la tête du comité chargé des réformes institutionnelles de l’Union africaine, le Président tchadien, Idriss Deby Itno, a présenté un rapport adopté avec des réserves. L’une des plus importantes réformes porte sur l’autonomie financière de l’Union. Les chefs d’Etat africains ne supportent plus la dépendance de l’Union africaine vis-à-vis des partenaires extérieurs, devenus très importants et à la fois encombrants. Par exemple, le budget initial 2016-2017 de l’UA, estimé à 707 millions d’euros, est financé à 73% par les partenaires de l’Union européenne, de la Chine, des Etats-Unis et de la Banque mondiale.
Les prélèvements attendus sur les importations devraient permettre à l’Union de disposer de fonds beaucoup plus importants que les soutiens que lui offrent ses partenaires, de l’avis de Carlos Lopes, universitaire bissau-guinéen et membre du comité chargé des reformes. Cette taxe adoptée en juillet 2016 à Kigali au Rwanda, rencontre néanmoins quelques difficultés dans sa mise en œuvre. A l’heure actuelle, seules la Côte d’Ivoire et la Guinée sont en phase avec le principe. Des pays comme l’Afrique du Sud ou l’Angola émettent des réserves par rapport à leurs lois fondamentales ou par rapport aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Un comité ad hoc a été mis en place pour aplanir les divergences et dissiper les craintes afin de faciliter la ratification de la disposition par la majorité des pays d’ici la fin de l’année. Le Burkina Faso et ses voisins de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) seraient bien avancés sur ce dossier, dit-on. Pour M. Lopes, la machine de l’autonomisation financière de l’UA est bien lancée.
Les réformes concernent aussi la rationalisation de la Commission de l’UA et la possibilité pour l’Union elle-même d’être dirigée par une troïka : un président en exercice, aidé par son prédécesseur et son successeur. L’idée est de rendre la gestion de l’UA plus efficace et de lui offrir expérience et renfort, étant donné que le président en exercice n’a souvent pas le temps pour gérer autant bien les affaires africaines que les préoccupations de ses concitoyens. La périodicité des sommets sera aussi revue, tout comme le nombre des sujets examinés à chaque session. Sur la troïka, on peut aussi constater que la machine est en marche avec comme président en exercice, le Pr Alpha Condé, activement soutenu par son prédécesseur Idriss Déby et son probable remplaçant qu’est Paul Kagamé du Rwanda.

Vers la démolition des barrières commerciales

A côté de la question du financement, les chefs d’Etat ont aussi décidé de faire tomber les barrières commerciales intra-africaines. Cette réflexion est confiée au président nigérien, Mahamadou Issoufou, patron du comité chargé de la question. Le comité, à l’issue des rencontres avec les ministres africains en charge du commerce, a proposé que les marchés nationaux soient ouverts entre eux à hauteur de 90%. «Nous avons décidé de donner une impulsion et de stimuler le commerce intra africain, en supprimant les obstacles à ce commerce, en supprimant les obstacles tarifaires, en surmontant les obstacles non tarifaires. C’est l’objectif qu’on s’est fixé», a expliqué le président Issoufou devant la presse au siège de l’UA. Pour lui, «un grand pas en avant» est déjà fait, permettant d’espérer la signature de l’accord d’ici la fin de l’année. Il est d’autant plus optimiste que la plupart des Etats auraient marqué leur accord de principe. Seuls sept pays ont souhaité que le niveau d’ouverture des marchés soit revu à 85%. «Dans les principes et les modalités de négociation, nous avons prévu des règles de flexibilité, des règles de souplesse ; il est clair que le futur accord que nous allons signer tiendra compte des cas particuliers de certains Etats», a-t-il ajouté.
En attendant, le commerce interafricain ne représente que 13% des échanges de l’ensemble des pays. Ce qui se comprend aux yeux du président nigérien. Il a rappelé qu’il existe 80700 km de frontières entre pays africains. A cela s’ajoutent des obstacles tarifaires et non tarifaires. Ce qui donne ce chiffre de 13%. Mais pour le «champion» du libre-échange interafricain, c’est un défi générationnel que les dirigeants actuels doivent relever, en accroissant le commerce intra-africain. Les ministres africains du commerce devront se retrouver à nouveau à Niamey, entre novembre et décembre 2017, afin de peaufiner les propositions existantes et préparer une réunion conjointe avec les ministres en charge des questions juridiques, apprend-t-on du côté du comité. «Notre mission historique, c’est de réaliser l’intégration économique de notre continent. Et nous ne trahirons pas cette mission ; nous avons pris l’engagement devant nos peuples », a promis Mahamadou Issoufou.

La sécurité par les solutions politiques

Sur la question de la sécurité, le président de la commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, tout au long du sommet, a plaidé en faveur d’une approche africaine. Les foyers d’insécurité où d’incertitude concernent le bassin du Lac Tchad où sévit le groupe Boko Haram, la zone sahélienne, mais aussi le Soudan du Sud, la Somalie, la Libye, la Centrafrique, le Congo Kinshasa, le Burundi, la Guinée Bissau…
Il a souhaité que les Africains se concertent et puissent parler d’une seule voie concernant les grandes questions de paix et de sécurité sur le continent. Pour lui, il faut donner la priorité à la prévention et à l’anticipation. Dès le 30 juin 2017, il avait insisté sur «l’urgence pour l’Afrique de prendre en main son propre besoin de paix et de sécurité». En présence des chefs d’Etat et de gouvernement, le 3 juillet 2017, il a déclaré avoir mené des actions visant à consacrer la volonté de l’Afrique de «s’assumer en assurant la solution de ses problèmes».

La touche du Burkina à la renaissance africaine

Le sujet de la jeunesse, thème central de la rencontre, a été abordé sous l’angle de la formation, de l’employabilité et de la responsabilité. Apportant sa contribution au sujet, le Burkina a fait adopter la période 2018-2027 comme la décennie de la formation de la jeunesse africaine. Pourquoi une telle contribution ? Pour le ministre burkinabè en charge de la jeunesse, Smaïla Ouédraogo, tous les pays africains sont confrontés à des niveaux différents, à la problématique de la jeunesse en lien avec la formation et l’employabilité. Au Burkina Faso, il n’y a que 4,5% des jeunes qui ont accès à la formation professionnelle et 0,2 spécifiquement à la formation professionnelle agricole, alors que l’économie du pays repose sur ce secteur. Et cette situation, de l’avis du ministre Ouédraogo, «est valable pour tous les pays». Sans abandonner la formation générale, le Burkina envisage alors de mettre l’accent sur des formations en conformité avec ses besoins économiques réels. Le ministre Smaïla Ouédraogo a révélé que dans cette optique, une importante rencontre d’experts est attendue à Ouagadougou avant la fin de l’année, afin de proposer des idées qui pourraient aussitôt être adoptées en janvier 2018 et partagées avec les autres pays.
De façon plus générale, les chefs d’Etat ont demandé au Président tchadien, Idriss Deby, champion de ce sujet, de réfléchir avec son équipe et avec les ministères des Finances pour créer les conditions pratiques d’accessibilité du fonds qui a été créé pour la jeunesse africaine. «La volonté, elle est claire, l’Union africaine place au cœur de ses préoccupations la question de la jeunesse», a-t-il rappelé. Un rapport d’étape, issu d’un forum africain organisé à N’Djamena, a été adopté. Il contient l’essentiel des préoccupations des jeunes et des esquisses de solution, apprend-t-on avec le ministre de la jeunesse.
Le Président Kaboré, pour sa part, ne s’est pas exprimé sur le sujet à Addis-Abeba. Il a toutefois accordé des audiences au président de l’Autorité palestinienne et à la directrice exécutive intérimaire du Fonds des Nation unies pour la population (UNFPA)

Les premières dames s’engagent contre le SIDA

En marge du sommet, les épouses des chefs d’Etat se sont concertées autour du thème «Bâtir sur 15 ans d'engagement pour exploiter le dividende démographique d'Afrique en favorisant les besoins des adolescents et leur accès à des services de santé adaptés aux jeunes». Sous l’égide de l’Organisation des premières dames d’Afrique (OAFLA) qui tenait sa 19e assemblée générale, les épouses des chefs d’Etat se sont engagées pour un accès durable et abordable aux services de santé maternelle et infantile, au dépistage du VIH-SIDA et aux services de conseil et de vaccination.
Amira Elfadil, commissaire de l’Union africaine aux affaires sociales, a appelé les partenaires au développement à soutenir une campagne conjointe UA-OAFLA de lutte contre les nouvelles infections à VIH chez les enfants et de soutien aux mères infectées afin d’accélérer la fin de l'épidémie du SIDA parmi les enfants, les adolescents et les jeunes femmes, d'ici à 2020.
Ce 29e sommet de l’UA aura été marqué par le dernier discours de la présidente libérienne, Helen J. Sirleaf, en fin de mandat. Elle a espéré avoir une autre femme démocratiquement élue à la prochaine session de l’UA.
Les grandes réformes de l’UA et de sa Commission semblent faire grand bruit à travers le continent. Elles viennent à la suite de celles insufflées par l’ex-guide de la révolution libyenne, Mouammar Kadhafi. Sous son mandat en effet, il voulait poser des actes concrets, faire disparaître simplement les frontières et construire les Etats-Unis d’Afrique. Celles en cours visent à briser les barrières héritées de la colonisation, mais «par le haut», c’est-à-dire, sans toucher au principe d’intangibilité des frontières. En somme, il s’agira d’une intégration à minima ou d’une intégration réaliste, c’est selon.

Aimé Mouor KAMBIRE
De retour de Addis-Abeba
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