Le procureur général près de la Cour d’appel de la région camerounaise du Centre a révélé, le 4 juillet dernier, le constat des médecins légistes, concluant qu’il n’y a pas de traces de violence sur le corps de l’évêque Jean Marie Benoît Bala dont le corps a été retrouvé le 2 juin dernier dans le fleuve Sanaga au Cameroun. Pour le ministère public, l’évêque serait mort par noyade. Or, dans une déclaration rendue publique le 14 juin 2017, le clergé camerounais affirmait le contraire. « Nous, évêques du Cameroun, affirmons que Mgr Jean Marie Benoît Bala ne s’est pas suicidé, il a été brutalement assassiné », avaient déclaré les prélats camerounais qui exigeaient que « toute la lumière soit faite sur les circonstances et les mobiles » de la disparition de leur camarade. « Voilà un meurtre de plus, et un peu de trop », s’étaient-ils indignés en citant notamment les cas suivants : Mgr Yves Plumey assassiné à Ngaoundéré (Nord) en 1991, l’abbé Joseph Mbassi retrouvé mort à Yaoundé en 1988, le père Antony Fontegh tué à Kumbo (Sud-Ouest) en 1990, les sœurs Marie Germaine et Marie Léone, tuées et violées à Djoum en 1992 et le père Engelbert Mveng, tué à Yaoundé en 1995. Franchement, trop, c’en est trop. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le clergé camerounais a raison de sortir de sa réserve pour dénoncer ce qui ressemble, à ses yeux, à des crimes organisés, surtout que cela ne semble pas émouvoir outre mesure les autorités. Certes, le parquet s’est voulu rassurant en prévenant que l’enquête se poursuivait puisque les autorités camerounaises, à ce qu’on dit, ont demandé une expertise internationale via Interpol après un premier examen par deux collègues de médecins locaux. Mais, comment ne pas se montrer sceptique quand on sait que tous les nombreux assassinats sus-cités dont certains datent de près de trois décennies, ont connu pratiquement le même sort.
Les autorités camerounaises ont intérêt à écouter le sermon de l’Eglise
En tout cas, au regard de la mise en scène qui a entouré la disparition de Mgr Jean Marie Benoît Bala, on peut dire que les Evêques camerounais ont raison de penser à un assassinat. Ourdi par qui ? Et à quelles fins ? Difficile d’y répondre. C’est pourquoi le gouvernement camerounais, pour autant qu’il n’ait rien à se reprocher, doit mettre un point d’honneur à élucider tous ces crimes pour ne pas donner raison aux évêques qui y voient une sorte d’acharnement qui ne dit pas son nom. Car, on a beau être croyant, il y a des moments où, très éprouvé par les vicissitudes de la vie, on se laisse quelque peu emporter par l’émotion ; la raison et la foi n’arrivant plus à tout expliquer. Et à l’allure où vont les choses, il faut craindre qu’à long terme, ces séries d’assassinats ciblés n’affectent la cohésion sociale au Cameroun, comme c’est le cas aujourd’hui en République centrafricaine (RCA) où, au lieu d’être un opium, la religion constitue un facteur de division des peuples. Conséquence, la haine et la méfiance s’installent avec leur corollaire de violences. En tout cas, au-delà de toutes considérations, les autorités camerounaises ont intérêt à écouter le sermon de l’Eglise catholique plutôt que de faire la sourde oreille. Et le plus tôt serait le mieux. Car, ce sont les rancœurs et les frustrations qui finissent par faire le lit de la stigmatisation, au grand dam de l’unité nationale.
B.O