Depuis quelques mois, les éléments de la police, principalement dans la ville de Ouagadougou, sont en lutte pour l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail et pour la transparence et la justice, notamment dans le cadre des services payés. Ces luttes qui se développent viennent renforcer celles que mènent les policiers injustement radiés suite aux mutineries de 2011 et qui demandent leur réintégration. Par cette déclaration, les CDAIP de la ville de Ouagadougou apportent leur soutien aux luttes des policiers contre la corruption de leurs chefs et dénoncent également la corruption et les détournements généralisés qui caractérisent la gouvernance du pouvoir MPP et ses alliés.
Pendant longtemps victimes des pires formes d’exploitation, de maltraitances, d’humiliations, privés de cadre d’expression démocratique (avant la création de leur syndicat, UNAPOL, en 2016, le droit de se syndiquer leur était refusé depuis 1972), les policiers, notamment les hommes de rang, excédés par les injustices diverses sont rentrés en lutte pour revendiquer l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail. En cela, la majorité des agents de la police, composante du peuple, a bénéficié de l’élargissement des espaces de liberté suite aux puissantes luttes populaires pour le pain et la liberté et contre le « si tu fais, on te fait et il n’y a rien ». Cet environnement socio-politique arraché au prix du sang versé de patriotes, progressistes et révolutionnaires a bénéficié également aux policiers et leur a permis, de dénoncer la corruption de certains de leurs chefs qui sont devenus des multimillionnaires ; ils ont construit des châteaux, entretiennent de multiples maîtresses et mènent une vie de luxure alors qu’eux, hommes des corvées et de la servitude, croupissent dans la misère noire et travaillent dans des conditions difficiles souvent sans moyens adaptés (tenues, armes, matériels roulants,…) et quotidiennement exposés aux dangers, notamment à la mort comme en témoignent les tueries répétées de policiers dans l’exercice de leurs fonctions à Ouaga comme ailleurs (cas du Soum depuis 2016).
Fortement fragilisé par les révoltes populaires de 2011, qui annonçaient la fin du règne de Blaise Compaoré, l’Etat mafieux qu’il dirigeait a abattu une répression féroce sur les éléments des FDS : massacre au camp Ouézzin Coulibaly à Bobo, arrestations et tortures, radiation de centaines de militaires et de 136 policiers dont la majorité sans jugement. Pourtant, les revendications des FDS rendues publiques à l’époque étaient justes car en rapport avec leurs conditions de vie et la corruption de leurs chefs. Pour la police notamment, les révoltes de 2011 furent l’occasion pour la hiérarchie décriée par la base pour ses pratiques mafieuses (détournement des recettes des services payés assurés par les policiers, ponctions inhumaines des indemnités, etc.) de régler ses comptes à certains agents dérangeants par leur courage à réclamer leurs droits et la fin de l’impunité dont bénéficient certains de leurs chefs.
Les résultats de l’enquête partielle (car n’ayant concerné que la période de janvier 2016 à février 2017) sur les services payés de la police, en effet, ont conforté les policiers sur la justesse de leurs luttes. Les faits sont accablants et révoltants. A titre d’illustrations : 28 chefs de la police ont empoché 130 millions de francs CFA dont les montants varient de 22 millions de francs CFA pour l’ex-DG de la police, Lazare Tarpaga, à 1 400 000 francs CFA pour chacun des 3 directeurs provinciaux de la police de l’Oudalan, du Ganzourgou et du Bam (confère le journal L’Evènement n°350 du 28 mai 2017, p. 2). Selon le même journal, « les agents chargés d’assurer les services payés ont touché chacun 12 500 francs CFA tous les deux mois, soit 75 000 francs CFA en 12 mois ». Le rapport d’exploitation est humainement inacceptable ! L’ex-DG de la police qui ne prend aucun risque car n’étant pas sur le terrain a touché en une année, entre janvier 2016 et février 2017, 293 fois ce qu’a touché l’assistant de police en une année, lui qui a pourtant fait la garde au risque de sa vie, souvent mal équipé, des journées entières, dans ou devant une banque, un hôtel ou une société minière. Ce rapport d’enquête ne concerne que les pratiques qui ont eu lieu sous le pouvoir MPP et alliés qui avait pourtant promis le changement ! Imaginons les montants accumulés par ces mafieux si l’enquête avait concerné les 28 ans de règne de la 4ème République et l’année du pouvoir de la Transition ?
L’on comprend donc la signification profonde des propos d’un porte-parole des éléments de la Compagnie Républicaine de Sécurité (CRS) qui estimait que « …Nous avons l’impression d’être des marchandises et nos supérieurs nous vendent comme ils veulent ». Et c’est pour mettre fin à cette situation de corruption que le même porte-parole estime que « maintenant que le rapport est connu, ceux qui ont détourné ce qui nous revenait de droit sont aussi connus. Nous ne comprenons pas pourquoi, jusqu’aujourd’hui, ils n’ont pas été traduits devant la justice pour répondre des faits qui leur sont reprochés. Nous constatons qu’ils sont toujours aux affaires » (confère le portail d’information en ligne, Netafrique.net du 2 juin 2017).
Les détournements à la police ne sont malheureusement pas des cas isolés. D’autres affaires comme celles des 200 millions au SIAO, des 100 millions au FAFPA, les détournements au Fonds routier, etc., défraient actuellement la chronique. En lieu et place de véritables mesures pour traquer les présumés coupables et les juger, le pouvoir procède par des demandes d’explication, des délais de justification des sommes d’argent objets des détournements (sans doute pour donner du temps à certains mis en cause, qui sont des proches et amis politiques, pour trouver des justificatifs ou pour faire disparaitre des preuves) et de simples relèvements sans aucune poursuite judiciaire comme c’est le cas au niveau de la police. Tous ces tâtonnements montrent que l’appareil d’Etat actuel n’est pas celui qui peut lutter contre la corruption et nous confortent dans la conviction que la corruption, les détournements des deniers publics et les pires formes d’exploitations des masses laborieuses par la minorité bourgeoise (civile et militaire) sont les fondements du système de gouvernance néocoloniale en faillite dont le maintien est actuellement assuré par le MPP avec le soutien des puissances impérialistes et de la bourgeoisie réactionnaire. Visiblement, le changement qu’attendait le peuple insurgé des 30 et 31-Octobre reste encore à venir ; la lutte de ce point de vue doit continuer et s’intensifier !
Face à la poursuite de l’impunité des crimes économiques, à la corruption généralisée, notamment au sein de la police, les CDAIP de la ville de Ouagadougou :
- Apportent leur soutien ferme et militant à la lutte des policiers pour l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail et le payement de leur argent détourné dans le cadre des services payés ; l’arrestation et le jugement des chefs incriminés dans le rapport d’enquêtes sur les services payés ;
- Soutiennent la lutte des policiers injustement radiés suite aux mutineries de 2011 et exigent leur réintégration avec tous leurs droits ;
- Appellent les policiers à lier leurs revendications à celles des autres composantes du peuple pour la défense et l’approfondissement des acquis de l’Insurrection et de la résistance populaires et pour un véritable changement révolutionnaire en faveur du peuple ;
- Appellent le peuple de Ouagadougou à se mobiliser, à mettre en place des Comités de défense et d’approfondissement des acquis de l’insurrection populaire (CDAIP) pour lutter contre la corruption et les détournements d’où qu’ils viennent.
Pour la coordination des CDAIP de la ville de Ouagadougou
Elie TARPAGA
Président
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