L’ancien ministre et ancien ambassadeur, Filippe Savadogo fait partie de la délégation panafricaine de 15 personnalités constituée par le Centre panafricain de prospective sociale (CPPS) pour assister du 27 au 30 juin prochain au Vatican au consistoire intronisant les cinq cardinaux nouvellement créés par le Pape François. Font partie des «élus », Mgr Jean Zerbo, archevêque de Bamako. Dans cet entretien accordé à Fasozine, Filippe Savadogo aborde, entre autres, l’esprit de la constitution d’une telle délégation, les vertus du dialogue interreligieux et l’affaire du présumé détournement impliquant le futur cardinal du Mali.
Fasozine: Vous avez été choisi pour faire partie de la délégation panafricaine du dialogue religieux du CPPS qui se rendra à Rome pour l’intronisation des cinq nouveaux cardinaux. Comment avez-vous accueilli la nouvelle ?
Filippe Savadogo : Je me réjouis dans la mesure où nous travaillons avec le centre du Pr Albert Tévoèdjrè depuis plusieurs années. Nous sommes en train de faire entrer dans l’esprit des hommes et dans l’esprit de nos Etats et comités régionaux, la dimension du dialogue entre les cultures mais aussi entre les religions. C’est dans cette dynamique, et en tant que représentant du comité d’initiative au Burkina Faso, que j’ai été choisi avec d’autres personnalités africaines pour prendre part à l’intronisation des cardinaux dont le cardinal Jean Zerbo qui, à 79 ans, va accéder à un statut particulier. Donc, nous nous réjouissons en tant qu’Africain, Ouest africain et aussi en tant que membre du comité dont faisait partie le cardinal Zerbo.
Pourquoi le CPPS a-t-il trouvé opportun d’envoyer une délégation panafricaine à Rome pour cet événement ?
Je le comprends d’autant plus que les déclarations du Saint père ont toutes une dimension africaine. Ils expliquent dans lesdites déclarations pourquoi l’Afrique est l’avenir de la religion catholique dans la mesure où nous avons un continent en pleine mutation. Il explique également pourquoi l’Afrique a un rôle à jouer dans l’avenir au sein des grandes décisions de Rome. Au-delà de la foi chrétienne et catholique, nous voyons que c’est un pape qui se préoccupe de toutes les questions majeures de l’Afrique.
Quel sera alors la mission de cette délégation panafricaine de dialogue religieux à Rome ?
Cela sera une chance pour nous de rencontrer le Saint père mais aussi plusieurs autres cardinaux, catholiques et non catholiques qui seront là pour accompagner ces nouveaux cardinaux. Chaque fois qu’il y a une manifestation d’intérêt continental et que vous êtes conviés, c’est aussi une reconnaissance d’un travail qui a été fait comme l’organisation des symposiums à travers l’Afrique de l’ouest que nous avons entrepris depuis quelques années.
Le Cardinal Jean Zerbo, bientôt intronisé, est présenté comme le chantre du dialogue interculturel et interreligieux. Pensez-vous que ce sont ces efforts en faveur dudit dialogue qui a ont été récompensés ?
Pour nous, le cardinal Jean Zerbo sera naturellement un ambassadeur de bonne volonté pour le dialogue interreligieux et interculturel. Et si vous connaissez bien le Mali, nous avons pratiquement moins de 5% de catholiques mais nous sommes dans un pays musulman laïc où on doit accepter et admettre la diversité de foi et de pensée et nous ne pouvons que nous réjouir et dire que le Pape François a fait un bon choix. Et cela est encourageant pour les promoteurs du dialogue interreligieux et interculturel.
Pensez-vous que le Cardinal Zerbo avec ce nouveau titre pourra-t-il toujours se consacrer à la promotion du dialogue interreligieux ?
Naturellement. Il vous souviendra qu’au symposium de Ouagadougou, nous avons eu la présence de Mgr Barrigah du Togo et qu’au Burkina Faso, nous avons eu la présence du Cardinal Philippe Ouédraogo, du cardinal d’Abuja et d’autres personnalités du monde musulman qui continuent d’œuvrer au dialogue entre les religions. Dans le discours qui a été prononcé au nom du cardinal Philippe Ouédraogo lors de notre symposium, il était clairement établi que c’est un travail de longue haleine et un travail permanent. Il va sans dire que le cardinal Jean Zerbo va rester archevêque métropolitain de Bamako et il pourra continuer dans cette lancée.
Quand on parle du cardinal Zerbo, cela nous renvoie à l’affaire du présumé détournement de fonds au sein de la conférence épiscopale du Mali où il est cité. Commentaire?
Il est dit que le Vatican est l’Etat le plus informé au monde. Si une décision de cette envergure est prise par le Pape, cela veut dire qu’il est totalement au fait du mérite du cardinal Jean Zerbo. Je dois faire confiance au Saint père et je suis aussi fier pour mon continent qui entre de plus au Vatican. Cela n’est pas toujours de gaieté de cœur et il y a donc de petites jalousies, de petites envies. A mon humble avis, nous devons soutenir un frère, une haute personnalité qui a pratiquement 80 ans et qui a œuvré pour une Eglise de paix, de solidarité et de coexistence pacifique. C’est le plus important pour moi si non les polémiques peuvent toujours exister et on ne peut pas les empêcher.
Pour vous ce ne sont juste que des allégations pour nuire à la réputation du futur cardinal ?
Tout à fait. Surtout que les allégations et accusations peuvent se faire sans preuves. Le plus important pour nous, c’est la confiance placée au cardinal Jean Zerbo par Rome.
La délégation panafricaine dont vous faites partie est constituée de différentes personnalités issues de religion différente. En quoi obéit ce principe de sélection ?
C’est d’abord la tolérance car le respect de soi même commence par le respect de l’autre et la dimension du dialogue interreligieux est une dimension que nous devons cultiver. Et cela est reconnu par l’organisation des nations unies pour le dialogue interreligieux et interculturel. Cela permet justement au monde d’avoir une vision partagée. Nous pouvons également souligner qu’à chaque fois qu’il y a la dimension humaine et le respect de l’autre, nous combattons mieux la violence et les querelles. C’est donc dire que le dialogue interreligieux est une vertu qui doit être partagée.
En quoi ce dialogue interreligieux et interculturel peut-il contribuer au développement de l’Afrique ?
Il y a deux constantes qui se dégagent. D’une part, la culture est au début et à la fin du développement comme le disait Senghor. Aujourd’hui la dimension culturelle du développement est reconnue par le Programme des Nations Unies pour le Développement. Les industries culturelles représentent aujourd’hui un pan économique important de notre continent. D’autre part, dans toutes les religions on prône la paix, la discipline, le civisme et le vivre-ensemble. Nous pensons donc que si les guerres prennent naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans ces mêmes esprits que nous devons élever les barrières de la paix. Et pour nous les religions ont toujours prôné cette dimension.