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Arrondissement 4 : « Je suis contre l’accaparement des terres par les promoteurs immobiliers » (Anatole Bonkoungou, Maire élu)
Publié le jeudi 22 juin 2017  |  L`Observateur Paalga
Anatole
© aOuaga.com par DR
Anatole Bonkoungou investi maire de l`arrondisment 4 de ouagadougou ce matin
Jeudi 02 mai 2013, Abidjan. Anatole Bonkoungou a été investi Maire de l`arrondissent 4 de Ouagadougou.




Au siège de son entreprise à Tanghin, où il nous a reçu ce samedi 17 juin 2017, l’ambiance est bon est enfant. Les visages de ses proches collaborateurs rayonnent encore du bonheur dû à la victoire, la veille, de leur champion à l’issue du vote tant attendu du maire de l’arrondissement 4. Mais lui, le visage impassible, semble indifférent à ce qu’on qualifie ici de « retour triomphal d’Anatole », «revanche du persécuté » ou « ce n’est que justice ». Vous l’aurez sans doute deviné, il s’agit d’Issa Anatole Bonkoungou, figure emblématique de l’Organisation pour la démocratie et le travail (ODT), parti qu’il rejoint en 2013 après ses misères au CDP. A seulement quelques petites heures de son voyage à Taipei dans le cadre du groupe d’amitié entre le Burkina et Taïwan, il a bien voulu accorder à « L’Observateur Paalga » cette interview annoncée dans notre édition du lundi dernier.

Enfin maire ! Dans quelles conditions avez- vous été élu, quand on sait qu’à l’issue des municipales du 22 mai 2016, l’arrondissement a été placé sous délégation spéciale faute de consensus autour du choix du maire ?

J’ai été élu dans les conditions prévues par la loi. A l’issue des élections, comme le prévoient les textes, le haut-commissaire a convoqué la première session qui a connu la présence de tous les 20 conseillers. Le bureau d’âge a été mis en place. J’ai déposé ma candidature et j’ai été élu par mes pairs pour présider aux destinées de l’arrondissement no 4.

L’ODT, votre parti, est arrivé en tête avec 9 conseillers. Mais c’est insuffisant pour avoir la majorité. Est-ce que vous étiez assuré cette fois-ci de remporter la victoire ?

On était plus ou moins sûr parce que tous les élus de 2016 qui ont soutenu ma candidature ont été reconduits en mai dernier. De même pour les conseillers MPP qui ont respecté la directive de leur parti appelant à me soutenir. Donc le problème que nous avons connu ne pouvait pas se poser de nouveau. Je remercie l’ensemble des 20 conseillers pour la solidarité lors du vote du bureau.

Vous avez certainement fait alliance avec le MPP ou d’autres partis. Qu’en est-il exactement ?

L’ODT est membre de la majorité présidentielle et les accords qui lient notre parti au MPP stipulent que si c’est le MPP qui a la majorité, l’ODT doit l’accompagner et vice versa.

Mais ce jeu d’alliance n’a pas fonctionné à l’issue des élections municipales de mai 2016. Vous vous êtes senti trahi en son temps ?

Effectivement, à l’époque, des élus MPP ont refusé de se soumettre à la directive de leur parti. A la faveur de la reprise, ces personnes n’ont pas été réélues. Cela signifie que tous ceux qui ont été à l’origine du blocage de la mise en place du bureau du conseil municipal ont été sanctionnés par la population.

On dit que mêmes certains caciques du MPP ont œuvré à vous mettre des bâtons dans les roues ?

Je n’en sais rien. Tout ce que je sais, c’est qu’il y a eu une alliance qui a été scellée par les deux partis (ODT et MPP, ndlr) et jusqu’à preuve du contraire, nous ne jetons la pierre sur aucun responsable du MPP. Même dans le cadre familial, l’enfant qu’on a mis au monde peut vous désobéir. Le respect de la consigne a été prôné par l’ensemble des responsables des deux partis, mais comme en toute chose il y a des brebis galeuses, des gens ont refusé de se plier à cette directive, ça pouvait également être le cas à notre niveau.

Le nom du Larlé Naaba est ressorti comme celui des dirigeants MPP qui ne vous a pas soutenu parce lui-même voulait placer un de ses protégés à la tête de l’arrondissement 4.

Je l’ai également appris comme vous, mais tout cela relève du passé. Aujourd’hui, je suis élu maire et en tant que responsable je n’en tiendrais pas compte. L’essentiel est que nous partagions la même vision, celle de contribuer au développement de l’arrondissement et à l’amélioration des conditions de vie des populations.

L’un de vos thèmes de campagne a porté sur les parcelles. Or le gouvernement a gelé la question des lotissements. Vos électeurs pourraient un jour vous faire un procès en démagogie.

En son temps, nous disions effectivement que si la mairie doit gérer la question du foncier, nous mettrons les bouchées doubles afin que tous ceux qui sont en droit d’obtenir une parcelle en aient. Mais si l’Etat central décide de lui retirer le volet lotissement, c’est une épine en moins au pied des collectivités. Le travail d’un maire ne se limite pas au foncier, nous avons beaucoup d’autres choses à faire. Je suis parlementaire, j’ai des missions à l’extérieur et lorsque je me déplace, j’essaie de voir comment je peux soutenir mon arrondissement. Si la question du lotissement est du ressort des maires, comme les textes le prévoient présentement, nous avons l’obligation de satisfaire tous ceux qui ont besoin de terrain d’habitation. Et le seul moyen d’y parvenir, c’est de mettre en place une gestion fondée sur la transparence. L’ensemble des difficultés de l’arrondissement 4 est lié à la gestion chaotique du foncier. Des gens pensent qu’une fois Anatole à la tête de la mairie, ce sera la chasse aux sorcières. Je ne suis pas là pour ça. Mon ambition, c’est de mettre fin à cette belle pagaille qui a toujours régné dans les opérations de lotissement.

Aujourd’hui, oser entreprendre des lotissements, c’est comme promener une torche dans une poudrière, tant la demande est nettement supérieure à l’offre foncière.

Les demandes ne sont pas forcément au-dessus de ce qui est disponible. Les limites de l’arrondissement 4 suffisent à satisfaire les besoins. Prenons le cas du village de Nioko II, c’est plus de 400 hectares qui sont dans les mains d’un seul promoteur immobilier, c’est l’équivalent de plus de 20 000 parcelles. Pendant ce temps, des citoyens ne disposent pas du moindre arpent de terre pour se construire un logis. C’est quelque chose qu’on ne peut pas accepter.

Autrement dit, vous allez vous attaquer à l’accaparement des terres par les promoteurs immobiliers ?

Absolument. Je refuse cet accaparement des terres et je le dis courageusement. Je ne peux pas comprendre que des milliers de jeunes, des pères de familles peinent à se trouver un lopin de terre pendant qu’on attribue des hectares à des promoteurs qui vont les parceller et les revendre au coût de plusieurs millions. Je respecte les textes, je suis favorable à ce qu’on en donne aux promoteurs immobiliers, mais pas au détriment des populations. On doit accorder la priorité à ceux et à celles qui sont véritablement dans le besoin.

Accaparement pour accaparement, la mouvance présidentielle à laquelle vous appartenez monopolise le bureau du conseil municipal. N’y a-t-il pas là des risques de dysfonctionnement ?

Je ne dirais pas que c’est un accaparement. Nous avons tendu la main à tout le monde, mais il y en a qui ont estimé que si ce n’est pas le poste de premier adjoint au maire, ils ne veulent pas de poste. On a voulu permettre aux partis qui ont eu 2, 3 ou 5 conseillers d’occuper un poste afin qu’on travaille ensemble, mais s’ils ont tenu mordicus à des postes précis. Mais je vous rassure que dans l’arrondissement 4, au stade où nous en sommes, il n’est plus question de partis politiques, nous appartenons tous au parti de l’arrondissement 4.

C’est votre entendement, mais est-ce que vous croyez que l’opposition le perçoit également de la sorte ?

Oui. Nous regardons à présent dans la même direction. Nous avons même discuté de cela à l’issue des élections. Tous ont exprimé leur souhait de conjurer la crise qui a longtemps paralysé la bonne marche de l’équipe municipale.

Mais pourquoi avoir refusé la main tendue dont vous parliez tantôt ?

Il n’y a pas eu de refus de la main tendue puisque tous étaient là pour le vote du maire. C’est vrai que, dans la salle, il y en a qui ont voté nul jusqu’à la fin du processus de désignation des membres du bureau du conseil municipal. Mais c’est aussi un choix politique que nous devons respecter. Tous ont compris que nous devons regarder dans la même direction et je ne vais pas faire un procès d’intention à qui que ce soit.

Que répondez-vous à ceux qui estiment que c’est votre obstination à être maire, alors que vous êtes déjà député, qui a été à l’origine de la crise de 2016 ?

Ils peuvent penser ce qu’ils veulent. Mais ce qui vient de se passer montre qu’ils ont tort. Libre à des individus d’estimer qu’Anatole ne doit pas être député et maire à la fois. Libre à d’autres de vouloir que ce soit le cas. Les électeurs ont tranché, je suis désormais député-maire.

Vous avez été premier adjoint au maire Zakaria Sawadogo, aujourd’hui poursuivi pour malversations dans l’attribution des parcelles. Certains voient alors dans votre acharnement à être maire un moyen de dissimuler votre part de responsabilité dans la gestion chaotique des lotissements.

Ils peuvent continuer à le dire. Mais sachez que j’ai fait mes premiers pas en politique dans les années 80, lorsque Thomas Sankara a été arrêté. En son temps, Blaise Compaoré, depuis Pô, a appelé la jeunesse à la résistance et je fais partie de ceux qui ont répondu à cet appel. Je suis venu en politique avant tous ceux qui tentent de me salir. Si j’étais compromis dans ces histoires de parcelles, pourquoi je n’ai donc pas été concerné par les arrestations ? Pourquoi ni le REN-LAC ni l’ASCE-LC ne m’ont cité dans leurs rapports ? Pourquoi ni la gendarmerie ni la police ne se sont intéressées à ma personne ? Je suis l’ennemi de tous parce que j’ai refusé de cautionner certaines pratiques dans des opérations de lotissement. C’est une campagne de dénigrement orchestrée contre ma personne. Mais ça n’a pas fait baisser ma côte de popularité.

Donc vous n’avez rien à craindre le jour où l’ancien maire Zakaria Sawadogo sera appelé à la barre à s’expliquer ?

Non, je n’ai absolument rien à craindre. Mon souhait était que mon ancien maire n’ait pas de problèmes. Demandez-le-lui personnellement. Quand je sentais qu’il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond, j’attirais son attention dessus, beaucoup peuvent en témoigner. Je suis croyant et ça ne me plait pas de voir mon ancien maire dans la situation où il se trouve aujourd’hui.

N’empêche, vous n’êtes pas étranger à ce qu’il vit aujourd’hui.

Pendant longtemps, lui et ses hommes m’ont combattu. A la reprise des élections de 2013 (1), ils ont utilisé une armada, une batterie de mesures, sans oublier les finances qui ont servi à payer des motos 135, des véhicules, tout ça pour écraser Anatole. En présence de François Compaoré, ils ont même tenu un meeting à quelque 200 m de la tombe de mon père. J’ai été traité de tous les noms d’oiseau. Je m’en suis remis à Dieu. Voilà où j’en suis aujourd’hui.

Autant dire que vous êtes un adversaire increvable. Quel est votre secret ?

Je n’ai pas de secret. Je crois en Dieu et en toute situation je m’en remets à lui.

Les autres aussi croient en Dieu.

C’est le même Dieu qui choisit qui Il veut aider, sinon ce n’est pas parce qu’Anatole a une force extraordinaire. J’ai toujours aimé ce qui est juste. Oui les autres aussi croient en Dieu. Mais quand on se dit croyant, il ne faut pas pratiquer des affaires louches comme cela a été le cas dans la gestion des parcelles.

Est-ce que faire la lumière sur cette affaire de lotissement dans l’arrondissement 4 sera vraiment une de vos priorités ?

Cela ne relève pas de moi. Le gouvernement a pris le dossier en main et nous attendons qu’il livre les conclusions de ses investigations. Ce que nous comptons faire rapidement en matière de lotissement, c’est de rattraper le retard accusé.

Et les autres priorités

C’est de travailler d’abord à ce que les filles et les fils de l’arrondissement 4 regardent dans la même direction, qu’ils se tiennent main dans la main et c’est ainsi que nous pourrons amorcer les grands chantiers du développement. Nous sommes en saison pluvieuse et la priorité, c’est l’assainissement, la voirie d’une manière générale. Nous avons aussi des questions de santé, la période est propice au paludisme, il faut demander aux organisations de la société civile, aux personnes-ressources que nous travaillions tous à l’assainissement de la zone. Aussitôt cela fini, on sera au recrutement des nouveaux élèves et les questions à se poser, c’est notamment de savoir si on dispose des infrastructures nécessaires pour les accueillir, si on doit recourir à des bâtiments d’emprunt ou pas. Ce sont là quelques-unes de nos urgences.

D’aucuns estiment que vous êtes un maire chanceux parce que vous êtes à la tête de l’arrondissement le plus riche de Ouagadougou avec la zone industrielle. Avec les taxes et autres impôts qui vont avec, vous ne devriez pas avoir beaucoup de soucis de finances pour les investissements socio-économiques.

En réalité, la cagnotte est commune, je veux dire que les taxes et les impôts ne sont pas versés à l’arrondissement 4, mais à la commune de Ouagadougou. C’est ce qui permet d’intervenir dans tous les autres arrondissements. C’est vrai, notre zone constitue le ‘’poumon économique’’ de la capitale. Mais en matière de dotation de budget de fonctionnement, nous recevons de la commune de Ouagadougou la même cagnotte que les autres arrondissements. Mais s’il fallait trouver un avantage à notre situation, ce serait la possibilité de négocier avec ces nombreuses entreprises afin qu’elles nous accompagnent dans la lutte contre le chômage. Cela doit se faire par la négociation et non par des manifestations intempestives ou par l’érection de barricades sur les voies. Par exemple, quand j’étais maire il y a un opérateur économique qui a donné 50 millions de francs CFA pour soutenir la jeunesse dans l’obtention de permis de conduire. 450 personnes en ont été bénéficiaires. C’est un atout que les autres n’ont pas forcément. Il nous faut continuer dans ce sens. D’ores et déjà, il y a des opérateurs économiques qui se sont engagés à appuyer la jeunesse.

Chef d’entreprise, vous voilà député-maire. N’y a-t-il pas de conflit d’intérêt ?

Non, il n’y en a pas. L’entreprise est gérée par mon premier garçon qui est appuyé par un directeur technique.

N’empêche.

Je gère l’entreprise depuis 2011. J’ai d’abord servi dans l’Administration publique pendant 21 ans, d’abord au ministère de la Fonction publique et ensuite au ministère de l’Emploi. J’ai travaillé aussi dans la zone industrielle. Je ne suis pas venu en politique pour chercher de l’argent. Même à l’Assemblée nationale, ce n’est pas pour chercher de l’argent. Mes revenus proviennent de mon entreprise, j’ai un chiffre d’affaires qui me permet de nourrir ma famille, j’emploie une dizaine de personnes. Je ne profiterai pas de mes fonctions politiques pour servir mes intérêts privés.


Aboubacar Dermé
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L`Observateur Paalga N° 8221 du 27/9/2012

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