Le Premier ministre, Paul Kaba Thiéba, s’est soumis hier, 19 juin 2017 à la Primature, à un exercice non moins important, celui de rendre compte au peuple de sa gestion. Face donc à un parterre de journalistes, le chef du gouvernement a énuméré quelques actions et mesures fortes prises en 2016 et quelques réalisations qui verront le jour en cette année 2017 dont la construction de 1 390 nouvelles salles de cours, de 5 lycées professionnels, de 207 CEG. Il a également apporté des éléments de réponse aux différentes questions des journalistes dont celle relative au Plan national de développement économique et social (PNDES) que certains qualifient de leurre, mais qu’il trouve être la voie pour changer structurellement et durablement l’économie nationale.
Malgré le coût économique très lourd des revendications sociales, le gouvernement continue d’œuvrer à la mise en œuvre du Plan national de développement économique et social (PNDES). C’est, du moins, ce qu’a affirmé le Premier ministre Paul Kaba Thiéba, lors de sa conférence de presse le 19 juin 2017 à la Primature à Ouagadougou. Car, « le PNDES est notre voie pour changer structurellement et durablement notre économie et assurer à chaque Burkinabè un développement solidaire et inclusif», a-t-il renchéri avant d’ajouter que ce plan est en marche malgré un front social particulièrement agité. Et d’expliquer que depuis janvier 2016, son équipe et lui ont répondu à une série de revendications sociales dans un contexte économique national difficile. Sans donner de chiffre précis, il dira que le coût financier de ces revendications est considérable et doit être apprécié à sa juste valeur par les partenaires sociaux. A son avis, l’impact des mouvements sociaux se situe à plusieurs niveaux. Il y a le niveau économique parce que les grèves et autres sit-in portent atteinte à la production, à la création de richesses et réduisent ainsi la croissance. Il y a également le fait que ces mouvements pénalisent tous les secteurs de l’économie nationale et tous les acteurs, notamment le secteur privé formel et informel qui, a-t-il dit, est pourtant le premier pourvoyeur de recettes fiscales. L’effort financier imprévu consenti par l’Etat au titre des gestions budgétaires 2016 et 2017 pour la satisfaction partielle ou totale des revendications des travailleurs est considérable, a confié le PM selon qui, il impacte négativement le ratio masse salariale sur recettes fiscales qui s’approche dangereusement du seuil de 50%. Ce qui, à ses yeux d’économiste, limite les possibilités d’investissement sur ressources propres. Si en dépit de cette situation le gouvernement privilégie la voie du dialogue, ce n’est pas par faiblesse, mais par souci de respecter le droit de grève, l’expression des libertés syndicales et d’assurer la continuité de l’Etat par le respect des engagements pris, a fait savoir Paul Kaba Thiéba.
« La recrudescence des grèves risque de porter des dommages irréparables à l’économie nationale »
Mais que l’on ne s’y méprenne pas, a prévenu le PM, si ces valeurs et ces équilibres devaient être défendus par l’usage de la force, le gouvernement prendrait ses responsabilités. Pour le chef du gouvernement, la recrudescence des revendications, des grèves et sit-in risque de porter des dommages irréparables à l’économie nationale et remettre en cause les espoirs suscités par le PNDES et la croissance retrouvée en 2016, 5,9% contre 4,0% en 2015. Cette performance a été réalisée à la faveur d’un taux d’exécution financière de plus de 61,1% et d’exécution physique de 54,5% des objectifs du PNDES, foi de Paul Kaba Thiéba.
Quelques réalisations en 2017
Il a énuméré certaines des réalisations qui verront le jour en 2017. Il s’agit, entre autres, de l’achèvement de la centrale solaire de Zagtouli, des travaux d’électrification des localités de la vague 3 du Programme spécial d’électrification de 105 chefs-lieux de communes rurales, de la mise en service de la centrale solaire photovoltaïque communautaire de Ziga raccordée au réseau de la SONABEL, de l’aboutissement de l’interconnexion entre Bolgatanga au Ghana et Ouagadougou. Dans le domaine de la santé, le PM a annoncé la construction et l’équipement de 5 Centres médicaux avec antenne chirurgicale (CMA), et 17 Centres de santé et de promotion sociale (CSPS), du Centre hospitalier régional de Dédougou et la poursuite de l’amélioration de la mesure de gratuité des soins chez les enfants de 0 à 5 ans et les femmes enceintes. En matière d’éducation et d’enseignement supérieur, on retient la construction de 1 390 nouvelles salles de cours, de 5 lycées professionnels, de 4 lycées scientifiques, de 4 lycées techniques, de 207 CEG et de 25 lycées d’enseignement général. Concernant l’approvisionnement en eau potable, l’année en cours verra la réalisation de 2 020 forages neufs, 4 barrages neufs, la réhabilitation de 21 barrages, la réalisation de 54 systèmes d’Adduction d’eau potable simplifiés (AEPS) et la réalisation de 26 autres. Dans le domaine de l’emploi, Paul Kaba Thiéba a confirmé le lancement du Programme d’autonomisation économique des Jeunes et des femmes (PAE/JF). La création de ce programme, a-t-il signifié, s’inscrit en droite ligne du programme présidentiel et traduit la volonté du chef de l’Etat d’apporter une réponse forte au chômage des jeunes. En attendant la mise en œuvre de l’unité de gestion dans les prochains jours, le chef du gouvernement a rassuré les jeunes et les femmes que les ressources sont déjà disponibles à des conditions d’accès très souples. Le PAE/JF qui générera 90 000 emplois directs et 100 000 emplois indirects, est doté d’un montant de 16,5 milliards de F CFA réparti sur 3 ans, a révélé le PM. Les bénéficiaires de ce programme qui sont, entre autres, les jeunes du secteur informel, les femmes promotrices de TPE et de micro-entreprises, les jeunes formés aux métiers, etc., pourront, a-t-il dit, déposer leurs demandes de financement dès le 26 juin prochain dans les guichets du FASI, du FAIJ, du FAPE et du FAARF. Convaincu que la jeunesse burkinabè est capable de relever les défis avec l’accompagnement du gouvernement, Paul Kaba Thiéba a appelé toutes les filles et les fils du pays à l’union, pour l’avènement d’un Burkina prospère. De son point de vue, des défis comme la lutte contre l’incivisme, la corruption, le terrorisme, ne peuvent être relevés que par la tolérance, l’acceptation de la différence et la cohésion sociale. Répondant à une question relative à un éventuel début de décaissement après les promesses de financement faites lors de la table ronde de Paris pour le financement du PNDES, le Premier ministre a confié qu’ils sont à la seconde phase, à savoir l’identification des projets bancables. Il faut que les Burkinabè comprennent que par rapport aux conclusions de la table ronde de Paris, il ne s’agissait pas de donner au gouvernement burkinabè des sacs pleins de dollars ou d’euros, s’est voulu clair le PM. A son avis, après les promesses de financements, il revient au Burkina d’accélérer les études de faisabilité des projets au niveau de l’Etat et du privé pour aller négocier avec ceux qui ont fait les promesses, afin de les concrétiser. Et le gouvernement est à cette phase. C’est pourquoi les Burkinabè gagneraient, a-t-il estimé, à concentrer les efforts sur cela au lieu de multiplier les mouvements sociaux qui perturbent les investisseurs internationaux qui ne comprennent pas ce qui se passe dans le pays. Selon lui, il y a une ambition collective, un défi collectif, un défi patriotique à relever, la réalisation du PNDES. Et au lieu de fédérer les énergies pour cela, il y a plutôt une déperdition d’énergies autour d’intérêts catégoriels, si bien que le gouvernement en vient à se demander si certains sont conscients des enjeux de la mise en œuvre du PNDES. Toutefois, il a rassuré que le gouvernement est déterminé à tout faire pour faire avancer les projets structurants, innovants, qui figurent dans la matrice du PNDES pour nouer le dialogue avec les partenaires techniques et financiers pour financer ce plan. Du reste, lors de la première revue du PNDES qui a réuni tous les PTF, le 9 juin dernier à Ouagadougou, il y a eu un consensus sur l’état de la mise en œuvre dudit plan car les taux d’exécution physique et financier sont satisfaisants, a indiqué Paul Kaba Thiéba. Mais, a-t-il souhaité, « il ne faudrait pas que nos compatriotes confondent des intentions de financements et des décaissements ».
A ceux qui estiment que le PNDES est un leurre, le PM leur a répondu en ces termes : « Le PNDES n’est pas un leurre ». Pour lui, il faut que les Burkinabè comprennent que le PNDES diffère des précédents plans de développement qui n’étaient que des plans de relance. Or, il ne suffit pas de distribuer de l’argent aux gens pour relancer la consommation. La difficulté qu’il convient de résoudre à son avis, c’est de renforcer les capacités de production du pays. Ce qui suppose qu’il faut réaliser la transformation structurelle de l’économie. « Ceux qui pensent, qui disent qu’il faut relancer l’économie en distribuant de l’argent à tout va, ne comprennent pas comment fonctionne l’économie. Si vous faites cela, vous ferez tourner l’économie des autres pays puisque vous, vous n’avez pas une forte capacité de production locale », a soutenu le PM. Sur la question de la région de l’Est qui est coupée du reste du pays depuis quelques jours parce que la plupart des compagnies de transport ont suspendu leurs activités à cause du mauvais état des routes, Paul Kaba Thiéba a soutenu que c’est un problème structurel. Car, a-t-il ajouté, il y a d’autres zones du Burkina à fortes potentialités dont celle du Mouhoun, en particulier la zone du Sourou qui sont enclavées. Mais, a-t-il fait remarquer, on ne construit pas une route en un jour ni en 6 mois. « Il faut des études, il faut rechercher des financements. Et c’est à cela que nous nous attelons. Nous sommes en train de boucler le financement du bitumage de la route qui va de Koupèla à Fada, ensuite de Fada à Bogandé », a rassuré le PM avant d’ajouter qu’il y a d’autres projets, notamment le bitumage de l’axe Kantchari-Diapaga, Tansarga-Frontière du Bénin. Et il a bon espoir que toutes ces routes seront réalisées, soit en 2017, soit en 2018. « Nous avons une vision cohérente de ce qu’il faut faire au Burkina. Nous ne construisons pas de routes ou des infrastructures pour faire plaisir à des gens ; nous construisons des infrastructures parce que nous savons que l’absence d’infrastructures routières constitue un blocage structurel à la croissance de l’économie nationale». A la question de savoir où on en est avec la mise en œuvre de la fonction publique hospitalière, le chef du gouvernement a répondu que les textes y relatifs ont été élaborés et présentés au Conseil des ministres et le processus suit son cours.
Des instructions ont été données pour que la dette soit rapidement apurée
Mais comment le PM se sent-il dans ses nouveaux habits d’homme politique, étant donné qu’il est désormais membre du Bureau politique national du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) ? « Je considère que ça va de soi. Il n’y a rien d’extraordinaire en cela. C’est un choix personnel. Est-ce qu’il y a un mal en cela qu’un Premier ministre soit membre d’un bureau politique ? C’est le contraire qui serait d’ailleurs surprenant », a-t-il soutenu. Mais qu’en est-il du paiement annoncé de la dette à la presse privée et publique? A cette question, le Premier ministre dira que des instructions ont été données pour que la dette soit rapidement apurée. Mais il y a eu des difficultés car la plupart de ces dettes n’étaient pas documentées. Or, pour que l’Etat décaisse de l’argent, il faut que des documents y relatifs soient disponibles. C’est pourquoi des instructions ont été données pour qu’il y ait une reconstitution des documents nécessaires pour que la dette puisse être payée. Et de rassurer que tous les dossiers documentés ont été payés. Il reste donc ceux non documentés. Qu’à cela ne tienne, des instructions ont été données pour accélérer les procédures afin que la dette restante soit apurée, car le gouvernement considère que la survie de la presse privée est un enjeu de démocratie, de vitalité de notre société civile, a relevé le PM.
Les événements de Tialgo ont aussi été évoqués par les journalistes. Sur ce dossier, Paul Kaba Thiéba a condamné les violences qui ont laissé sur le carreau 6 morts et fait de nombreux blessés. Il a, par ailleurs, saisi l’occasion pour présenter ses condoléances aux familles éplorées.
S’exprimant sur la problématique des Koglwéogo, il a noté que ces derniers ne sont pas nés de la génération spontanée. A son avis, si l’Etat avait eu les moyens de recruter suffisamment des Forces de sécurité, de telles forces n’auraient pas connu la prospérité qu’elles ont connue. C’est parce qu’il y a eu un besoin de sécurité que l’Etat n’a pas pu combler, que les Koglwéogo sont nés. La meilleure réponse contre ces Koglwéogo, selon lui, c’est d’essayer de les encadrer, de développer une politique sécuritaire en essayant de recruter le maximum de policiers, de gendarmes, de CRS et de militaires, pour pouvoir assurer la force légitime qui est détenue par l’Etat républicain. Pour le chef du gouvernement, la ligne rouge à ne pas franchir par qui que ce soit, ce sont les violations de la loi. Si de tels cas se produisent, la loi doit être appliquée dans toute sa rigueur. Des sanctions doivent être prises à l’encontre des coupables de sévices corporels, de malversations ; ils doivent être mis aux arrêts et punis conformément aux textes en vigueur, a promis le PM qui a aussi réagi aux assassinats ciblés dans le Soum. A l’en croire, les enquêtes suivent leur cours pour déterminer les causes réelles de ces assassinats qui troublent le sommeil des habitants de cette localité.
« Il n’y a pas d’accord secret »
Quid de la transformation du coton? C’est une question qui est au cœur de la vision du PNDES, du président du Faso, étant donné que le Burkina est le premier producteur de l’or blanc en Afrique, foi du PM. Rien que l’année dernière, le pays des Hommes intègres a produit 684 000 tonnes de coton, mais il n’y a que 5 000 tonnes qui sont transformées en filerie au Burkina. Une situation que le Premier ministre a qualifiée de catastrophe que le pays traîne depuis son indépendance. C’est pourquoi la vision du PNDES, a-t-il indiqué, est de faire en sorte que ce coton soit transformé en filature, en tissu, etc., sur le sol burkinabè. Sur d’autres questions non moins importantes, Paul Kaba Thiéba a apporté des éléments de réponse. C’est d’ailleurs le cas du chronogramme du 11-Décembre à Gaoua dont il a rassuré du respect. Toutes les infrastructures prévues seront réalisées dans les délais, a-t-il rassuré. C’est également le cas du contenu de l’accord signé entre les agents du Trésor et le gouvernement que d’aucuns trouvent secret, étant donné qu’il n’a jusque-là pas été révélé au public. « Il n’y a pas d’accord secret et il n’y en aura jamais », a promis le PM, car cela est contraire à son éthique. Selon lui, tout s’est déroulé dans la transparence et dans l’intérêt de l’Etat et des Burkinabè.
Dabadi ZOUMBARA