Ouagadougou - Politique et foot faisaient bon ménage au Burkina Faso mais l'Etoile filante de Ouagadougou (EFO) et l'Association sportive du Faso-Yennenga (ASFA), clubs les plus titrés du pays, connaissent des temps difficiles depuis la chute du régime de Blaise Compaoré, qui se montrait si généreux à leur endroit.
Les blagues des fans adverses sont désormais légion. On parle d'une étoile filante écrasée sur terre ou perdue dans l'espace. Ou on se moque de manière obscène d'une Princesse de Yennenga, figure légendaire du Burkina Faso et surnom/emblème de l'AFSA, facile à conquérir sexuellement de nos jours...
Les deux clubs ont opéré des restructurations cette saison pour tenter de revenir en haut du tableau, avec plus de bonheur pour l'EFO que pour l'ASFA.
"Il faut changer les vieilles habitudes", souligne Kader Traoré, du quotidien L'Observateur, une des références du journalisme sportif du pays, pointant du doigt les relations des deux clubs avec le régime Compaoré, qui s'est écroulé, après 27 ans, en 2014 après une insurrection populaire.
"L'EFO, c'était François Compaoré", souligne-t-il en allusion au frère de Blaise, un des personnages les plus puissants mais aussi les plus craints du pays. "Tu n'étais pas obligé, mais si tu voulais un marché avec l'Etat, tu savais que François serait reconnaissant si tu aidais l'EFO", dit-il.
"A l'ASFA, c'est pareil, c'était un club favorable au régime et ceux qui le soutenaient financièrement ne sont plus là", ajoute-t-il, indiquant que plusieurs membres du gouvernement étaient des supporters.
Un proche de l'ASFA raconte sous couvert d'anonymat que le "FA" de ASFA veut dire Faso mais que c'était aussi une allusion à "Fadoul", le nom d'un gros entrepreneur de la sous-région qui était un supporter mécène.
- "Aujourd'hui, plus rien" -
Un symbole: le terrain d'entraînement de l'EFO marqué par un grand portail bleu avec une étoile filante jaune, se trouve à une centaine de mètres à peine de la "Maison des horreurs".
La résidence, qui nourrit à tort de nombreux fantasmes, était celle de François Compaoré. Jadis d'un luxe sans commune mesure avec la pauvreté du pays, elle a été pillée et est à l'abandon. Jusqu'à récemment, des jeunes la faisaient visiter aux touristes inventant toutes sortes de méfaits qui y auraient été commis.
Le terrain d'entraînement est un peu à l'image de la maison. "L'EFO ne payait pas l'électricité, il y avait toujours de la lumière. Aujourd'hui le club s'est vu couper le courant à cinq reprises. Il y avait des jardiniers, des employés... Aujourd'hui, plus rien", explique Salifou Guigna, journaliste proche de l'EFO, qui ajoute que "les supporters ne payaient jamais leur billet".
Malgré leurs déboires, les deux clubs restent "les plus populaires du pays", selon M. Guigna. "Il y a un retour sur terre pour l'Etoile filante, mais ils ont les capacités de rebondir". Après un début de saison laborieux, l'EFO est d'ailleurs remonté dans le haut du classement.
- "Crime de lèse-majesté" -
"Maintenant; on a un président qui travaille avec un groupe. Chaque semaine, ils se réunissent pour voir ce qui ne va pas et pour arranger. Avant c'était les hommes politiques mais maintenant, on a décidé de ne plus mettre de politique dedans", assure Souleymane Zouré, supporter de l'EFO.
"Quand les finances font défaut, quels que soient les projets que vous avez, c'est difficile. L'EFO ne fait pas exception à la règle", explique Issaka Ilboudo, en charge du sponsoring de l'EFO.
L'ASFA est, elle, dans le ventre mou du championnat après avoir flirté avec la zone de relégation. En avril, le club a changé en urgence son organigramme pour éviter un "crime de lèse-majesté": la +Princesse+ en 2e division.
"Depuis ces dernières années, c'est la grande déception mais on relève la tête. L'essentiel, c'est de rester en D1 et petit-à-petit reconquérir la place de leader. On reste supporter car c'est notre club de coeur", assure Halidou Tiemtoré, 47 ans, fan de l'ASFA.
"Avec une bonne réorganisation au sein du club et la mise en place d'une bonne équipe, nous aurons toujours de beaux jours", promet un autre supporter, Edmond Zangré, 38 ans.
Agence d’Information du Burkina (AIB)