Ce n’est pas trop tôt. Jean Marc Herbaut, le juge d’instruction qui a remplacé Marc Trévidic en septembre 2015 a enfin daigné recevoir les parties civiles au dossier Ghislaine Dupont et Claude Verlon. La journaliste et le technicien de radio France internationale avaient été, on se rappelle, enlevés le 2 novembre 2013 puis assassinés en rade de Kidal en pleine crise malienne.
Depuis, le dossier piétine, s’enlise au point que les proches et les collègues des victimes en sont venus à douter de la réelle volonté de démêler un écheveau que l’ancien juge au pôle antiterroriste du tribunal de grande instance de Paris avait tant bien que mal essayé de dénouer avant de passer la main à son confrère qui semble aujourd’hui s’ensabler dans le désert malien.
Des avancées notables avaient pourtant été enregistrées après l’ouverture de l’instruction : élucidation des circonstances exactes du drame, expertise du 4x4 qui a servi à l’enlèvement dans lequel des empreintes ADN ont été prélevées, identification probable du commando des quatre ravisseurs ainsi que de nombreux autres éléments utiles à l’avancée des investigations.
Et puis, plus rien, comme si, à l’image de la panne du véhicule des terroristes le jour du tragique enchaînement, la machine judiciaire française connaissait des avaries alors que ces derniers mois de nouveaux éléments censés aider à la manifestation de la vérité sont venus s’ajouter.
Ainsi de la déclassification courant mars de nouveaux documents émanant des renseignements français même si, comme c’est souvent le cas, on n’a déclassé que des pièces mineures et parfois censurées, insusceptibles donc d’apporter plus de lumière sur une bien ténébreuse affaire.
Ainsi également de l’enquête du magazine Envoyé spécial de France 2 en janvier dernier qui avait révélé la thèse d’une connexion étroite entre la liquidation de nos confrères et les marchandages parfois nauséabonds qui ont débouché quatre jours plus tôt sur la libération des otages d’Arlit. Les deux suppliciés de Kidal ont donc pu être les victimes collatérales de ces négociations où se profilaient l’ombre de ravisseurs forcément cupides, de barbouzes douteux, d’intermédiaires vénaux et de politiciens aux petits calculs.
Les parties civiles après une telle bombe avaient beau demandé au magistrat instructeur d’entendre certaines des personnes mises en cause dans le document, elles ont prêché jusque-là dans ce vaste désert malien. Seront-elles enfin entendues après la causerie d’hier ? Rien n’est moins sûr dans la mesure où il s’agissait surtout de faire le point d’une enquête qui semble buter sur la raison d’Etat, la France officielle ayant peut-être des choses à se reprocher dans cette histoire. Autant dire, sans vouloir doucher les espoirs des parents, amis et collaborateurs des disparus que trois ans et demi après la commission des crimes, le bout de ce long tunnel judiciaire n’est pas pour demain.
Ousseni Ilboudo