La joute prétorienne tant attendue n’a finalement pas eu lieu. Dans une déclaration intitulée : « Justice et corruption : qui jugera les juges ? » et publiée dans ‘’Le Quotidien’’ 812 du mardi 9 juillet 2013, le Centre pour l’éthique judiciaire faisait écho d’une affaire de poursuites contre des comptables de la société SGS impliqués dans des faits de malversation financière. Une affaire qui a amené le Centre à mener des enquêtes dont les conclusions font ressortir des indices de corruption qui impliquent des juges d’une formation du tribunal de grande instance de Ouagadougou. La plainte formulée par le CEJ contre X, pour faits de corruption dans laquelle des magistrats sont cités comme témoins, a été entendue le 12 juillet dernier, mais, les témoins n’ayant pas comparu, le procès a été reporté au 7 octobre 2013.
Le juge peut-il comparaître à la barre, fusse-t-il cité comme témoin ? Peut-il être entendu pour des faits de corruption dans lesquels il serait peu ou prou impliqué ? Ce sont entre autres questions d’ordre général qui devraient trouver des prémices de réponse dans le procès qui devrait se dérouler dans une des salles d’audience du palais de Justice de Ouagadougou. Une autre question qui aurait pu trouver des indices de réponse est celle de savoir si des magistrats ont pris des pots de vin en contrepartie d’un procès gagné à l’avance ? La salle d’audience était bien bondée de monde en cette matinée du 7 octobre. Quand le dossier a été appelé, la majeure partie des avocats qui étaient présents dans la salle d’audience se sont rangés du coté du centre pour l’éthique judiciaire (CEJ) représenté par Me Hervé Kam. Une mobilisation saluée par Me Hervé Kam qui pense qu’elle sera encore plus importante, le 7 octobre prochain. « C’est une affaire qui a été initiée très rapidement compte tenu des circonstances. Malgré tout, nombreux avocats se sont constitués à nos côtés. Et nous pensons que le 7 octobre prochain il y aura davantage d’avocats constitués à nos côtés parce qu’en tant que défenseurs des justiciables, ils sont en premier intéressés par les questions relatives à la corruption dans la Justice », a-t-il laissé entendre. Le procès a été reporté pour comparution des juges, témoins dans l’affaire et à la demande de la partie civile représentée par Me Hervé Kam. Sur le choix d’une telle requête, il a avancé l’intérêt d’appeler les juges cités comme témoins au débat. «Les juges n’ont pas voulu recevoir la citation à comparaître que l’huissier leur a signifiée. Nous étions dans une logique de requérir le renvoi au cas où les juges impliqués ne seraient pas présents à l’audience parce que nous souhaitons qu’ils y soient pour le débat », a-t-il expliqué. Cependant, le débat s’est engagé quant à la prochaine date du procès. Contre la date du 7 octobre proposée par le procureur, la partie civile a souhaité une autre qui puisse éviter la rentrée judiciaire. « La rentrée judiciaire rime avec des affectations de magistrats donc nous craignons que la date du 7 octobre ne soit pas utile », a donné comme explication Me Hervé Kam. A l’en croire, l’intérêt recherché est « de faire cesser la corruption dans le service de Justice ». À propos du principe de comparution des juges à la barre, Me Hervé Kam est tout tranché, le juge est un justiciable comme les autres devant la Justice. « Quand on parle de la corruption dans la Justice, il n’est pas rare d’entendre dire que le magistrat est un citoyen comme les autres et que dans un pays corrompu, il est tout à fait normal qu’il y ait des magistrats corrompus. Même si nous pensons que le magistrat n’est pas un citoyen comme les autres, nous, nous pensons que devant la Justice, ils sont heureusement des justiciables comme les autres, surtout que dans le cas présent ils ne sont pas poursuivis mais cités comme témoins », a-t-il soutenu.