Ça y est ! Saisi en mi-mai dernier pour se prononcer sur les exceptions d’inconstitutionnalité soulevées par les avocats de la défense dans le procès de Blaise Compaoré et de son dernier gouvernement, le Conseil constitutionnel vient de rendre son verdict. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a coupé la poire en deux. Car, si d’un côté, il donne raison aux accusés en estimant contraires à la Constitution, les articles 21 et 33 de la loi organique n°20/95 : ADP du 16 mai 1995 modifiée par la loi organique n°017-2015/CNT du 21 mai 2015, il rejette cependant la requête des accusés visant à abroger toute loi organique portant création de la Haute cour de justice au motif que les articles querellés sont inséparables de l’ensemble de la loi. Pour rappel, l’article 21 stipule que « les actes de la Commission d’instruction ne sont susceptibles d’aucun recours », tandis que l’article 33 enfonce le clou en ces termes : « les arrêts de la Haute cour de justice ne sont susceptibles ni d’appel ni de pourvoi en cassation ». C’étaient donc, entre autres, des dispositions qui ont fait l’objet d’une bagarre épique entre les avocats de la défense décidés à ne pas se laisser conter fleurette et la Cour qui, visiblement acculée, avait fini par s’en remettre au verdict du Conseil constitutionnel. Maintenant que le verdict est tombé, que va-t-il se passer ?
Le peuple devra encore attendre
A en croire les spécialistes du droit, le procès reprendra bientôt, mais auparavant, le législateur devra s’atteler à apporter quelques correctifs, suivant les recommandations du Conseil constitutionnel. Car, comme on le sait, le tout n’est pas, dans le cas d’espèce, d’aller à un procès ; mais il faut plutôt le faire dans les règles de l’art pour ne pas donner l’impression de faire dans le règlement de comptes. Mais il faut aussi le dire, si les décisions de la Haute cour de justice étaient jugées inattaquables, c’est beaucoup moins par la faute de la Cour que celle des accusés, avec à leur tête Blaise Compaoré qui aura régné plus d’un quart de siècle sans partage. Sans doute était-il loin d’imaginer qu’il se retrouverait lui-même comme accusé devant une telle juridiction dont il a acté la création depuis 1995. Les choses auraient, du reste, pris une autre tournure si la composition et le fonctionnement de la Haute cour de justice avaient été définis par le régime actuel, essentiellement composé de transfuges de l’ancien parti au pouvoir qu’est le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP). Cela dit, il faut souhaiter que le procès soit équitable pour que le verdict qui en sortira, plutôt que de diviser davantage les Burkinabè, puisse les réconcilier avec eux-mêmes. C’est à ce prix que nous pourrons construire une nation forte, unie et prospère, où la haine fraternelle et politique n’aura guère de place. L’essentiel dans ce procès, c’est que les responsabilités puissent être situées dans la sanglante répression de fin octobre 2014. Quant au peuple qui piaffe, à juste raison, d’impatience, il devra encore attendre car, comme on le dit, « l’agenda du juge n’est pas celui de la rue ». Ce qui fait dire à certains que la justice a souvent ses raisons que la raison elle-même ignore.
B.O