Grand supporter des Etalons et grand amoureux du sport, l’homme n’est plus à présenter au public burkinabè, tant il se fait remarquer par ses actions et sa passion dans les domaines politique, sportif, notamment le football. El Hadj Mahamadi Kouanda est également connu pour son franc parler. Pour en savoir davantage sur la nouvelle structure de supporters des Etalons qu’il vient de créer, et recueillir son avis sur l’actualité du football, nous sommes allés à sa rencontre, le 5 juin 2017 à son bureau à Ouagadougou. Et d’après lui, l’objectif de la nouvelle structure c’est de mobiliser le peuple autour des Etalons.
« Le Pays » : Vous venez de créer le Bureau national des supporters des Etalons alors qu’il existe déjà l’Union nationale des supporters des Etalons (UNSE). Comment expliquez-vous cela ?
Mahamadi Kouanda : Avant tout propos, permettez-moi d’abord de saluer la jeunesse burkinabè et les amoureux du football burkinabè qui ont répondu massivement à notre appel en venant à notre Assemblée générale. Vous savez que l’Union nationale des supporters des Etalons a été créée dans des conditions qui sont loin d’être transparentes. Comment pouvez-vous comprendre que dans un Etat de droit, l’Etat burkinabè se donne le droit de créer lui-même une association ? Tout est parti de l’ancien ministre des Sports, Jean-Pierre Palm. Quand il est arrivé, nous avions pensé qu’il avait l’intention de réunir les supporters autour d’un même intérêt. Malheureusement, M. Palm s’est contenté de réunir autour de lui des béni-oui-oui. A cette époque, il y avait le Comité de soutien de mon cher grand-frère Noufou Ouédraogo et la Coordination nationale de soutien aux Etalons que j’ai créée en août 2003. Le premier comité que j’ai créé, date de novembre 1971, à la faveur des jeux de Lagos. A cette occasion, nous avions créé dans les années 70-71, le premier comité de supporters qui n’était composé que de deux bureaux : celui du Kadiogo et celui de Bobo. Nous les avions fusionné pour faire un seul bureau, pour aller ensemble supporter les Etalons de la Haute-Volta. Vous voyez que cela ne date pas d’aujourd’hui. Après, il a fallu attendre 1988 pour recréer la Coordination de soutien aux Etalons dont j’étais le président, en ma qualité de Secrétaire chargé des sports et de la culture du Front populaire. Achille Tapsoba en était le secrétaire exécutif. J’ai créé ce comité en associant tous les clubs du Burkina. Et j’avais même demandé au capitaine Souley Mohamed, ex-DG de la SONABHY, de présider cette structure et cela pouvait se comprendre à l’époque, parce qu’on était dans un Etat d’exception. Quand bien même j’avais les compétences pour diriger ladite structure, je m’en étais abstenu en laissant la place à Souley Mohamed. En fait, j’avais estimé que je ne pouvais pas être juge et partie. Par la suite, j’ai été affecté à l’ambassade du Burkina à Ryad et Souley, entre-temps, est devenu président de la Fédération burkinabè de football. Mon absence cumulée aux nouvelles responsabilités de Souley Mohamed avait créé un vide que nous devions combler. C’est ainsi que François Conseiga, ancien maire de Saponé, Salif Kaboré et autres, se sont réunis autour du premier cité pour créer le comité avec Noufou Ouédraogo. Quand je suis rentré au bercail en 1994, nous nous sommes battus jusqu’à la CAN 1998, à l’occasion de laquelle le président Blaise Compaoré nous a demandé d’accompagner la fédération dans le cadre de la mobilisation pour cette CAN. Dans le bureau mis en place pour les besoins de la cause, Kanazoé Oumarou en était le président. Les autres membres étaient, entre autres, El hadj Barro Dianguinaba, le professeur Somé, à l’époque directeur de cabinet de Blaise Compaoré. Moi, j’occupais le poste de 4e vice-président. C’est juste-là une piqure de rappel, pour que les Burkinabè sachent que je ne suis pas un inconnu dans le milieu du football.
Quels sont les objectifs que se fixe cette nouvelle structure ?
Notre objectif, c’est bien évidemment de mobiliser le peuple burkinabè autour des Etalons ; de nous battre avec les joueurs et la fédération pour la qualification de notre équipe nationale au prochain mondial. Vous savez que notre pays n’a jamais participé à cette fête du football qui réunit les meilleures nations du monde. Et pourtant, il y a des pays moins populaires et moins nantis que nous qui y ont pris part. Cela a été peut-être possible grâce à une meilleure organisation de leur football. Je crois que si nous sommes bien organisés, si nous nous battons pour l’amour de notre patrie, il n’y a pas de raison que nous ne soyions pas présents à la prochaine Coupe du monde de football en Russie. Nous souhaitons que le ministre des Sports, Taïrou Bangré, comprenne que l’argent que son département gère n’appartient à personne ; c’est le bien du contribuable burkinabè.
Pourquoi dites-vous cela ?
Comment pouvez-vous comprendre qu’à la faveur de la CAN 2017, le ministre des Sports se fasse accompagner par une soixantaine de personnes sans tenir compte de mes animateurs qui étaient au sein de l’Union nationale des supporters des Etalons et du président d’honneur que je suis ? Le colonel Yacouba Ouédraogo dit Yac a été à la base de cette union grâce au soutien du président Blaise Compaoré, de Sa Majesté le Mogho Naaba, du colonel El Hadj Mamadou Djerma et de grands hommes dont le Fondateur des Editions « Le Pays », un homme très humain et engagé sans calculs. Puisque c’est de lui qu’il s’agit, Sigué Boureima Jérémie a accepté de nous accompagner dans cette aventure au moment où toutes les portes nous étaient fermées. Bref, à l’époque où le colonel Yac dirigeait le ministère des Sports, la transparence était de mise. Chaque fois qu’il y avait des voyages, il réservait une place pour l’Union nationale des supporters et une autre pour le président d’honneur que je suis ou même à un ancien de la coordination. Malheureusement, après son départ et suite à son remplacement par le ministre David Kabré, tout a changé, négativement. Et pourtant, j’avais eu une rencontre avec le ministre Kabré pour lui expliquer comment les choses fonctionnaient avec son prédécesseur. Malheureusement, il n’a pas tenu compte de nous. En tous les cas, je ne lui en tiens pas rigueur, car c’était un régime d’exception. Mais, ce qui m’a par contre choqué, c’est l’attitude du ministre Taïrou Bangré qui nous a royalement ignorés depuis qu’il est à la tête du ministère.
Ne craignez-vous pas que l’avènement de cette nouvelle structure mette en péril la cohésion au sein des supporters des Etalons?
Il n’y avait pas et il n’y a pas de cohésion au sein de l’UNSE, puisque le bureau actuel est bancal. Il y a trop de problèmes dans cette structure. Le supporter doit être libre d’adhérer à la structure qu’il veut. Combien de supporters au sein de cette UNSE sont-ils à jour de leurs cotisations ? Ce sont ces cotisations qui permettent d’animer la vie de la structure. Je pense au contraire qu’il faut dissoudre l’UNSE, parce qu’elle permet à certains de s’en mettre plein les poches. Tant que l’UNSE existera, il n’y a aura jamais de transparence dans sa gestion. A l’époque, quand il y avait deux structures de supporters, on donnait 60 millions de F CFA à chacune qui, après la compétition, faisait le point de ses dépenses. Ce n’est pas le cas avec l’UNSE. Vous-même vous constatez qu’entre 120 millions de F CFA et 1 milliard de F CFA, il y a une grande différence. Pourquoi mettre à la disposition des supporters, la somme de 1 milliard de F CFA ? On se connaît dans ce pays. Quand les supporters eux-mêmes vont chercher leur hôtel, il n’y a pas de potS-de-vin. Je pense qu’avec 150 000 000 millions de F CFA, on pouvait envoyer deux structures de supporters à la CAN au Gabon. Vous avez suivi tout le tapage médiatique qu’il y a eu concernant la facturation à la dernière CAN. Tout cela est arrivé parce que l’Etat s’est impliqué dans cette affaire. Le rôle de l’Etat, c’est de donner des maillots à l’équipe nationale, de mettre à la disposition de la fédération de l’argent pour une bonne préparation des joueurs. Entre les supporters et le ministère des Sports, il devrait y avoir une relation très bien cadrée et limitée. Je ne suis pas d’accord qu’on mette plus d’un 1 milliard de F CFA à la disposition des supporters pendant que nos hôpitaux ne sont pas équipés et sont en manque de médicaments et que nos enfants prennent des cours sous des hangars.
On savait que vos relations étaient très tendues avec l’ancien ministre des Sports, Jean-Pierre Palm. Qu’en est-il de vos relations avec l’actuel ministre des Sports Taïrou Bangré?
Logiquement, il ne devrait pas y avoir de problèmes, mais le ministre Taïrou Bangré a choisi de ne pas être honnête avec moi. Quand il est arrivé à la tête du ministère des Sports et des loisirs, je suis allé lui rendre visite pour le féliciter pour sa nomination. Je lui ai même offert deux écharpes. Ce que je constate seulement, c’est que le ministre avait sa petite idée dans la tête. Il a déjà son équipe autour de lui et je n’ai aucune envie d’y figurer. Mais ce que je veux, c’est que les supporters soient libres d’adhérer à la structure de leur choix. Je suis un passionné du football et je n’ai pas besoin d’avoir des relations privilégiées avec le ministre. On se respecte et je crois que c’est l’essentiel.
Quelle appréciation faites-vous de l’encadrement technique des Etalons ?
Je pense que ça va pour le moment. L’entraîneur Paulo Duarte a l’avantage de connaître l’équipe et il connaît aussi la mentalité des Burkinabè ainsi que l’environnement autour des Etalons. Et puis, un entraîneur est bon quand il parle peu et travaille beaucoup. Paulo Duarte semble l’avoir compris. Je souhaite qu’il soit toujours vigilant ; qu’il aligne les joueurs capables de lui donner la victoire. S’il réussit à faire un bon dosage entre nos joueurs locaux et les professionnels, il n’y a pas de raison que la mayonnaise ne puisse pas produire l’effet escompté. Pour ma part, je lui fais entièrement confiance.
Comment trouvez-vous le niveau du championnat national de football ?
C’est vrai que je n’assiste pas à tous les matchs, mais j’ai des échos de notre championnat et il me semble que le niveau est acceptable. Je sais que mon club de cœur, l’EFO, est en train de revenir en force. C’est aussi le fruit de notre brillant parcours à la CAN au Gabon. Nous avons une réputation à préserver. Il faut aussi louer les mérites de la Fédération qui accorde des subventions à nos clubs. C’est une belle initiative à saluer, mais je voudrais encourager la Fédération à renforcer davantage ces acquis par des séminaires de formation au profit des clubs.
Continuez-vous à supporter l’EFO ?
Evidemment. Je suis quand même le conseiller du président du conseil d’administration de l’Etoile Filante de Ouagadougou. Je profite d’ailleurs de l’occasion que m’offre votre journal, pour féliciter le comité directeur de l’EFO avec à sa tête son dynamique président Assami Romba . Je voudrais vous faire une confidence : au moment où j’étais à la tête de l’EFO, je m’étais engagé auprès des supporters en disant que le jour où l’ASFA nous battrait, je démissionnerais. Et j’ai réussi mon pari durant les deux saisons que j’ai passées à la tête de cette équipe. Je faisais des nuls ou je gagnais tout simplement mon match. Le bureau actuel fait honneur aux supporters et aux devanciers dont le fondateur Oumar Kouanda, Simporé Mamadou et bien d’autres. Je leur souhaite bonne chance pour la suite.
Votre mot de fin ?
Mon mot de fin s’adresse particulièrement au ministre des Sports, Taïrou Bangré. Il doit se mettre au-dessus de la mêlée. Je voudrais qu’il se comporte en bon démocrate en délogeant l’UNSE de son cabinet. Comment pouvez-vous expliquer que le ministre envoie plus de 70 personnes à la CAN et écarte le président d’honneur que je suis ainsi que 7 de mes animateurs ? J’ai dû confectionner des écharpes que j’ai vendues pour partir à la CAN. Je voudrais aussi que le président Roch Marc Christian Kaboré sache que les conditions de vie et de travail des Etalons sont aussi préoccupantes que celles des militaires, des médecins, enseignants, paysans, etc. Tout est important. Et en tant que premier capitaine et premier supporter des Etalons, il doit veiller à ce que la loi soit appliquée à tout le monde.
Interview réalisée par Seydou TRAORE