La 70ème Assemblée mondiale de la santé s'est déroulée du 22 au 31 mai à Genève avec pour fait marquant, l'élection de l'éthiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus à la tête de l'organisation. Le candidat de l'Union africaine place la couverture santé universelle au cœur de son action mais pour y parvenir, il faudra améliorer les systèmes de santé. C'était également le thème de cette assemblée mondiale.
L'objectif 3 des Objectifs de développement durables (ODD) stipule qu'il faut "permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge". Et comme ces ODD doivent être atteints par tous les États membres de l'ONU d'ici à 2030 et que tous les pays sont appelés à relever conjointement le défi, on comprend aisément le choix du thème de cette 70ème Assemblée mondiale de la santé.
Comme le dit le ministre burkinabè de la Santé Nicolas Méda, "personne ne doit être laissé de côté". "Mettre en place de meilleurs systèmes pour la santé à l'ère du développement durable est pour lui d'une importance capitale pour le Burkina dont le Plan national développement économique et social (PNDES) prévoit de garantir à tous les Burkinabè un accès à des soins de qualité.
"Ce qui a été discuté lors de cette assemblée donne des idées sur la manière dont chaque pays doit s'y prendre pour mettre en place ce qu'on appelle des services de santé universelle. Les services de santé universelle sont sensés couvrir l'ensemble des fonctions de santé, à savoir, la promotion de la santé, la prévention des maladies, la protection de santé, les soins de réadaptation, les soins palliatifs, etc.
Deuxièmement, on doit faire en sorte de trouver des mécanismes pour protéger les personnes du risque financier d'accès aux soins. C'est pour cela qu'on parle d'assurance maladie universelle et l'ensemble rentre dans la couverture santé universelle ». On pourrait s'étonner du fait que l'on parle de soins de qualité quand certaines zones du pays cherchent seulement à accéder à des soins.
Pour le ministre de la santé, le PNDES va y pourvoir puisqu'il est prévu la construction de 600 centres de santé et de promotion sociale (CSPS) supplémentaires "pour permettre à notre pays d'avoir, au niveau périphérique une couverture sanitaire totale, pour que les gens aient effectivement accès aux soins". "Aujourd'hui nous avons environ 1800 CSPS disponibles.
Mais en plus de ceux-là nous voulons qu'il y ait 300 CSPS supplémentaires pour qu'il y ait par exemple un CSPS pour 5000 personnes. Chaque gros village doit avoir un CSPS. Ça c'est pour les soins de base. Mais nous voulons parler de qualité parce qu’aujourd’hui nous voulons transformer tous les CSPS qui existent dans les chefs-lieux de toutes les communes du Burkina en centres médicaux. C'est à dire qu'en plus des infirmiers, ces formations sanitaires disposeront de médecins, de laboratoires et d'hospitalisation.
La gratuité donne des résultats
Et pour se donner plus de chances d'atteindre le maximum de personnes, le ministère de la santé a recruté près de 18 000 agents de santé à base communautaire pour informer les populations sur la planification familiale, la promotion de la santé, les consultations prénatales, les vaccinations, etc.
En ville comme en campagne, l'un des freins à la fréquentation des centres de santé a souvent été le manque de moyens financiers. Au nombre des ébauches de solutions expérimentées par le gouvernement, il y a l'instauration depuis 2016 de la gratuité des soins pour les enfants de moins de 5 ans et les femmes enceintes, les accouchements et les césariennes, ainsi que les dépistages des cancers du sein et du col de l'utérus.
Cette mesure dont le financement est assurée en grande partie par l’État burkinabè, constitue un pas important vers la mise en place des services de santé universelle. Selon Nicolas Méda, "la mesure de la gratuité des soins pour les mères et les enfants coûte 26 milliards par an au budget de l’État. C'est un effort considérable. Pour montrer que le président du Faso et l’État du Burkina sont vraiment déterminés sur un tel programme social, il faut savoir que la contribution de tous les partenaires réunis, dans le financement de cette politique de gratuité, n'atteint pas deux milliards".
"Aujourd'hui, précise-t-il, nous poussons dans ce qu'on appelle la politique d'accès universel à la planification familiale, pour permettre à chaque couple de choisir s'il veut des enfants, ou, quand et comment il veut ces enfants. Si on veut convaincre les familles d'adopter la planification familiale, il faut leur démontrer que l’État s'occupe de sauvegarder la santé de ceux qui existent déjà », affirme le ministre de la santé. Selon toute évidence, cette politique de gratuité donne des résultats probants.
« La première année de la gratuité des soins a vu ici et là une multiplication par deux ou trois des contacts que les femmes et les enfants ont avec le système de santé », affirme Nicolas Méda.
« Avant, précise-t-il, on était entre 0,4% et 0,6%, aujourd'hui on épaisse 1%. Et ça va aller en augmentant. Nous allons présenter les résultats d'ici trois ans, parce que ce sont des indicateurs qui ne changent pas rapidement en un an. Il faut une certaine période et nous allons démontrer que nous avons réduit la mortalité maternelle et infantile. Ce qu'il faut retenir de cette politique de gratuité est qu'il faut protéger la santé de ceux qui existent pour convaincre les familles de s'engager dans la planification familiale pour permettre au Burkina d’accélérer sa transition démographique ».
Trouver des financements internes
Malgré quelques embûches, l'application de la mesure fait son petit bonhomme de chemin. L'un des principaux goulots d'étranglement dans la mise en œuvre de cette mesure d'exonération des frais de santé aura été la crise de la Centrale d'achat des médicaments essentiels génériques et de consommables médicaux (CAMEG) qui a causé une rupture dans la mise à disposition des médicaments.
"Dans la politique de gratuité, explique le ministre Nicolas Méda, le poste du médicament c'est 60 à 80%. Avec la crise de la CAMEG, il y a eu un ralentissement de l'approvisionnement. Mais cette crise est maintenant derrière nous et la CAMEG est en train de renaître.
Deuxièmement, avec le paiement des soins, beaucoup de paiements informels existaient, pour compléter un peu certains gains des personnels de santé. Avec la gratuité, vous imaginez que, en dehors du racket, une femme ou un enfant ne doit plus payer quelque chose pour des soins. Et ces rackets existent. Nous en sommes conscients et nous nous battons pour les réduire. On a ouvert des lignes vertes pour encourager la dénonciation de ces rackets et chaque racket signalé est sanctionné".
L'amélioration des systèmes de santé demande un effort financier que ne peuvent pas toujours fournir, en temps voulu, les pays en développement confrontés à de nombreuses priorités à la fois. L'aide de la communauté internationale se faisant de plus en plus rare, il faudrait pouvoir susciter à l'interne, des modes de financement innovants.
"Le défi aujourd'hui de la communauté internationale, déplore Nicolas Méda, c'est l'arrivée à un moment donné de grands dirigeants qui n'affichent pas leur priorité pour la santé des pays en développement. Beaucoup de pays ont dit qu'ils allaient offrir 0,7% de leur richesse nationale aux pays en développement pour les accompagner, mais très peu atteignent 0,4%. Et la tendance est à la baisse.
Le ministre de la Santé espère toutefois que l'arrivée à la tête de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) de l’éthiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus va aider à un meilleur financement de la santé en Afrique.
« On est heureux que pour la première fois depuis que l'OMS existe depuis 1948, qu'il y ait un Africain qui connaît mieux que nous tous, les problèmes des systèmes de santé de l'Afrique, les enjeux et les défis de la santé en Afrique, pour sa propre expérience de l’Éthiopie, qui prenne la direction de l'OMS en ce moment crucial ou beaucoup de pays développés ne veulent plus financer et nous poussent à ce que les ressources domestiques financent notre santé », a-t-il indiqué.
C'est que pour Nicolas Méda, même au niveau de nos pays, les engagements n'ont pu être tenus. « Nous nous étions engagés à développer le capital humain pour impulser le développement, mais les problèmes sécuritaires font qu'il y a des limitations », explique-t-il.
Pour le ministre Méda, les ressources internes pourraient provenir de taxes sur le coton, l'or ou ce qu'il appelle "le péché comportemental" comme l'alcool ou la cigarette. Il a cité l'exemple du Ghana qui aurait financé toute son assurance maladie par la « taxe du péché ».
Malgré un contexte international défavorable, le ministre de la santé n'a pas manqué, dans son adresse à l'Assemblée mondiale, de souhaiter l'accompagnement de tous les partenaires techniques et financiers et particulièrement de l'OMS « pour disposer d'un système de santé solide" mais il reste convaincu que la solution définitive du financement de la santé ne viendra que de la réflexion collective de tous les Burkinabè.
Mathieu Bonkoungou
Ambassade Mission permanente du Burkina à Genève