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CIFDHA : déclaration liminaire de la conférence de presse du 27 mai 2017
Publié le lundi 29 mai 2017  |  CIFDHA
Conférence
© Autre presse par D.R
Conférence de presse du CIFDHA
Les premiers responsables du Centre d`information et de formation en matière de droits humains en Afrique (CIFDHA) pour officiliaser son statut d`observateur auprès de la Cour africaine des droits de l`homme et des peuples (CADHP)




Le CIFDHA accède au statut d'observateur auprès de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples.

Mesdames et messieurs les membres du CIFDHA,
Mesdames et messieurs les partenaires,
Mesdames et messieurs les journalistes,

Il a plu à la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, en sa 60ème session ordinaire tenue à Niamey au Niger, de gratifier le CIFDHA du statut d'observateur auprès de cette Commission, à la suite de la demande que nous avions introduite à cet effet au cours de l'année 2016 .
L'obtention de ce statut est une forme de reconnaissance du travail abattu par le CIFDHA depuis sa création et cela nous honore. Mais par-dessus tout ce nouveau statut nous oblige. Parce qu'il offre à notre organisation des opportunités nouvelles et importantes d'action en faveur/défense des droits humains, il nous oblige à nous investir davantage là-dessus, aux côtés d'autres organisations comme le MBDHP, le CGD, la FEPDHA et bien d'autres avant nous afin de relever le défi de la garantie des droits humains.

Intérêt et droits rattachés au nouveau statut d'observateur
• Droit d'assister aux sessions
Tout comme les autres ONG auxquelles la CADHP a octroyé le statut d’observateur le CIFDHA pourra désormais participer, sans voter, aux séances publiques de la Commission, contribuer à enrichir les débats par l'expression de son point de vue et la communication d'informations à sa disposition. En tant qu'observateur, nous pourrons demander l'inscription de questions d'un intérêt particulier pour nous à l'ordre du jour provisoire de la Commission. Le CIFDHA pourra y faire des déclarations orales sur la situation des droits humains au Burkina Faso et en Afrique, d'autant plus que la situation des droits humains en Afrique fait partie des questions régulièrement inscrites à l’ordre du jour et ouvertes à la participation des ONG accréditées.
Il faut souligner par ailleurs que les ONG peuvent aussi intervenir sur des questions, des thèmes ou des groupes spécifiques, ainsi que sur des pays donnés lors de la présentation des rapports des rapporteurs spéciaux et des groupes de travail (mécanismes spéciaux) . L'opportunité est aussi offerte aux ONG qui participent à la session de rencontrer les commissaires en dehors des séances et de soulever auprès d’eux les questions qui les préoccupent, avant l’examen du rapport de l’État et ce travail de lobbying n'est pas négligeable.

• Accès à la documentation de la Commission
En tant qu'observateur, le CIFDHA pourra avoir accès aux documents de la Commission à condition que ces documents n'aient aucun caractère confidentiel et qu'ils traitent de questions intéressant nos activités.

• Droit de saisir la Commission de cas individuels de violations
Ce statut offre au CIFDHA, aux termes de l'article 55 de la Charte africaine, la possibilité de contribuer davantage au renforcement de la protection des droits humains par la soumission de communications-plaintes (cas individuels) à la Commission alléguant une violation de la Charte africaine.
Il convient de rappeler que la Commission a rendu plusieurs décisions importantes à la suite de plaintes déposées au nom de particuliers.
• Droit d'ester devant la Cour africaine de justice et des droits de l'homme
Cette Cour issue de la fusion en 2008 de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples et la Cour de justice de l'Union africaine, créées respectivement par le Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples et l’Acte constitutif de l’Union africaine, cite en son article 30 parmi les autres entités admises à ester devant la Cour "(…) les personnes physiques et les organisations non-gouvernementales accréditées auprès de l’Union ou de ses organes ou institutions, sous réserve des dispositions de l’article 8 du protocole." Il vous souvient sans doute que le MBDHP qui jouit de ce statut depuis 1989 a porté devant cette Cour l'affaire Norbert Zongo et obtenu la condamnation de l'Etat et permis la réouverture du dossier .

Mesdames et messieurs les journalistes, chers membres,

S'il y a des motifs de satisfaction avec ce nouveau statut, il faut dire que le CIFDHA a des motifs d'inquiétude au regard de l'actualité de ces derniers jours marqués par des événements que nous ne saurions passer sous silence. Il s'agit d'une part des événements de Tialgho et Goundi, ainsi que de la vindicte populaire qui s'est exercée sur la personne de Mme Adjaratou Diessongo dit "Adja Divine". Le CIFDHA voudrait saisir cette opportunité pour condamner, de manière ferme et définitive, toutes les velléités de justice privée.
Nous voudrions rappeler que nous avons été parmi les premières organisations à exprimer notre inquiétude quant aux pratiques des groupes d'autodéfense kogleweogo qui sont attentatoires aux droits humains. Le CIFDHA ne remet pas en cause le principe de la participation communautaire à la gestion de la sécurité qui est par ailleurs prévue et organisée par la loi et les règlements, notamment la Loi N° 032-2003/AN relative à la sécurité intérieure, à travers la promotion de la police de proximité. Cette loi stipule notamment que:
Article 8 : La police de proximité consiste à intégrer au mandat opérationnel des forces de sécurité intérieure la participation des communautés dans la gestion de la sécurité par la prévention de l’insécurité et de la criminalité à travers l’identification concertée des problématiques locales de sécurité, la recherche de solution et leur application.
Article 9 : La promotion de la police de proximité s’exécute à travers le développement de la prévention et une gestion professionnelle de la répression dans le respect des droits humains.
Comment se fait-il que des groupes auto-constitués, qui ne répondent d'aucune autorité se permettent:
- d'instituer et d'appliquer leur propre législation, leurs codes;
- de pratiquer sur les personnes de présumés des sévices corporelles pour les pousser à avouer;
- de pratiquer de l'extorsion de fonds en fixant et réclamant le paiement des amendes;
- de disposer de leurs propres prisons et de procéder à des arrestations et détentions arbitraires;
- d'administrer la justice tout en refusant eux-mêmes de répondre à la justice d'Etat lorsqu'ils sont interpellés.
Et toutes ces pratiques ont cours au vu et au su de tous, notamment de l'autorité, qui ne se donne aucun moyen pour appliquer les lois de la république. Ce qui est arrivé à Tialgo et à Goundi est le résultat du laxisme et d'une forme de démission de l'Etat face à ses propres prérogatives. Pour notre part, ce qui est arrivé à Madame Adjaratou Diessongo s'inscrit dans la même lignée de la privatisation de la justice par des personnes qui s'érigent en justiciers et entendent défier les principes de la République et de l'Etat de droit. Nous condamnons très fermement cette agression et cette atteinte inacceptable à l'intégrité physique et à l'honneur d'une femme.
Nous voudrions profiter de l'occasion pour rappeler à l'Etat une des recommandations prioritaires du Comité des droits de l'homme faite au Burkina Faso en 2016 lors de la revue initiale de notre pays.
Le Comité s'était dit préoccupé par le fait que l’augmentation du sentiment d’insécurité et la défiance envers la justice se traduise par des cas de vindicte populaire et de lynchage de personnes soupçonnées d’infractions et l’apparition de milices d’autodéfense, notamment les « Koglweogo », dont certaines se livreraient à des extorsions de fonds, arrestations et détentions illégales, sévices corporels et meurtres notamment. Le Comité notait avec préoccupation l’intention de l’État partie, confirmées par la délégation, de réorganiser les structures communautaires de sécurité, d’y intégrer les milices d’autodéfense, de les former et de les encadrer afin qu’elles travaillent en synergie avec les forces de défense et de sécurité nationale.
"L’État partie devrait : (a) renforcer la présence des forces de défense et de sécurité nationales afin de garantir la sécurité de la population sur l’ensemble de son territoire et éviter que les milices d’autodéfense, et notamment les « Koglweogo », se substituent à l’État et exécutent des missions de maintien de l’ordre; (b) conduire des enquêtes et poursuivre tous les auteurs présumés de violations de droits de l’homme et, s’ils sont reconnus coupables, les condamner à des sanctions appropriées; et (c) mener des campagnes de sensibilisation sur l’illégalité de la justice expéditive et populaire et sur la responsabilité pénale des auteurs." Recommandation 24.
Où en est-on dans la mise en œuvre de cette recommandation? Il convient de rappeler que d'ici fin juin 2017, le Burkina Faso devra rendre compte de l'état de mise en œuvre des recommandations prioritaires.
Interpellation et appels:
Nous lançons un appel à tous les citoyens et à tous les habitants du Burkina Faso à s'abstenir de toute justice privée, et de la vindicte populaire. Seul l'Etat peut et doit rendre justice. Et quel que soit le doute que nos institutions puissent inspirer, nous devons travailler à les renforcer et non à détruire ce qu'il en reste.
Nous lançons aussi un appel à la responsabilité au regard des images obscènes qui ont été diffusées relativement à l'agression de Mme Adjaratou Diessongo et dans les incidents de Tialgho et Goundi.
Nous espérons que très vite ceux qui ont été à la base de la rumeur de vol de bébé, ou qui ont exercé sur elle la violence seront identifiés, arrêtés et punis de sorte que plus jamais personne ne s'hasarde à de telles pratiques de justice privée.

Je vous remercie!
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