Artiste-musicienne, religieuse et pharmacienne, Sœur Anne Marie Kaboré, deux fois Kundé du meilleur artiste de musique religieuse en 2014 et 2017, a plus d’une corde à son arc. Elle a trois albums à ce jour. Dans cet entretien, elle parle de sa passion pour la musique, évoque son cursus universitaire et dévoile sa stratégie pour concilier vie religieuse et ses diverses activités.
Sidwaya (S.) : Vous êtes de la congrégation des sœurs de l’Immaculée conception de Ouagadougou, pouvez-vous la présenter?
Sœur Anne Marie Kaboré (S.A.M.K) : La Congrégation des sœurs de l’Immaculée conception de Ouagadougou est le premier Ordre autochtone du Burkina Faso fondé en 1924 par Monseigneur Joanny Thévénoud. Toute congrégation a son charisme et celle des sœurs de l’Immaculée conception collabore avec les frères qui sont dans les paroisses pour l’évangélisation des peuples en Afrique et partout ailleurs.
S. : Vous êtes connue en tant qu’artiste- musicienne, peu de personnes ignorent que vous êtes aussi pharmacienne.
S.A.M.K : Après mes premiers vœux, le 16 juillet 2007 à Pabré, j’ai travaillé une année avant de reprendre les cours à l’Université Ouaga 1 Joseph- Ki-Zerbo en 2008 en pharmacie. Je suis docteur en pharmacie et je continue une spécialisation en biopharmacie formulation et ingénierie pharmaceutique. Cette étude consiste à réunir les éléments de façon qualitative et quantitative pour aboutir à la fabrication d’un médicament, y compris les tests à réaliser en cours de préparation et le contrôle qualité à la fin de la fabrication.
S. : Entre la musique et la vie religieuse, quelle vocation a devancé l’autre ?
S.A.M.K : C’est la vie religieuse qui a devancé celle de musicienne, car je suis Sœur depuis 2007. Le public m’a connu à travers mon premier album sorti en 2011. Mais les gens de Mogtédo, mon village natal, connaissent bien cette petite qui chantait depuis l’âge de 7 ans. Mon premier chant a porté sur la création apprise à la catéchèse. C’est un texte que j’ai transformé en chanson pour ne pas oublier. J’ai ensuite été repérée par le prêtre aumônier pour représenter la paroisse lors des manifestations.
S : Comment s’est effectué l’appel de Dieu ?
S.A.M.K : J’ai senti le désir de devenir religieuse dès la classe de CE1. Avant la première communion, le catéchiste nous avait dit de réfléchir au type de chrétien que chacun voudrait être. Il nous a présenté les groupes de chrétien, c’est-à-dire les prêtres, les sœurs, les catéchistes et les laïcs qui sont nos parents. J’ai remarqué que les sœurs qui servaient dans la paroisse avaient un style de vie particulier. C’est ce qui m’a beaucoup attirée et voilà comment est née ma vocation.
S. : Avez-vous été influencée par votre catéchiste?
S.A.M.K : C’est normal, Dieu ne s’adresse pas directement à l’individu, il passe toujours par des intermédiaires. Je n’étais pas la seule du groupe, d’autres ont entendu la même invitation mais sont aujourd’hui mariées. Je n’ai pas été téléguidé par le catéchiste mais Dieu s’est servi de lui pour se faire entendre et réfléchir à ce que j’allais devenir.
S. : Comment est née votre passion pour la musique ?
S.A.M.K : Je suis l’ainée de ma famille et la première petite fille de ma grand-mère paternelle. Cette grand-mère était chanteuse et lors des réjouissances, elle m’amenait avec elle. Chaque nuit, elle rassemblait les enfants du quartier et moi au milieu, j’essayais de l’imiter. Voilà comment est née cette passion. Mais je peux affirmer que cette passion a été précédée par la grâce de Dieu. Il a mis en moi le talent et ma grand-mère a permis son éveil. Ce talent s’est développé grâce au mouvement d’enfants de l’Eglise catholique Cœur vaillant, âme vaillante (CVAV).
S. : Comment arrivez-vous à concilier vos vies de religieuse et de musicienne?
S.A.M.K : Ce sont deux vies très compatibles. Dieu m’a donné le talent et il se sert du chant pour évangéliser une grande masse. Je ne trouve donc pas de problème à concilier les deux. Mon problème, c’est plutôt comment concilier la musique et les études. Car en musique, il faut composer, entrer en studio, enregistrer et faire la promotion de l’album. En plus, vous savez comment le programme est chamboulé à l’Université. Cette situation est très difficile pour moi. Je profite des pauses à midi pour faire les enregistrements et je reviens à 15h suivre les cours.
S. : Pourquoi avoir décidé de chanter pour le grand public, quand on sait que la prière est votre principale activité?
S.A.M.K : Les gens pensent que les Sœurs prient seulement. Or nous avons une multitude d’activités dans la congrégation. Il y a des Sœurs infirmières, médecins et enseignantes. En 2011, j’ai rencontré le supérieur général pour lui exposer mon projet de réaliser un album car j’avais composé beaucoup de chants. Auparavant, aucune Sœur ne s’était aventurée dans ce domaine. Une voix me disait de partager le message avec les autres. J’ai mis du temps avant de m’apercevoir que c’était Dieu qui me parlait. Les sœurs m’ont accordé leur soutien et leurs encouragements.
S. : Quels sont les thèmes abordés dans vos albums ?
S.A.M.K : Les thèmes principaux du premier album sont le pardon et la réconciliation ; le pardon pour ressembler à Dieu qui pardonne tout le monde et nous invite à pardonner ; et la réconciliation avec soi-même et avec les autres. Le deuxième album, quant à lui, aborde la paix, parce que nous étions dans un contexte d’instabilité grandissante dans le monde. Le troisième album traite de l’espoir et un appel à garder confiance en Dieu. Il est là par sa main invisible et agit.
S. : Comment se porte le dernier album de Sœur Anne Marie Kaboré sur le marché discographique?
S.A.M.K : L’album se porte bien malgré mon manque de temps pour faire une grande promotion. Mais j’ai des échos qui me parviennent et je suis satisfaite. Je suis à 2000 CD dupliqués et environ 1500 ont été vendus.
S. : Vous avez été en 2014 et 2017 Kundé de la meilleure musique religieuse. Que représentent ces récompenses pour vous ?
S.A.M.K : C’est une confirmation que ce je fais est entendu, aimé et accepté. Je ne connais pas les critères du jury, mais je dirai que c’est un prix de félicitations et d’encouragement. C’est aussi une invite à continuer en sachant que cela sert aux autres.
S. : Avez-vous reçu d’autres prix hormis les Kundé ?
S.A.M.K : Non. Le meilleur prix pour moi, c’est ce que me disent directement les mélomanes qui écoutent et comprennent mon message. Lorsque deux personnes qui se sont jurées de ne plus se parler ou encore un couple au bord de la séparation se réconcilie, grâce à mes messages, cela constitue pour moi les meilleurs prix. Et c’est ce que je recherche.
S. : Quels sont les projets de Sœur Anne Marie Kaboré ?
S.A.M.K : Je reste toujours ouverte à l’esprit de Dieu, à ce qu’il voudra de ma carrière. Je me mets à sa disposition pour être utilisée et faire ce qu’il veut. Si des inspirations me viennent, je réaliserai des albums pour le bien des autres. En ce qui concerne la promotion de mon dernier album, j’envisage une tournée pour mieux faire connaître l’œuvre et surtout faire entendre et comprendre le message véhiculé.
Interview réalisée par
Armelle COMPAORE
(Collaboratrice)