Les efforts déployés par le Burkina Faso et ses partenaires en matière d’eau et d’assainissement, sont freinés par le manque de ressources humaines et d’équipements qualifiés. Dans le but de changer la donne, la Banque mondiale finance un projet dénommé : « Centre d’excellence pour la formation et la recherche en sciences et technologies de l’eau, l’énergie et l’environnement en Afrique de l’Ouest et du Centre ». Zoom sur une initiative qui révolutionne la recherche à l’Institut d’ingénierie et de l’eau et de l’environnement (2ie).
Mercredi 26 avril 2017. Il est 15 heures 30 mn à l’Institut d’ingénierie de l’eau et de l’environnement (2ie) à Ouagadougou. La fine pluie tombée la veille sur la capitale burkinabè laisse entrevoir un temps clément en comparaison à la canicule des jours précédents de ce mois d’avril. A l’intérieur de l’établissement, situé à proximité de l’Université Ouaga 1 Pr Joseph-Ki-Zerbo, plusieurs bâtiments forment l’institut. Mais l’une des bâtisses, un complexe R+2, force l’admiration. Située à l’extrême ouest de l’enceinte, elle se distingue par son apparence resplendissante. Nous sommes au Laboratoire eau, dépollution, écosystème et santé (LEDES) de 2ie. Une dénomination qui contraste quelque peu avec les bijoux technologiques «cachés» à l’intérieur de cet acronyme. Des équipements ultra-modernes s’offrent, en effet, au regard du visiteur. Dr Yacouba Konaté, le maître des lieux, nous explique que le LEDES est subdivisé en laboratoires physiques, physico-chimie des eaux et de microbiologie. « Tous les équipements de ces laboratoires sont de dernière génération », confie Dr Konaté, un brin de fierté de côtoyer quotidiennement de telles merveilles. Notre visite commence au laboratoire de physique. Différents appareils, des produits chimiques et bien d’autres, sont soigneusement disposés dans des placards ou sur des tables d’expérimentation. Nous remarquons également la présence de deux personnes occupées à ranger des produits. « Le jeune que vous voyez est venu de la Suisse pour un stage dans notre laboratoire », lance le premier responsable, le sourire aux lèvres. De là, nous nous dirigeons vers les laboratoires de physico-chimie des eaux et de microbiologie, situés l’un en face de l’autre. Le ton enjoué, Yacouba Konaté nous décrit le fonctionnement des différents compartiments. « Par exemple, nous pouvons faire des analyses en rapport avec des produits chimiques qui contaminent les eaux dans la partie Nord du Burkina », soutient-il. Au laboratoire de microbiologie, poursuit M. Konaté, ce sont des analyses bactériologiques notamment de la qualité bactériologique et parasitologie des eaux qui sont faites. « Il n’y a pas que la matrice eau que nous travaillons, mais également les sols et tout ce qui est sous-produits d’assainissement », précise-t-il. A quelques pas de là, dans un autre compartiment, nous découvrons un dispositif, le bioréacteur à membrane. Il permet non seulement, selon les explications de notre guide, l’élimination de la pollution organique et des polluants chimiques non-éliminables par le système simple de traitement. « Nous sommes les seuls à avoir ce dispositif en Afrique de l’Ouest », soutient M. Konaté.
Un autre dispositif, l’ultrafiltration avec une grande capacité de traitement et d’alimentation en eau potable attire notre attention. « Il peut alimenter un village de 5 000 habitants », commente notre interlocuteur. 2ie possède cette haute technologie grâce à la Banque mondiale à travers son projet : « Centre d’Excellence pour la formation et la recherche en Sciences et Technologies de l’Eau, l’Energie et l’Environnement en Afrique de l’Ouest et du Centre ». D’une enveloppe globale de 8 millions de dollars US soit environ 4 milliards de francs CFA, il couvre la période de 2014 à 2018.
Un rayonnement sous-régional
Selon le coordonnateur du projet, Pr Harouna Karambiri, l’objectif est de renforcer l’ambition régionale de 2ie, notamment en matière d’excellence dans les domaines de la formation (eau et assainissement, infrastructures et réseaux hydrauliques) et de la recherche de pointe. « Il s’agit de créer à partir d’instituts forts, des centres d’excellence qui vont rayonner sur la sous-région ouest-africaine et centrale et centre-africaine », indique Pr Karambiri. Dans son volet formation, mentionne-t-il, il s’agit de doter l’institut d’un plateau technique avec des équipements pédagogiques tout en les modernisant, de recruter des vacataires et d’améliorer les conditions d’études des étudiants. « La partie recherche consiste à renforcer les capacités analytiques des laboratoires avec des équipements. Ce qui permettra d’avoir un plateau technique étoffé », ajoute-t-il. Il nous apprend également qu’il existe une plateforme mutualisée des universités du Burkina Faso et de la sous-région qui permet à des chercheurs de mener leurs recherches au sein de l’établissement. Boris Compaoré est titulaire d’un Master d’ingénierie de l’eau et de l’assainissement, obtenu en 2016 à 2ie. Il confie avoir eu cette opportunité après avoir postulé à une offre de bourse lancée dans le cadre du projet. Aujourd’hui ingénieur, Boris effectue un stage dans une ONG. « En plus de cela, je fais de la consultation privée puisque la formation était pratique. Nous avons eu le privilège de nous approprier des technologies qui n’étaient pas encore vulgarisées à l’époque », souligne l’ingénieur non sans invoquer la multiplicité des technologies. Mme Awa Gueye est Sénégalaise. Sélectionnée en 2015 par l’institut pour bénéficier du projet, elle est aujourd’hui titulaire d’un Master d’ingénierie de l’eau et de l’assainissement. « Ma formation d’origine a été axée sur le dimensionnement des réseaux à savoir l’adduction en eau potable, l’assainissement des eaux usées et pluviale, etc. A 2ie, ma formation a vu de nouveaux jours à travers l’assainissement solide jamais abordé jusque-là, un approfondissement de mes connaissances par rapport au traitement des eaux usées et leur réutilisation potentielle », reconnaît Awa Gueye. Malgré quelques difficultés, notamment liées aux procédures de décaissement, Harouna Karambiri estime que le niveau de mise en œuvre est satisfaisant. Aujourd’hui, détaille-t-il, nous avons offert 113 bourses nationales à des étudiants sur 120 prévues et 27 sur 27 bourses sur le plan régional. « Pour le doctorat, nous avons 7 étudiants qui achèvent leurs thèses sous financement du projet. Cependant, il faut souligner qu’il y a 500 étudiants et une quinzaine de doctorants qui en ont bénéficié indirectement », témoigne Pr Karambiri. Pour Dr Yacouba Konaté, cet appui de la Banque mondiale est une initiative louable. «Cette assistance est profitable à plus d’un titre à tous les maillons de la formation, notamment les étudiants, les enseignants et les populations», se réjoui-t-il.
Joseph HARO