10 mai 1981. François Mitterrand accède à la présidence de la République française après plusieurs années de lutte politique. Avec lui, la gauche, et notamment le Parti socialiste français arrive enfin au pouvoir pour la première fois depuis l’avènement de la Ve République en 1958.
C’est un vrai paradoxe! Trente-six ans après le 10 mai de l’espoir, le Parti socialiste est agonisant et la gauche s’apprête à quitter les affaires dans des conditions pour le moins calamiteuses. Ce mercredi en effet, François Hollande, qui achève son premier et dernier quinquennat à la tête du pays — il a dû renoncer à se présenter pour un second mandat —, présidera son tout dernier conseil des ministres. Avant de transmettre le témoin, dimanche prochain, à Emmanuel Macron, un de ses fidèles lieutenants qui a tourné casaque en avril 2016.
Chantre d’un centrisme libéral, Emmanuel Macron, 39 ans, vient en effet de donner une véritable leçon de réalisme politique à toute la classe politique française, et même au monde. Brisant par la même occasion tous les codes du know-how et des postulats de ce pays, désormais à la recherche de ses repères aussi bien à droite qu’à gauche. Au moment de fermer la parenthèse de sa présidence jugée décevante, François Hollande, qui remporte la palme du président le plus impopulaire de son pays, tant les sondages sont restés impitoyables avec lui durant tout son mandat, laisse un Parti socialiste aux abois qui ne compte guère plus que quelque 40 000 adhérents, selon diverses sources.
Comment a-t-on pu laisser le parti de François Mitterrand en arriver là, ne cristallisant que… 6,36% des voix au premier tour de la dernière élection présidentielle, avec un frondeur de Benoît Hamon délaissé par son propre camp? Et alors que les élections législatives pointent déjà le bout de leur nez sur un échiquier politique complètement chamboulé et en recomposition, le PS n’en mène décidément pas large, jouant sa survie à coups de «trahisons» ouvertes, de négociations souterraines, de positionnements intéressés…
Sans doute que François Mitterrand se retournerait dans sa tombe en voyant le triste spectacle que livre «son» parti sur la scène politique française aujourd’hui. Bien entendu, la descente aux enfers n’a pas commencé avec cette élection présidentielle de tous les inédits. Même le PS de Mitterrand n’avait pas réussi à garder ses alliés communistes qui avaient alors contribué à son succès de 1981. Depuis, et après la longue alternance de droite portée — après les deux quinquennats du «Vieux» socialiste (1981-1988 et 1988-1995) — par Jacques Chirac (1995-2002 et 2002-2007), puis par Nicolas Sarkozy (2007-2012), il a fallu attendre 2012 pour retrouver le socialiste François Hollande à l’Elysée. Un François Hollande qui n’aura décidément pas réussi à sublimer ni sa présidence no sa famille politique, et qui s’en va à présent pratiquement sur la pointe des pieds…
Faudrait-il donc laisser le PS mourir de sa belle mort — «le PS est mort», a déclaré ce 9 mai l’ancien Premier ministre Manuel Valls, en quête d’une investiture, pour les prochaines élections législatives, de la nouvelle majorité présidentielle encore à composer —, noyé dans le large champ «ni-ni, et-et» prôné par celui qui déposera ses valises à l’Elysée le 14 mai prochain? En tout état de cause, ce 10 mai, l’ombre de Mitterrand planera sur les manifestations de la «Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions» auxquelles prendront part les présidents sortant et nouvellement élu de la France.
Et sans doute se remémorera-t-on aussi avec émotion ce 10 mai 2017, qu’il y a 36 ans jour pour jour, François Mitterrand fit fièrement entrer, pour la première fois, la gauche à l’Elysée.