A présent il est au moins fixé sur son sort : hier en effet, le tribunal militaire de Yaoundé a condamné Ahmed Abba à 10 ans de prison ferme.
Epilogue, même si ses avocats ont tout de suite décidé d’interjeter appel, d’une saga politico - médiatico - judiciaire qui défraie la chronique au Cameroun et ailleurs depuis bientôt deux ans, et plus précisément depuis que le correspondant en langue haussa de RFI a été arrêté. C’était le 30 juillet 2015 à Maroua, dans l’extrême nord du Cameroun. C’est ainsi qu’a commencé pour lui une lente descente aux enfers.
Dès lors, il se débat pour s’extraire du long tunnel judiciaire dans lequel il est plongé. C’est que les charges qui pesaient contre l’infortuné reporter étaient particulièrement lourdes et il risquait même la peine de mort. Une sanction qui dans un premier temps avait été requise par le commissaire du gouvernement lors de la 16e audience de ce procès marathon.
Un réquisitoire finalement édulcoré le 20 avril dernier, conséquence de l’abandon d’un des trois chefs d’accusation, l’apologie d’acte de terrorisme. Soulagement dans le camp de la défense, même si les deux autres chefs d’inculpation que sont la non-dénonciation et le blanchiment d’actes de terrorisme pesaient comme autant d’épées de Damoclès sur la tête du correspondant de RFI qui encourait la prison à perpétuité.
Mais c’était déjà ça de gagné pour quelqu’un qui était accusé d’intelligence avec l’ennemi, en l’occurrence Boko Haram qui avait fait main basse sur le septentrion camerounais à coups d’enlèvements de personnalités locales et d’étrangers, d’attentats kamikazes et autres attaques sanglantes.
Comment imaginer que le pisse-copie puisse s’être rendu coupable d’une telle forfaiture quand bien même il aurait pu, dans l’exercice de son métier, approcher les présumés djihadistes d’Abubakar Shekau ?
De fait, tout au long de cette vingtaine d’audiences, l’accusation ne sera jamais parvenue à administrer les preuves irréfutables de ce présumé pacte avec le diable. Du coup, même allégé par rapport à la peine qu’il encourrait initialement, ce verdict sonne comme un médiacide.
C’est ce qu’on appelle se tromper d’ennemi, car pendant qu’on s’acharne sur un journaliste qui ne faisait que son métier, les vrais collabos de la nébuleuse, eux, continuent de prospérer et par conséquent de sévir.
Peine capitale, perpétuité, 10 ans ferme… de rabotages en rabotages, reste à espérer que le procès en appel parviendra à desserrer un peu plus l’étau judiciaire qui, depuis presque deux ans, étouffe la voix du journaliste.
H. Marie Ouédraogo