La directrice exécutive du Centre de commerce international (ITC), Arancha Gonzàlez, séjourne au Burkina du 17 au 19 avril. Elle y procède au lancement d'un projet visant la création d'emplois dans les chaînes de valeur du textile à l'intention première des jeunes et des femmes.
Le projet, d'un coût de 10 millions d'euros financé par l'Union européenne, concerne le Burkina et le Mali et est intitulé : « Création d'emplois équitables et développement durable de microentreprises à travers la gestion responsable et éthique de chaînes de valeur spécifiques liées aux secteurs de la mode et de l'aménagement d'intérieur ». L'ITC est l'agence conjointe de l'Organisation mondiale du Commerce et des Nations unies qui œuvre pour le succès des exportations des petites entreprises en tant que partenaire du développement. Il a pour objectif d'aider les pays en développement et en transition à parvenir au développement humain durable grâce aux exportations. Cet ambitieux projet de l'ITC vise la création d'environ 5 mille emplois directs et 6 mille emplois indirects dans les deux pays sur quatre ans, dans l'espoir de mettre un frein à l'émigration des jeunes. Et si l'ITC a choisi le commerce des produits de la mode tissés à partir du coton biologique produit localement, il a ses raisons. Selon Arancha Gonzàlez : « la mode est un secteur qui a un potentiel économique énorme et le Burkina et le Mali ont des produits de qualité tissés à partir du coton, très appréciés dans le domaine de la mode. Il y a urgence au Burkina et au Mali, comme en général en Afrique subsaharienne de créer des emplois pour des populations jeunes qui, si elles ne trouvent pas des emplois chez elles, peuvent se croire obligées d'émigrer dans d'autres pays du monde, en risquant leur propre vie, pour trouver du travail ». Améliorer la qualité de vie des femmes et des jeunes pour lutter contre l'émigration clandestine au péril de leur vie. Mais même pour ceux qui sont déjà partis et qui seraient prêts à revenir, le projet a consacré un volet. Explication d'Arancha Gonzalez : « Une partie de ce projet a aussi la possibilité de former des Africains qui ont migré en Europe, en l’occurrence en Italie, qui se trouvent en Italie en attendant d’être situés sur leur sort. Nous travaillons avec une coopérative italienne qui nous aide à former ces émigrés. Au cas où ils voudraient retourner au Burkina, ils seraient déjà outillés pour entrer directement dans les usines de production. Donc ils auraient déjà un emploi ».
La mode éthique
Le projet interviendra tout au long de la chaîne de valeur du tissage artisanal, de l'égrenage du coton à la transformation des tissus en produits finis. Il apportera des débouchés dans le secteur du « lifestyle » qui comprend la mode mais aussi l'aménagement et la décoration d'intérieur. Mais cette mode doit être éthique et le travail décent et équitable. « La mode éthique, explique la directrice exécutive de l'ITC, est une mode qui répond à trois conditions : Des conditions d'emplois décents (salaires et conditions de travail décents), des conditions de respect de l'environnement (non utilisation d'agents polluants) et des conditions de protection du savoir-faire des artisans locaux (interdiction de s'approprier de leur savoir-faire pour le vendre ailleurs). C'est pourquoi nous appelons tout cela la mode éthique. Encore une fois, travail décent, respect de l'environnement et respect des traditions artisanales. C'est possible de faire tout ça et de créer des emplois. Ce n'est pas contradictoire ». La mode éthique a donc ses exigences. Mais l'autre raison est bien plus prosaïque. « Nous voulons aider les Burkinabè à monter en gamme dans la production du coton biologique. Parce que, quand on produit un coton organique, on peut déjà espérer le faire payer un peu plus cher que le coton qui n'est pas biologique, écologique ou éthique. De la même manière, nous ne voulons pas rester dans le coton, nous voulons également passer au tissu. C'est toujours la démarche du Centre de commerce international d'essayer de monter en gamme. Nous voulons faire en sorte que les revenus de l'agriculteur soient un peu plus élevés. C'est ça la démarche. Ce n'est pas une question idéologique, c'est une question plus simplement de rendement économique », indique Arancha Gonzàlez. Une première phase du projet qui s'est déroulée de 2013 à 2016 avait permis la confection de fils de coton biologique et de tissus haut de gamme (Danfani au Burkina, Bogolan et Basilan au Mali) pour la mode et l'ameublement haut de gamme. La phase II va consolider et étendre ces lignes de produits et ajouter de nouveaux produits tels que les sacs à main réalisés avec les tissus en association avec du cuir.
Pérenniser les acquis
Selon la directrice exécutive de l'ITC, la première phase du projet a permis de consolider 1800 emplois dans la chaîne de valeur et de soutenir la formalisation d'activités dans les deux pays. « Cela a augmenté les revenus pour les travailleurs de 400% en moyenne. Nous pensons que les résultats obtenus jusqu'à présent méritent que l'on investisse dans ce domaine. Et la demande des acheteurs de tous ces tissus qui sont des firmes d'un peu partout dans le monde, est en train d'augmenter. Il faut maintenant que nous travaillions à augmenter l'offre et c'est ce que nous comptons faire au Burkina ».
Arancha Gonzalez qui affirme par ailleurs ne pas s'inquiéter pour la pérennisation des acquis du projet. « Les trois sites de production que nous avons au Burkina, en l’occurrence à Ouagadougou, Ponsomtenga et Bobo-Dioulasso, que nous appelons entreprises sociales ne sont pas à but lucratif. Mais après un certain rodage, on peut les vendre à des investisseurs locaux . Ce que nous faisons, c'est l’investissement initial pour le montage et pour la mise en forme et en musique, en donnant à l'usine un portefeuille de clients, de manière à ce que, après un certain nombre d'années, nous puissons sortir et l'usine continuer à fonctionner. C'est ça le but de l'exercice », soutient-elle.
A l'occasion de sa visite, la directrice exécutive de l'ITC aura des entretiens avec les autorités burkinabè pour évoquer la coopération entre son institution et le Burkina Faso. Outre ce projet sur la mode éthique, cette coopération inclut un volet simplification de tout ce qui est procédures douanières ou commerciales et un volet facilitation des échanges.
Mathieu Bonkoungou
Ambassade Mission
permanente du Burkina à Genève