Les quatre pays co-auteurs de l’initiative sectorielle en faveur du coton (C4), le Bénin, le Burkina Faso, le Mali et le Tchad qui se sont dressés depuis 2003 contre les subventions accordées par certains pays à leurs producteurs de coton, créant ainsi des distorsions sur le marché, au détriment des pays les moins avancés, se réunissent du 18 au 21 avril 2017 à Cotonou au Bénin. Cette 5ème session ordinaire de coordination du C-4 va préparer la 11ème conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce prévue à Buenos Aires en décembre 2017. L’objectif ultime des quatre pays co-auteurs de l’initiative étant de venir à bout de ces soutiens internes, subventions à l’exportation et toutes autres formes de subvention accordées au coton par certains membres de l’OMC.
Lors des conférences ministérielles de Bali en 2013 et Nairobi en 2015, des avancées significatives ont été enregistrées. A Nairobi notamment, les ministres de l’OMC ont pris des engagements contraignants dans le volet commercial pour l’accès aux marchés et la concurrence à l’exportation et sous le volet développement. Mais aucun engagement n’a été pris sur le soutien interne qui constitue le troisième pilier des négociations sur le coton à l’OMC.
Comme dans une lutte de cette nature, il n’y a pas de petite victoire, les pays du C-4 ont décidé de s’appuyer sur ces acquis pour aller vers une solution définitive. Ils ont donc remis à contribution, experts et ambassadeurs à Genève, pour une série de rencontres bilatérales avec notamment les USA, l’Union européenne, la Chine, l’Inde, le Brésil et le Pakistan. Ces discussions ont eu le mérite de clarifier les positions sur le soutien interne au coton et le moins que l’on puisse dire est qu’elles sont très partagées.
Si le Brésil, l’Inde, le Pakistan, l’Argentine et d’autres membres importants de l’OMC soutiennent la position du C-4, il n’en va pas de même pour d’autres qui ont des vues divergentes.
Le gouvernement américain affirme qu’il n’accorde plus de subventions ou de soutiens internes à ses producteurs de coton depuis l’entrée en vigueur de la "Farm bill” de 2014. Cette loi agricole comporte cependant certaines dispositions comme la STAX (Stacked Income Protection Program) qui accorde des assurances garantissant aux producteurs l’écoulement de leur production quel que soit le cours du coton sur le marché international.
Les Etats Unis accusent par ailleurs la Chine d’être le premier responsable des distorsions sur le marché international, à cause de sa politique de soutien massif à la production locale. Une politique de soutien que la Chine reconnaît tout en expliquant qu’elle s’adresse à des régions difficiles très défavorisées et pauvres. La Chine affirme en outre qu’elle importe et n’exporte pas de coton et que par conséquent, ses activités commerciales dans le secteur du coton ne sauraient perturber le cours mondial. Il reste que la Chine vient de procéder à un premier déstockage de son impressionnant stock national de coton constitué pendant des années. Et même si cela n’est pas encore perceptible, la quasi certaine diminution du volume des importations de ce pays aura des effets de perturbation sur le cours mondial.
Pour une chaîne de valeur compétitive
Quant à l’Union européenne, elle affirme ne plus accorder de subvention depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle Politique agricole commune (PAC). Pour ce qui est des soutiens internes aux producteurs des Etats-membres de l’UE, il s’agirait d’engagements consignés dans la constitution communautaire qui ne pourraient être changés immédiatement ou à court terme.
Ces divergences de vues ne sauraient détourner les pays du C-4 de leur objectif de parvenir à une élimination totale de toutes les formes de soutiens internes ayant des effets de distorsion sur le marché du coton. Et pour y parvenir, les pays du C-4 entendent entraîner les partenaires vers une solution négociée juste à temps avant la conférence ministérielle de Buenos Aires.
A Cotonou, les ministres du C-4 vont également penser au développement et outre les projets nationaux, ils envisagent avec l’appui de leurs partenaires, la mise en œuvre du projet régional et intégrateur dénommé "Route du coton” qui vise principalement à promouvoir en priorité dans les pays du C-4, l’émergence d’une chaîne de valeur régionale, à partir de la production et de la commercialisation du coton et de ses dérivés (habillement, textiles, etc...). Un projet qui, selon ses initiateurs, est appelé à avoir un impact réel et substantiel direct sur les populations des pays du C-4, en termes de création d’emplois, de richesses, de lutte contre la pauvreté, de garantie de la sécurité humaine et du développement socio-économique.
Mais le développement de chaînes de valeur ne pouvant se faire sans capitaux, sans infrastructures de commerce, sans expertise et sans cadre juridique et institutionnel prévisible et sécurisé, le programme devra identifier et promouvoir l’avantage comparatif de chaque pays du C-4 en fonction de son potentiel de production, de transformation et d’exportation au cours des quatre dernières années. Cela devra se faire en prenant en compte les capacités réelles ainsi que les infrastructures dont disposent les sous-régions d’Afrique de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Nigeria et Sénégal notamment) et du Centre (Cameroun et République centrafricaine).
A la conquête de tous les marchés
Tout cela devrait à terme, contribuer à réaliser une augmentation de la demande locale, régionale et internationale de coton/textile en provenance du C-4 suscitée par la qualité, la variété, la disponibilité et les prix du coton et de ses produits dérivés, des investissements directs en faveur du secteur productif et de celui de l’industrialisation pour favoriser la transformation locale du coton en produits dérivés, un environnement des affaires prévisible et simplifié favorable aux transactions commerciales dans le secteur du coton et une amélioration de la production, de la productivité et de la compétitivité du secteur du coton dans les pays producteurs.
Dans le même esprit mais à très court terme, les pays du C-4 prévoient l’organisation de la première Foire internationale du coton africain (FICA) en marge de la 5ème réunion de coordination ministérielle de Cotonou.
Cette première FICA ambitionne de mettre en relation les professionnels (cotonculteurs, sociétés cotonnières, stylistes, artisans, négociants, collectionneurs, des chercheurs etc.), les institutions d’appui technique et financier, les consommateurs et l’État, afin de contribuer au développement de la production et de la commercialisation du coton brut africain et de ses produits dérivés.
Il y aura des opportunités d’affaires et notamment la possibilité de conclure des partenariats d’investissements dans la transformation du coton en Afrique et la promotion de l’exportation des produits transformés sur les marchés internationaux.
Mathieu Bonkoungousi