C’est avec une vive consternation que nous apprenons que le CSBE France, par les autorités de votre diplomatie en France, en l’occurrence, le Consulat général à Paris, a reçu mandat, daté du 07 février 2017, de procéder à une consultation des Burkinabè de France, sur des « propositions de révision du code électoral ». Cette consultation demandée par le Ministère de l’Administration Territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité Intérieure n’a fait l’objet d’aucune communication digne de ce nom. Elle a donné lieu à une « mission anti-démocratique » qui engage pourtant l’avenir des Burkinabè vivant en France. C’est une grande première à laquelle s’opposent les organisations burkinabè et l’ensemble des compatriotes de cette diaspora.
Monsieur le Président, le CSBE a été créé de toutes pièces par le ministère des Affaires Etrangères durant le pouvoir de Blaise Compaoré. Le rôle qui lui fut confié, servir de fer de lance des attentes du pouvoir et de contrôle des opinions au sein de la communauté burkinabè, est antidémocratique. C’est pour cette raison qu’elle n’a jamais eu une initiative propre, se contentant de répercuter les consignes venant d’en haut, se cantonnant dans ce rôle d’antichambre et de caisse de résonnance du pouvoir en place.
De ce fait, une telle structure ne correspond en rien à la vie démocratique dont font montre l’ensemble de nos compatriotes à travers leurs propres organisations. Doit-on vous informer que le mandat des délégués actuels est obsolète depuis plus de deux ans ? Par ailleurs, si l'on compte parmi eux des démocrates, le rôle qu’ils auraient souhaité y jouer semble d’office voué à l’échec.
L’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, en chassant Blaise Compaoré et son régime a, de fait, mis fin à l’existence du CSBE qui lui était attaché. Il ne correspond pas à la volonté des Burkinabè en France, attachés à la jouissance de leur liberté d’opinion, d’organisation. C’est pourquoi nous comprenons mal que des représentants de votre pouvoir continuent de s’en servir, à l’instar de cette mission du Ministère de l’Administration Territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité Intérieure, tout comme Monsieur Alpha BARRY, ministre des Affaires Etrangères et des Burkinabè de l’extérieur, par des apartés accordés au CSBE France. En persistant sur l’utilisation de telles méthodes antidémocratiques, comme celles relatives à la désignation des représentants des Burkinabè de l’extérieur au sein de la commission relative à la rédaction du projet constitutionnel, ces représentants font preuve de déni de démocratie à l’égard de notre communauté
La convocation adressée au CSBE le 17 mars dernier, lui demandant de faire parvenir les avis des compatriotes burkinabè en France sur le projet constitutionnel, participe des mêmes méthodes éculées. Comment ne pas préconiser devant un processus aussi important des dispositions utiles, pour recueillir le maximum de contribution ? Cela aurait correspondu à ce que votre pouvoir a énoncé, sa volonté d’associer au mieux les Burkinabè de la diaspora au processus démocratique et au développement national.
Pourquoi alors se contenter du cadre CSBE pour une aussi importante consultation ? Toute la communauté burkinabè de France, sans exclusive, est concernée.
Quelle contribution efficace notre communauté et ses organisations peuvent-elles apporter sur un projet aussi essentiel, dans un temps aussi contraint qu’inopérant, après cette séance de rattrapage qu’est cette convocation en moins d'une semaine de la consultation ?
Devrions-nous nous contenter d’entériner un projet de loi fondamentale sans nous l’avoir approprié, alors même qu’il engage chaque Burkinabè et l’avenir de notre pays dans l’approfondissement de la démocratie ?
Monsieur le Président, vous avez devant vous les preuves manifestes que nous devrions encore davantage intégrer les enseignements de l’insurrection populaire et la résistance de notre peuple, pour mettre en application ses attentes. Il nous faut assumer résolument et définitivement l’esprit de cette insurrection.
Monsieur le Président, nous en appelons à votre responsabilité devant tous les Burkinabè où qu’ils se trouvent.
Après des années de pressions et de lutte sur la reconnaissance et la jouissance de leur droit de vote, les Burkinabè de l’extérieur n’entendent pas devenir le jouet électoral, de quelque structure que ce soit. Ils doivent jouir pleinement de leur liberté de pensée, d’opinion et d’action. C’est au nom de ces droits dont le respect est inconditionnel que votre pouvoir ne peut plus continuer de cautionner de telles structures, ni valider de telles pratiques.
Ce respect est d’autant facilité par le fait que la communauté burkinabè en France est très bien organisée. Elle l’est par l’engagement de ses membres, elle l’est par son attachement aux valeurs démocratiques et à la solidarité nationale. Cette maturité lui donne le droit de s’exprimer librement à travers ses représentants légitimes. Responsable, notre communauté a pris sa place dans le débat national. Elle a joué son rôle dans la lutte démocratique et pour le développement, à chaque étape importante de notre histoire nationale. C’est elle qui est concernée à la fois par cette élection, qui est une première pour elle, et par la consultation sur le projet de constitution et par toutes les autres phases à venir.
Monsieur le Président, le respect de la fonction que vous occupez nous impose cette interpellation. Vous avez fait le serment de respecter les attentes démocratiques des Burkinabè. Vous avez exprimé votre volonté de rompre avec les vieilles pratiques de votre prédécesseur, au nombre desquelles la corruption, le clientélisme en tous genres. L’opinion s’accorde sur le fait que votre propre élection a fait honneur à une transparence, propice à la consolidation de la démocratie au Burkina Faso. Par conséquent, nos attentes ci-dessus exprimées méritent votre plus haute considération.
Monsieur le Président, cette lettre ouverte peut constituer le début d’une longue série qui n’aura qu’un seul objectif : respecter votre serment pris devant le peuple burkinabè au lendemain de sa victoire insurrectionnelle, faire appliquer le droit, en toute transparence, veiller résolument au renforcement du processus démocratique au Burkina Faso et ce, partout où vivent des Burkinabè.
La diaspora burkinabè en France, ses organisations indépendantes savent compter sur votre transparence, votre esprit de dialogue et de justice pour renforcer ce processus démocratique.
Attachés comme vous aux valeurs de la démocratie, nous vous prions d’agréer, Excellence, Monsieur le Président, l’expression de nos salutations respectueuses et démocratiques.
Paris, le 24 mars 2017
Organisations du Collectif contre la confiscation de la démocratie au Burkina Faso signataires :
- Association des Étudiants Burkinabè en France (AEBF)
- Comité International Joseph Ki-Zerbo pour l'Afrique et sa Diaspora (CIJKAD)
- Mouvement Burkinabè des Droits de l’Homme et des Peuples –Section de France (MBDHP-SF)
- Pour L’Émergence Africaine, Mouvement pour la Réflexion, la Démocratie et le Développement Durable en Afrique
- Union des Burkinabè du Grand Ouest de la France (UBGOF)
- Union pour le Progrès et le Changement (France UPC-France)
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