Après l’audition du caporal Nafion Nebié le 28 mars 2017, le tribunal militaire a poursuivi hier le procès du dossier de l’attaque de la poudrière de Yimdi. Cinq accusés se sont expliqués devant les juges en cette journée du 29 mars. Synthèse de ce deuxième jour d’instruction à la barre.
Pour ce 2e jour de ce procès, l’audience a débuté par l’audition du soldat de 1re classe Bienvenu Ollé Kam. Il est né en 1988 à Banfora, est célibataire, père d’un enfant et se dit jamais condamné. Il a été décoré de la médaille commémorative avec agrafe Soudan. Son conseil, Me Albert Zoma, n’était pas présent quand il a été appelé à la barre.
Poursuivi pour complot militaire, désertion à l’étranger en temps de paix et complicité de vol aggravé, le soldat Kam a reconnu avoir franchi la frontière burkinabè parce qu’il craignait pour sa vie. «C’est un samedi que mon chef de service m’a appelé au téléphone et m’a dit de me rendre à la gendarmerie pour affaire me concernant. Dans pareille cas, le chef désigne quelqu’un pour accompagner la personne et c’est ce dernier qui lui rend compte à son retour. Comme ce n’était pas ainsi, je ne suis pas allé à la gendarmerie et à cause de la peur je suis parti en Côte d’Ivoire», a expliqué le soldat qui officiait depuis trois mois au Régiment de commandement et de soutien (RCS).
C’est le 16 janvier 2016 que Bienvenu Kam a quitté le Burkina Faso pour la Côte d’Ivoire en compagnie du sergent Alassane Yougbaré. Deux amis de ce dernier dont il ne connaît pas leurs noms sont venus les chercher sur deux motos et ils ont emprunté la voie de Bobo-Dioulasso, passant par Sabou pour se rendre à Léo. «Pourquoi avoir fait ce détour pour aller à Léo, en passant par Saponé, c’est plus simple», fait remarquer le président du tribunal, Seydou Ouédraogo. « Je ne sais pas, c’est Yougbaré et son ami qui étaient devant et nous on les suivait seulement», a répondu l’accusé. De Léo, où ils n’ont pas dormi, ils sont entrés au Ghana puis en Côte d’Ivoire. En terre ivoirienne, ce serait Ousmane Djerma qui est venu les chercher et les loger. Ils étaient trois, à savoir Ali Sanou, Hamado Zongo et lui. Ils n’y ont pas fait plus de 6 jours et seraient revenus au Burkina Faso en rentrant par le Ghana.
Le soldat Kam ne se souvient pas d’une escale et dit n’avoir pas vu des armes qui auraient été récupérées avec un certain Moumouni Sandia. «Pourquoi avez-vous décidé de revenir au pays ? », a interrogé le président du tribunal. «Quand les autres ont décidé de rentrer, je ne pouvais pas rester en Côte d’Ivoire. Ils ne m’ont pas dit ce qu’ils voulaient faire, car on n’a pas pu s’asseoir pour échanger», a-t-il répliqué.
Une fois à Léo, il n’a pas cherché à se signaler aux autorités militaires mais était prêt à reprendre son service selon ses dires.
«Pourquoi vous n’êtes pas allé à la convocation de la gendarmerie ?», a demandé le commissaire du gouvernement qui avait maintenant la parole et posant des questions à l’accusé. «On ne m’a pas convoqué, on m’a appelé pour m’informer que la gendarmerie a besoin de moi, mais on n’a pas désigné quelqu’un pour m’accompagner », a signifié l’accusé dont la voix laissait transparaître la colère ou prenait du plaisir à répondre aux questions par d’autres questions. Et le président du tribunal d’intervenir : «Vous répondez aux questions, si vous ne pouvez pas répondre aussi c’est votre droit, mais on ne répond pas à une question par une autre question». Ambiance.
Alioun Zanré, lui, a invité l’accusé à baisser le ton et lui a expliqué qu’ « on n’est pas en train de vous déclarer coupable mais on veut comprendre les faits ».
Le commissaire, lui, a aussi rappelé le calme exemplaire qu’il a eu lors de l’interrogatoire au fond, ce qui lui avait même valu leurs félicitations, avant de lui indiquer que le fait d’accompagner les militaires à la gendarmerie est certes une pratique, une habitude, mais qu’elle n’est consignée dans aucun texte. Les questions-réponses entre le parquet et le prévenu se sont multipliées, mais l’avocat du soldat ne s’était toujours pas présenté, pour cause de maladie de son enfant, a-t-on appris plus tard.
Pour les faits de complot militaire et de complicité de vol aggravé, le soldat Kam a reconnu s’être retrouvé sur le pont de Yimdi aux environs de 22h avec Ali Sanou et d’autres soldats. Informé du projet d’attaque de la soute à munitions, il a avoué avoir marqué son accord et est resté au niveau du pont où il était alors chargé de garder des engins dont le véhicule d’Ali Sanou. Il a confié également avoir informé Ali Sanou de la présence de trois véhicules militaires qui passaient dans les parages. Avant l’assaut sur la poudrière, il a déclaré avoir vu un Pistolet automatique (PA) entre les mains d’Ousmane Djerma, aujourd’hui décédé. D’après ses explications, c’est aux environs de 4h30 qu’Ali Sanou est venu déposer une Kalachnikov dans son véhicule et ils ont quitté les lieux.
«C’est par amour de la patrie que je suis rentré»
Né le 9 mars 1988 à Bobo, célibataire sans enfant jamais décoré, le caporal Hamidou Drabo est poursuivi pour cinq infractions : complot militaire, vol aggravé, désertion à l’étranger en temps de paix, détention illégales d’armes à feu et de munitions, violence et voies de faits. Le tribunal procèdera infraction par infraction pour interroger l’accusé.
Première infraction : la désertion dans un pays étranger en temps de paix. Le caporal Hamidou a reconnu à la barre avoir déserté le Burkina pour se rendre au Ghana et ensuite en Côte d’Ivoire. Cependant, il justifie son acte par le fait que sa vie tenait à une ficelle : «J’ai quitté le territoire pour sauver ma peau parce que dans la nuit du 30 juin 2015, les éléments de Zida ont tiré au camp Naba Koom, créé la zizanie avec pour but de tuer le général Gilbert Diendéré. On les a mis aux arrêts et d’autres ont pu s’enfuir. Ils étaient lourdement armés et ils nous disaient : vous n’avez rien compris. Peu importe le temps que cela prendra, on vous aura et on mettra fin à votre vie parce que nous sommes pour Zida. Après le coup d’Etat de septembre 2015, nous étions recherchés par ces éléments qui voulaient mettre fin à notre vie».
Suite à cette déclaration, le président du tribunal a demandé à savoir en compagnie de qui le caporal Hamidou a quitté le Burkina ?
Réponse : j’étais avec le sergent-chef Ali Sanou, Ollo Poda, Boureima Zouré, Seydou Soulama, Mohamed Zerbo. Le caporal Abdoul Nafion Nébié nous a rejoints par la suite au péage autour de 11h. Nous sommes arrivés à Léo dans l’après-midi et quelques heures après nous avons franchi la frontière ghanéenne puis nous nous sommes rendus en Côte d’Ivoire. Là, nous avons logé dans la famille de Seydou Soulama. Et on se débrouillait avec nos petites économies pour manger. Trois mois plus tard, j’ai décidé de rentrer au pays. J’ai donc quitté le 18 janvier 2016 en compagnie d’Ollo Poda, de Seydou Soulama, d’Hamado Zongo et d’Alexandre Yougbaré.
«Pourquoi revenir au Burkina ensemble et en groupe à une date bien déterminée ? » demande le président du tribunal. Sa réponse fut simple : «C’est par amour de la patrie que je suis rentré».
« Aviez-vous l’intention de reprendre le service en venant au Burkina ? », rétorqua le président du tribunal. « Non parce que j’ai été menacé de mort », affirme l’accusé.
Le président du tribunal revient à la charge : « Alors pourquoi vous vous êtes retrouvés à cinq en train de revenir au pays ? ». Mais le caporal qui tient mordicus à son « amour de la patrie » a insisté : « Je ne connais pas les motifs des autres, mais moi je suis revenu par amour de la patrie ».
Le président l’interroge sur les armes qu’ils avaient en leur possession pendant la traversée ?
« Négatif. Je n’avais pas d’arme, car j’ai rendu mon arme à mon groupement avant de bouger et je n’ai non plus vu personne en possession d’une arme dans notre groupe».
«Avez-vous reçu de l’argent de Roger Damagna Koussoubé ?», a demandé le président du tribunal. «Il est dans la salle, il peut témoigner. Il ne m’a jamais remis de l’argent», a affirmé l’accusé.
« Arrivé à Léo, est-ce que vous vous êtes signalé aux autorités militaires ? », poursuit le juge. « Non parce qu’ayant été menacé de mort je ne savais plus à qui faire confiance ».
Le commissaire du gouvernement a alors demandé à l’accusé s’il a rendu compte à sa hiérarchie de la menace dont il avait été victime. Sa réponse fut affirmative : «J’ai rendu compte au lieutenant Delwendé, un commandant d’unité, mais il ne m’a rien dit».
Le conseil de l’accusé, Me Baziemo, demande à son client s’il aurait rejoint son poste, s’il avait eu connaissance d’une note d’affectation au moment où il quittait le pays. Le caporal Hamidou soutient que sa vie étant menacée, il n’irait pas parce que sa hiérarchie n’a pas réagi par rapport à la menace qui pesait sur lui.
Deuxième infraction : le complot militaire.
On a demandé au caporal Drabo à quelle heure il était arrivé à Ouagadougou lors de son retour d’exil.
« Une fois à Ouaga, je suis resté chez la tante de mon binôme Nafion Nébié. Après une douche, je suis sorti me désaltérer dans un maquis lorsque Nafion m’a fait cas des problèmes que connaissait sa copine à cause de lui ». Il m’a déclaré : «Ma copine a été arrêtée par la gendarmerie parce qu’on me recherche donc j’irai voir sa famille pour m’enquérir de ses nouvelles». Après son départ, le caporal Hamidou a dit avoir reçu un coup de fil du sergent-chef Ali Sanou lui demandant de le rejoindre au pont de Boulmiougou. « Comme je n’avais pas de moto, il a envoyé Djerma me chercher. A notre arrivée aux environs de 22h, le chef m’a fait part de son projet d’attaque de Yimdi et j’y ai adhéré en craignant qu’il me fasse du mal au cas où je refuserais. J’ai donc progressé avec lui à la poudrière et une fois au poste, le sergent-chef m’a fait prendre une arme qu’il m’a ensuite sommé de mettre dans le coffre de son véhicule à notre retour au lieu où étaient stationnés nos engins. »
A ce propos, le commissaire du gouvernement a fait une observation : « Nous sommes contents de savoir que les gens ont peur pour leur vie donc nous lui accordons le bénéfice du doute ».
Après donc l’opération, le caporal dit avoir fait appel à son binôme Nafion qui est venu le chercher aux environs de 4h du matin. Cependant, ses propos tenus à la barre sont carrément différents de ceux enregistrés lors de sa déposition, fait remarquer le parquet. « J’y suis allé avec mon propre engin ». Une contradiction qui a conduit le président du tribunal à faire appel au caporal Nafion Nébié pour une confrontation. «Je me suis rendu sur les lieux sur appel d’Hamidou Drabo qui voulait sa moto. C’est à ce moment que le sergent-chef Ali m’a fait part de son projet que j’ai tout de suite rejeté et je suis reparti », a affirmé caporal Nafion.
Le Conseil de Nafion, Me Olivier Yelkouni, a affirmé ne pas percevoir de contradiction entre les propos tenus la veille par son client et ceux d’aujourd’hui. Me Baziemo non plus a souligné ne pas y voir de contradiction.
Sur cette note, son avocat lui a demandé de donner les raisons de sa comparution en tenue civile : «J’ai été rayé des contrôles des forces armées le 6 octobre 2015 pour absence irrégulière ». Le caporal a ensuite demandé la parole au président pour un dernier mot : «Les gendarmes m’ont déshabillé, j’étais tout nu, ils m’ont frappé, menacé avec un couteau et m’ont injurié en ces termes : fils de pute, de Diendéré, assassins. Depuis 27 ans, on vous guettait, maintenant grâce au sauveur, le général Zida, on a eu notre place. Vous allez subir. On fait ce qu’on veut ici ».
« J’ai plus peur de Zida que de ses éléments »
A partir de 11h, Boureima Zouré est passé à son tour à la barre. Contre lui : deux chefs d’accusation : désertion à l’étranger en temps de paix et complot militaire. Assis sur une chaise pour des raisons de santé, l’inculpé de 40 ans, célibataire et père de quatre enfants, s’est prêté aux questions du tribunal et du commissaire du gouvernement.
Concernant le premier chef d’accusation, le client de Me Aminata Paré a expliqué que sa fuite vers la Côte d’Ivoire avait pour objet d’échapper aux menaces du général Yacouba Isaac Zida qui était en ce temps toujours au pouvoir. Il a confessé que Zida a constitué une menace pour lui car « si Zida te propose quelque chose et que tu refuses, il faudra t’attendre à ce qu’il t’arrive quelque chose ». Et il a ajouté : « Zida est mon chef militaire, je le connais très bien. Je ne peux pas me rendre à la gendarmerie pendant qu’il est au pouvoir et tout en sachant que ma vie est menacée. Si j’y vais et que quelque chose m’arrive je l’aurais cherché », a-t-il soutenu.
Après le coup d’Etat manqué de septembre 2015, le RSP a été dissous et les éléments du régiment ont été affectés à de nouveaux corps. A la question de savoir pourquoi il n’a pas rejoint son nouveau poste, l’accusé a déclaré n’avoir pas eu connaissance de sa note d’affectation. Aussi, il a affirmé avoir eu peur, car il avait subi des tortures pendant une précédente arrestation.
Mais pour le commissaire du gouvernement, « l’absence de note d’affectation ne peut faire objet de désertion ». Mais à en croire son avocat, « les tortures et la dissolution du RSP sont les principales raisons de désertion de Boureima » avant de soutenir «C’est la solution de se concerter qui constitue le complot et non la présence sur le pont de Yimdi », a plaidé son avocat, car Boureima ne se reconnaît pas dans l’attaque de Yimdi.
Pourtant dans ses déclarations lors de l’enquête préliminaire, le président du tribunal et le commissaire du gouvernement ont relevé que l’accusé a dit autre chose : « j’étais en Côte d’Ivoire avec certains de mes camarades. Nous sommes revenus le 21 janvier 2016 dans le but de libérer les ex-RSP détenus à la MACA. A Léo, les autres ont continué et devaient revenir me chercher à moto. J’ai attendu en vain leur retour. Dans la matinée du 22 janvier, Alexandre Yougbaré et Amado Zongo sont venus me dire qu’il fallait qu’on parte en Côte d’Ivoire en passant par le Ghana ». Mais l’accusé n’a pas reconnu ces déclarations. Et Me Paré de préciser que son client est analphabète et n’a pas eu droit à un interprète lors de son audition. De même, a-t-elle assuré « les déclarations n’ont pas été lues à la fin afin qu’il en prenne connaissance ».
« Je me suis caché dans un buisson »
Le sergent Salif Couldiaty (29 ans), célibataire et père d’un enfant, a été appelé à la barre à son tour aux environs de 14h15. Il a nié tous les cinq chefs d’accusation qui lui sont reprochés dont celui de complot militaire. Après la dissolution du RSP, il a été affecté au 25e RPC de Bobo-Dioulasso. Selon ses propos, c’est pour venir voir son fils malade à Ouagadougou qu’il a demandé une permission. Le 21 janvier, aux environs de 21h, il aurait reçu un appel du sergent-chef Ali Sanou l’informant qu’Ousmane Djerma (aujourd’hui décédé), un de ses promotionnaires, souhaitait le rencontrer pour lui remettre une commission pour sa femme. Le lieu de rendez-vous était fixé à la station Shell de Boulmiougou. « Vu le contexte sécuritaire à l’époque », il a dit avoir appelé le soldat de première classe Djimadine Napon pour l’y accompagner. Une roue de sa moto étant crevée, Napon s’est fait déposer par sa femme, et ensuite les deux militaires sont allés ensemble au lieu de rendez-vous à bord d’un taxi. Là, ils auraient rencontré le sergent-chef Ali Sanou et Djerma qui étaient venus à bord d’un véhicule. Les quatre hommes auraient embarqué ensemble à bord de la BMW du sergent-chef pour aller prendre la fameuse commission. S’inquiétant de les voir s’éloigner de la ville, Salif Couldiaty a avoué manifester plusieurs fois son inquiétude auprès d’Ousmane Djerma. Arrivé près du pont de Yimdi, ce dernier aurait fait sortir un pistolet automatique d’un sac. « Il m’a dit qu’il aimerait que je collabore avec lui, qu’on ne pouvait plus reculer », a-t-il ensuite déclaré devant le tribunal. Au niveau du pont, il aurait aperçu d’autres éléments de l’ex-RSP. « J’ai dit que je ne pouvais pas participer et j’essayais de le convaincre. Vers minuit, Ousmane Djerma m’a dit que je ne pouvais pas repartir comme ça et que je devais les suivre ». L’accusé a ensuite assuré que lorsque les assaillants se sont dirigés vers la poudrière, il est resté derrière et s’est caché dans un buisson. « Lorsqu’ils se sont éloignés, je suis revenu vers le pont. Mais je ne pouvais pas partir, car j’avais mon sac qui contenait ma permission dans la voiture. J’ai attendu qu’ils reviennent. Le sergent-chef Ali a ouvert le coffre, personne ne m’a rien dit. Et quand j’ai pris mon sac j’ai marché pour rentrer chez moi».
Cette version des faits, a souligné le commissaire du gouvernement, est mise à mal par les déclarations d’autres accusés lors de l’enquête préliminaire : « le soldat de deuxième classe Handi Yonli a dit que vous l’avez remorqué jusqu’à Yimdi et vous étiez là lorsque les gardes étaient désarmées» ; « selon Djimaldine Napon, c’est vous qui étiez chargé de lui expliquer la teneur de la mission » ; « le sergent-chef Ali Sanou a dit qu’il vous a téléphoné depuis la Côte d’Ivoire et que vous étiez chargé de contacter les éléments de l’ex-RSP favorables au projet ». Mais l’accusé a botté en touche arguant que « ce sont des histoires ». Il a dit avoir souhaité sans succès une confrontation avec ses camarades.
Son avocat, Me Yssouf Kabré, a dénoncé les conditions dans lesquelles a été menée l’enquête préliminaire. « On dit qu’ils se sont appelés mais aucun relevé téléphonique ne figure dans le dossier », a-t-il entre autres, déclaré. Mais pour le ministère public, « L’absence de relevé n’entache en rien la qualité du travail de la police judiciaire. Pour des choses aussi évidentes, nous n’avons pas jugé nécessaire de demander des relevés téléphoniques». Me Kabré s’est ensuite insurgé contre les conditions de traitement de son client à la gendarmerie. Ce dernier « cicatrices à l’appui » a déclaré avoir été torturé et suspendu pendant plusieurs heures ». « Quand on a été torturé, on ne sait plus si ce qu’on dit est la vérité ou pas », a dénoncé l’avocat qui a estimé que ce procès était également celui des « méthodes staliniennes » des gendarmes.
« Ma femme était enceinte »
A sa suite, c’est le soldat de première classe Djimadine Napon, celui-là même qui l’aurait accompagné pour récupérer une commission qui a été auditionné. Agé de 27 ans, il a nié aussi les quatre chefs d’accusation qui lui sont reprochés. Lui aussi, ex-RSP affecté au 25e RPC et en permission à Ouagadougou, a confirmé les propos du sergent Couldiaty et relaté le même déroulement des évènements jusqu’au pont de Yimdi. Là, il aurait marqué son désaccord avec le projet. « J’ai dit que ma femme était enceinte et que je ne peux pas. Quand je quittais les lieux vers minuit, j’ai appelé le sergent Couldiaty et il m’a dit qu’il a replié et de me chercher également. J’ai marché pour rentrer », a-t-il ensuite relaté devant le tribunal. Mais selon le commissaire du gouvernement qui a cité ses propos devant le juge d’instruction et devant les gendarmes, Djimadine Napon faisait partie du groupe des assaillants et a avoué avoir pris les armes dans la poudrière pour les mettre dans le véhicule du sergent-chef Ali Sanou à bord duquel ils sont repartis ensemble. Mais l’accusé a nié en bloc et assuré n’avoir pas lu les P-V devant le juge d’instruction, avant de signer. « Lorsque j’ai dit que je ne reconnais pas mes propos à la gendarmerie, le juge a dit que si c’est comme ça, il ne peut pas travailler avec moi. C’est par la suite qu’il a envoyé quelqu’un me faire signer les P-V ». Pour son avocat, Me Yonli, son client n’a pas participé à un complot. Sur les faits de détention illégale d’armes à feu, il a estimé « qu’aucun fait matériel n’est venu prouver la culpabilité de son client » étant donné que les perquisitions n’ont pas permis de découvrir des armes à son domicile. Mais selon le parquet, les faits sont établis à partir du moment où « il a reconnu avoir transporté les armes jusqu’à la voiture du sergent-chef Ali Sanou ».
C’est sur ces entrefaites que l’audience a été suspendue peu avant 17h. Elle reprend ce matin à 8h30.
San Evariste Barro
Ebou Mireille Balaya
Aboubacar Dermé
Hugues Richard Sama
Assiata Savadogo
Encadré
Au moins 5 téléphones saisis à la mezzanine
Avant le début de chaque audience, le président du tribunal, Seydou Ouédraogo n’a cessé de répéter cette consigne : «Veuillez éteindre vos téléphones portables ou les mettre sous silencieux ». Il prend le soin de le dire afin que les débats ne soient pas interrompus par les sonneries intempestives. Malgré ses mises en garde, il se trouve des gens qui ne s’exécutent pas et deviennent fautifs lorsque leur téléphone se met à tonner.
Ainsi, le greffier a saisi entre 8h40 et 12h16, pas moins de 5 téléphones dans le public qui avait pris place à la mezzanine.
Ces incartades sont-elle dues à l’ignorance, à l’oubli, à l’incompréhension ou encore à l’entêtement de certaines personnes ? On ne le sait pas.
On ignore s’il y a une contravention à payer avant d’entrer en possession des téléphones ou s’il y a d’autres sanctions prévues à cet effet, mais il convient tout de même que chacun s’assure que son téléphone ne sonnera pas avant d’entrer dans la salle d’audience et de le revérifier à l’entrée des juges. Un réflexe qui ne coûte rien et pourrait permettre peut-être de ne pas débourser un sou.
Aboubacar Dermé