Le projet de loi de la Constitution du Burkina Faso fait l’objet de débats dans les différentes régions. Quelle Constitution pour le pays ? A travers cette interview, la députée du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), Marie Laurence Ilboudo/Marchal, se prononce sur ce sujet. Elle aborde également bien d’autres points d’actualité nationale.
Sidwaya (S.) : Actuellement à l’hémicycle, quels sont les sujets d’actualité qui méritent une attention particulière de la part des députés ?
Marie Laurence Ilboudo (M.L.I.) : Le dossier le plus attendu aujourd’hui à l’Assemblée nationale est le projet de loi de la Constitution. Il n’est pas encore soumis à notre appréciation, mais nous pouvons donner notre avis, parce que, vous le savez bien, il y a eu des missions à l’intérieur du pays, dans toutes les régions pour parler de cet avant-projet de Constitution. En tant que parlementaire j’ai assisté à la présentation de cet avant-projet.
S. : A l’état actuel, pensez-vous que l’on peut adopter ce projet de loi de Constitution ?
M.L.I. : Je ne suis pas prête à battre campagne pour qu’on vote cette Constitution à l’état actuel parce que je pense qu’elle a besoin, sur certains points, d’être corrigée. Ce projet de loi donne par exemple beaucoup de pouvoir aux judiciaires. Nous avons l’impression qu’on déshabille un bébé pour en habiller un autre. Dans la nouvelle Constitution, le judiciaire surveille tout le monde, mais qui surveille le judicaire ? En restant dans l’esprit de la loi, je pense que cette Constitution doit être révisée parce qu’aujourd’hui nous voulons des institutions fortes. Nous ne voulons pas qu’une seule personne puisse régir tout. Il ne faut ni avoir un seul homme fort, ni une seule institution forte. Donc il faut répartir les responsabilités, les pouvoirs afin que nous puissions tous savoir que notre pays est bien géré. On nous a dit que cette Constitution a eu un consensus certes, mais personnellement, en tant que femme politique, j’ai du mal à accepter certains de ses points. Je félicite quand même ceux qui l’ont élaborée parce que c’est un bon travail. Mais, il faut que nous ayons une Constitution durable, pour que le Burkina Faso aille de l’avant.
S. : Le congrès ordinaire de votre parti politique, le MPP, qui était annoncé et attendu, a finalement eu lieu les 10, 11 et 12 mars 2017. Qu’est-ce qu’on peut en retenir?
M.L.I. : Beaucoup de gens ne vendaient pas chère notre peau en partant au congrès. On disait que le MPP va se déchirer, qu’il va se casser les dents. Nous, nous sommes venus au MPP par conviction et par idéalisme. Nous pensons que par le MPP nous pouvons apporter notre pierre à la construction de ce pays et au changement tant attendu du peuple burkinabè. Au sortir du congrès je suis heureuse de dire que nous sommes plus renforcés, plus aguerris et plus prêts à relever le défi politique de ce pays. Donc le sentiment que j’ai, est celui d’avoir pris de l’énergie pour accompagner mon parti à relever les grands défis qui l’attendent.
S. : Vous avez été élue secrétaire adjointe chargée des élus nationaux, quelle est exactement votre mission ?
M.L.I. : Avant de donner la mission qui m’est assignée, je voudrais d’abord préciser que j’étais dans le bureau national des femmes, chargée à l’organisation des femmes. Je suis la seule députée du MPP élue du Kadiogo et j’en suis fière. Cela fait un an que je siège à l’Assemblée nationale, et je pense qu’ils ont pensé juste et bon que j’apporte encore ma pierre à l’édification de mon parti. Ma mission consiste à m’occuper de l’image du MPP, de la cohésion des députés tous partis confondus, donc à la cohésion de tous les partis politiques présents à l’Assemblée nationale. Nous veillons à ce que notre mission, celle de voter les lois, soit respectée, et que ces lois conviennent au peuple.
Nous avons aussi pour mission de consentir l’impôt et de contrôler l’action gouvernementale.
S. : En tant que femme élue, quels sont pour vous aujourd’hui vos combats ?
M.L.I. : Déjà, c’est la défense de la cause de la femme qui m’a amenée en politique. Parce que je suis convaincue et je m’efforce à le dire à tous ceux qui veulent l’entendre que nous ne pouvons parvenir à un développement durable sans élever le coefficient des femmes, car elles représentent plus de 52% de la population. Il est impossible aujourd’hui de parler de développement sans tenir compte de cette majorité de la population. Un autre fait est qu’aujourd’hui, les femmes représentent la couche la plus pauvre et la plus vulnérable. La lutte que je mène n’est pas seulement une lutte de genre, mais aussi une quête de l’épanouissement du peuple burkinabè. C’est rationnel et cartésien aujourd’hui de se battre pour la gent féminine, si l’on aspire à l’épanouissement du peuple. Etant une femme, je sais ce qu’endurent ces dernières. Donc il est important pour moi d’être une femme politique pour pouvoir aider ces femmes à atteindre leurs objectifs.
S. : La journée de la femme cette année a porté sur l’exclusion sociale, quelle est la part du législateur dans cette lutte ?
M.L.I. : Là, je suis vraiment dans mon élément parce qu’à l’Assemblée nationale nous avons fait le point des lois existantes en faveur des femmes. Et aujourd’hui nous voyons qu’il y a beaucoup de lois en faveur des femmes au Burkina Faso. Le gros problème est l’appropriation et la connaissance de ces lois par les femmes. A l’occasion du 8-Mars, nous avons initié une tournée que nous poursuivons actuellement dans les communes et les arrondissements, afin de donner plus de renseignements et plus de voix à ces femmes. Cela, pour qu’elles puissent connaître les lois existantes à leur faveur, et qu’elles puissent savoir quels mécanismes utiliser pour se rendre justice. Nous sommes très heureuses de constater que les femmes sont réceptives à ce niveau. La loi 065 du CNT, la loi 049 sur la santé de la reproduction, le code des personnes et de la famille, et même notre Constitution donnent une part assez importante à la femme. Nous démontrons que la femme n’est pas en marge au niveau législatif.
S. : Vous êtes aussi la coordinatrice du Réseau des parlementaires, Femmes et Développement, quels objectifs poursuit ce réseau ?
M.L.I. : Nous avons besoin aujourd’hui de mettre un œil sous une loupe pour les femmes et il est important qu’en tant que législatifs, nous puissions mettre en place des mécanismes pour aider les femmes. C’est dans ce sens que nous avons formé un réseau à l’Assemblée nationale qui a pour objectif premier la santé de la reproduction. Aujourd’hui, les femmes ont par exemple du mal à avoir accès aux méthodes contraceptives pour pouvoir connaître leur corps et éviter les grossesses non désirées. Le deuxième aspect est l’ignorance, qui est le vrai fléau actuel de nos pays. Il faut par conséquent que nous puissions permettre aux femmes d’avoir accès à l’éducation.
Le troisième aspect est celui économique. Il faut par exemple que la Constitution donne mandat à l’Etat d’aider les femmes à avoir accès à l’argent, à la terre, pour pouvoir participer à l’économie du pays. Le quatrième et dernier aspect est celui de la participation des femmes aux processus de paix et de sécurité. Il est aujourd’hui impossible d’aspirer à une sécurité sans la participation de la femme. Il nous faut, dans ce cadre, avoir un quota au niveau de l’armée, et l’armée est déjà bien ouverte à cela.
S. : Le Burkina Faso est secoué par le terrorisme avec des attaques répétées dans le Nord du pays. En tant que députée, quelle analyse faites-vous de cette situation ?
M.L.I. : Avant tout propos, je voudrais m’incliner sur toutes les personnes tuées par ces attentats. Je prie le Seigneur qu’il console toutes les familles endeuillées.
Je souhaite aussi un prompt rétablissement aux blessés. Le Burkina Faso pour moi, a une capacité de résilience sans faille.
Cette question est une opportunité pour moi de féliciter nos forces de défense et de sécurité, qui sont restées sereines, imperturbables, et attachées à leur mission première qui est de défendre les biens, les hommes et la Nation.
L’armée fait son travail, il reste maintenant à la population de jouer sa partition en dénonçant tous les cas suspects. Si nous voulons gagner cette guerre, il faut impérativement que la population collabore avec les forces de sécurité.
Interview réalisée par
Kowoma Marc DOH