Les mères allaitantes, qui travaillent dans le public comme dans le privé, éprouvent d’énormes difficultés à allier vie professionnelle et allaitement maternel surtout l’allaitement maternel exclusif. Entre les mains de la nourrisse ou dans la crèche, le bébé prend très vite contact avec le biberon.
Dans l’après-midi du vendredi 18 mars 2017, Fatimata Traoré est concentrée sur son ordinateur de bureau, en prélude au Conseil d’administration de son établissement, des tas de dossiers remplissent sa table de travail. Mais rien de bien extraordinaire pour cette secrétaire de direction à l’Ecole nationale de l’élevage et de la santé animale (ENESA). Sauf qu’entre quelques clics d’ordi et un coup d’œil à ses dossiers, Mme Traoré, mère de trois enfants, songe à allaiter son benjamin de 5 mois ; si bien qu’assurer sa fonction de secrétaire de direction et assumer son rôle de mère allaitante, c’est la croix et la bannière. Pour s’occuper « spécialement » du bébé, Fatimata Traoré a engagé une nourrisse. Une situation qui l’oblige à pratiquer l’allaitement mixte. Dame Fatimata avoue que cela lui coûte cher. « Si tu as un enfant qui finit une boîte de de lait dans la semaine, il te faut 4 à 5 boîtes par mois. C’est une fortune », confie-t-elle. Entre deux dossiers de l’ENESA, la secrétaire de direction passe un appel au domicile pour prendre des nouvelles du petit.
Là aussi, le travail se trouve très souvent perturbé, surtout lorsqu’elle entend des cris ou pleurs de l’enfant. « Tu n’es plus opérationnelle au service, on est là de corps, mais pas d’esprit. Tu te demandes pourquoi il pleure ? Qu’est-ce qu’on lui a fait ? Est-ce qu’il s’est tu ?», témoigne Mme Traoré. C’est à 13 heures, lorsqu’elle va déposer ses deux premiers enfants à la maison que Fatimata Traoré profite pour allaiter son bébé. Mais, cet instant est vite interrompu s’il y a des « urgences » au service. Pour l’assister dans sa tâche de secrétaire de direction, l’ENESA a dû recruter une stagiaire. Et Mme Traoré de lâcher : « Pour tout vous dire, c’est très compliqué ». Comme Fatimata Traoré, Colette Drabo, journaliste, vit les mêmes réalités. Il est encore plus difficile pour elle puisqu’elle est permanence sur le terrain de reportage. Elle soutient avoir beaucoup de connaissances sur l’allaitement maternel exclusif parce qu’elle a participé à des campagnes de sensibilisation sur le sujet durant ses années universitaires et même étant journaliste. Aujourd’hui, Mme Drabo avoue qu’il lui est très difficile d’appliquer correctement l’allaitement exclusif. Pendant ses trois mois de congés de maternité, Mme Drabo confie avoir allaité exclusivement son bébé au sein. Cependant, une semaine avant la reprise, elle a commencé à lui donner le biberon, question de l’habituer. Car, explique-t-elle : « je dois aller au boulot, je n’ai pas d’heures fixes pour rentrer. Sinon je suis consciente de l’importance de l’allaitement maternel exclusif, mais pour des contraintes professionnelles, je suis obligée de donner le lait artificiel à l’enfant. Vraiment, je le fais malgré moi ».
Colette Drabo bénéficie de 1h30 pour allaiter son bébé. Au lieu de 7h30, elle vient au service à 9h. La journaliste-reporter indique qu’un reportage peut lui prendre entre 3 à 4 h de temps. La distance entre le domicile et la rédaction constitue un autre obstacle à l’allaitement de sa fillette. « La bonne qui garde l’enfant est obligée de lui donner le biberon. Mais tant que je suis à la maison, je l’allaite exclusivement au sein pour le bien de mon enfant. Je crois et j’applique les propos des pédiatres », confesse Mme Drabo.
Plaidoyer pour des espaces d’allaitement au boulot
Alice Beremwoudgou est agent commercial à la compagnie de téléphonie mobile, Telecel. Depuis la fin de ses congés de maternité qui ont duré à peu près quatre mois, elle a opté pour la crèche. Elle profite du temps d’allaitement, 1h30, dont elle dispose, pour confier le garçonnet de 5 mois aux dames du centre d’éveil et d’éducation préscolaire, avant 9h, pour passer le prendre à la descente aux environs de 14h30. « Je fais l’allaitement mixte ; puisque dans la crèche, c’est le lait artificiel qu’on lui donne.
Mais, dès que je rentre, je l’allaite au sein », explique l’agent commercial. Elle fait savoir que ce n’est pas du tout simple.
C’est pourquoi, elles ne manquent pas de propositions allant dans le sens d’un allaitement maternel exclusif. La secrétaire de direction de l’ENESA, Fatimata Traoré souhaite que l’on tienne compte du statut de femme allaitante dans les services. « L’on pourrait aménager des espaces aux services où l’on pourrait laisser le bébé avec la nourrisse et afin que toutes les 2h, on puisse consacrer 20 à 30 mn à allaiter le nourrisson», suggère-t-elle.
A la lumière de ces témoignages, il ressort clairement que les activités professionnelles empiètent sur l’allaitement des nouveau-nés ; d’où la nécessité d’aménager des ‘’espaces-allaitement’’ dans les services et lieux de travail pour soulager les mères allaitantes. En plus d’être gratuit et plus hygiénique, allaiter l’enfant exclusivement au sein durant les six premiers mois de vie permet une bonne santé physique et mentale de l’enfant.
Un bébé allaité exclusivement au sein pendant 6 mois ne souffre d’aucune maladie diarrhéique et son quotient intellectuel est plus développé. Les substituts du lait tels les biberons et autres ne sauront remplacés le lait maternel qui contient tous les éléments nutritifs du bébé. Il contient plus de 80% d’eau et l’essentiel des vitamines nécessaires à la croissance du bébé durant cette période. C’est donc dire que le nourrisson n’a ni besoin d’eau ni de bouillie, de purges ou de gavages durant les six premiers mois.
Il est important que les mères en tiennent compte parce qu’il y va de la santé de leur enfant.
Gaspard BAYALA