Cher Wambi,
J’ai appris par ton neveu Noom-Wemdé que c’est de retour du chemin de croix que la nouvelle de l’assassinat du directeur d’école de Kourfayel, vendredi dernier, t’est tombée sur la tête. «Tombée», c’est bien le mot puisque, à ce qui m’a été rapporté, arrivé à la maison, tu as fait sortir ta natte et t’y es couché sans même toucher au repas de la tante Gompoko. Tant ce crime indicible t’a laissé sans voix et sans appétit.
Mais sais-tu qu’au moment où la macabre annonce te parvenait, Salif Badini était déjà inhumé dans la soirée du même vendredi devant quelques collègues et une poignée d’autorités locales de la province du Soum ?
Si je te pose cette question, c’est pour joindre ma voix à ceux qui se sont indignés de constater que le karansaamba n’a pas eu droit aux honneurs dus aux circonstances de sa mort.
En effet, comme le journal de ton oncle Nakibeuogo l’avait rapporté, c’est devant ses élèves que l’enseignant est tombé sous les balles assasines des individus non identifiés. Il ne s’en relèvera pas, de même qu’un parent d’élève qui se trouvait sur les lieux.
N’est-il pas lui aussi «tombé les armes à la main», comme on l’a dit concernant les hommes de tenue morts au cours de précédentes attaques djihadistes ou comme on le sérine à chaque fois qu’on évoque la mémoire des Burkinabè tués lors de l’insurrection populaire ?
Le brave enseignant de brousse serait-il moins héros ou moins martyr que tous ces disparus enterrés au son du clairon, en présence de hautes autorités rivalisant d’air de componction sous les feux des caméras ?
Est-il moins méritant de la reconnaissance de la Patrie, lui qui n’a eu droit à aucune médaille à titre posthume ?
Certes, cher cousin, loin de moi l’idée de vouloir intenter un procès en «deux… morts deux mesures» contre nos autorités, mais il faut reconnaître que cette omission à l’égard de Salif Badini vient renforcer le sentiment qui est le mieux partager dans le corps des enseignants : celui d’être les oubliés de la République.
Cher Wambi, l’heure est grave. Tu le sais bien. Depuis que les terroristes ont posé leurs sales pattes au Burkina, la situation va de mal en pis. La psychose s’installe au fur et à mesure que les attaques se multiplient avec notamment les fonctionnaires, surtout les enseignants, qui commencent à déserter avec bagages et famille certaines provinces telles le Soum. L’exode aurait du reste pris plus d’ampleur après l’assassinat ciblé, le 3 mars 2017 de l’instituteur Salif Badini à Kourfayel, preuve s’il en est qu’«Ansarul islam», la secte de l’illuminé Ibrahim Malam Dicko, se sanctuarise, rafale après rafale, dans cette partie de notre territoire qui pourrait échapper à tout contrôle. Sans ajouter à la psychose comme on m’en fait le procès ces derniers temps, il faut néanmoins craindre qu’à ce rythme, la terreur ne se déplace une fois de plus dans la capitale pour frapper des cibles on ne peut plus symboliques.
De plus en plus aussi, nombre de nos compatriotes s’interrogent sur l’efficacité de nos forces de défense et de sécurité. Certes, cher cousin, des actions pas toujours visibles sont entreprises puisque tout ce qui touche à l’armée ne se crie pas sur tous les toits, mais on reste songeur. Et l’on se demande, cette sale guerre qu’on nous impose ne pouvant se gagner tant qu’on n’aura pas gagné la guerre du renseignement, où en est l’opérationnalisation de l’Agence nationale du renseignement (ANR) et du Conseil national de défense et sécurité (CNDS), ces Grandes Oreilles burkinabè qui étaient censées nous prémunir de la mauvaise passe dans laquelle on se trouve.
Sur ce sujet, cher Wambi, j’ai ouï-dire que des tractations souterraines se mèneraient entre le pouvoir actuel et certains caciques de l’ancien régime qui, comme tu le sais, avait ses entrées et ses sorties dans le Sahelistan, ce qui avait sans doute des inconvénients mais avait au moins l’avantage de nous prémunir. Sera-t-on donc obligé de pactiser à nouveau avec le diable comme on accusait Blaise Compaoré ? En tout cas, lesdits caciques poseraient certaines conditions à leur collaboration, des conditions qui, dit-on, ne seraient pas faciles à remplir.
En attendant, la situation qui nous interpelle tous est si préoccupante que, m’apprend-on, un «conseil de guerre» devrait se tenir d’ici là chez le Moogh Naaba où devrait converger les grands chefs coutumiers que compte le Faso, question de voir certainement quel pourrait être leur l’apport dans cette «guerre populaire généralisée» contre le terrorisme pour emprunter cette expression l’agit-prop révolutionnaire.
Cher cousin, une question à dix baguettes de pain : Combien coûte une demi-miche ou un quart de pain à Ouaga ? Bien malin qui saura y répondre, tant depuis que les boulangers ont décidé de ne produire que les 200 g de cette denrée vendues à 150 F CFA l’unité, c’est aujourd’hui l’anarchie dans la fixation des prix au niveau des détaillants. Chez les revendeurs qui ont encore un sens de la justice et de l’équité, le tiers du pain s’achète en toute logique à 50 F CFA.
Mais chez bien d’autres, on rivalise d’imagination pour flouer le consommateur.
Tiens-toi bien, cher cousin, qu’un revendeur à Nioko 2 revend la demi-miche à 100 F CFA sous prétexte que le coût de la baguette a augmenté. Le quart de sandwich habituellement vendu à 100 F CFA est passé à 125 F CFA dans certains Kiosques et même à 150 F CFA dans d’autres.
Et ce n’est pas tout.
En effet, selon les agents du ministère du Commerce qui ont effectué des contrôles inopinés dans plusieurs boulangeries de la capitale, il y a arnaque du consommateur. Le pain présenté comme celui de 200g serait en réalité en deçà du poids indiqué.
J’espère qu’à l’issue de ce constat fait par les hommes de Stéphane Sanou, les autorités prendront les mesures nécessaires contre cette tonte recto-verso des consommateurs dont le pouvoir d’achat continue de fondre comme de la neige au soleil.
Alors ne sois pas étonné qu’à ma prochaine à Laye, je vienne sans pain ni mie pour les enfants.
Cher Wambi, à présent, je t’invite à feuilleter avec moi le carnet secret de Tipoko l’Intrigante.
- De sources proches du dossier «Djibrill Bassolé», du nom de l’ancien ministre des Affaires étrangères détenu à la MACA pour son implication présumée dans le putsch de septembre 2015, annoncent que ce dernier sera bientôt évacué à l’étranger pour des soins. L’ex-chef de la diplomatie burkinabè actuellement hospitalisé à la clinique du cœur aurait reçu l’autorisation de se rendre à l’étranger afin de bénéficier d’une prise en charge adéquate pour ses problèmes cardiaques.
- Coucou, revoilà Chérif. Depuis son départ de la tête du Conseil national de la Transition, Moumouna Chérif Sy est devenu rare comme un parapluie un jour sans pluie, pour parler comme le rappeur Smockey. Longtemps annoncé comme prochain ambassadeur du Burkina Faso à Paris, notre confrère, fondateur du journal Bendré, ne déposera finalement pas ses pénates sur les bords de la Seine, mais plutôt à Kosyam. En effet, au Conseil des ministres d’hier jeudi 9 mars, Roch Marc Christian Kaboré s’est flanqué d’un «haut représentant» en la personne de Chérif Sy. Désormais, l’homme de la résistance de septembre 2015 représentera le chef de l’Etat à toutes les missions qu’il jugera nécessaires.
Bon vent au nouvel ambassadeur itinérant !
- Depuis la mort de l’instituteur Salif Badini suite à l’attaque perpétrée le 03 mars 2017 à l’école primaire de Kourfayel par des individus armés non identifiés, toutes sortes de rumeurs contribuent à entretenir la psychose dans les établissements scolaires de la zone Nord du pays.
En effet, dans la matinée du jeudi 09 mars, le passage d’un parent d’élève juché sur une moto grosse cylindrée dans une école primaire située à quelques encablures de Barsalogho a créé une grosse panique. Ce fut donc la débandade aussi bien du côté des enseignants que de celui des élèves. Au point que les forces de sécurité se sont déployées urgemment dans la zone en question.
Mais très vite, les parents d’élèves se sont mobilisés pour démentir la rumeur.
- Une campagne dite de chirurgie intime se mène pendant quelques jours à la maternité de l’hôpital Yalgado : réparation des séquelles de l’excision, de fistules, etc.
Sur l’utilité d’une telle initiative, tous sont unanimes, mais qu’elle se déroule au moment où la maternité de Yalgado, selon une source hospitalière, n’a que deux blocs opératoires, c’est là que le bât blesse. Les chirurgiens intimistes ayant confisqué l’un, il ne reste plus qu’un seul pour les nombreux cas de césariennes pour des femmes venues soit de Ouagadougou, soit évacuées des localités environnantes de la capitale.
Ainsi, il se trouve qu’il ait des urgences sans que les soignants ne puissent faire quelque chose.
Selon toujours la même source, les spécialistes du clitoris auraient mieux fait d’aller à l’hôpital Blaise-Compaoré, où, dit-on, il y a des blocs opératoires flambant neufs qui chôment.
A cause de la gratuité des soins, la maternité de Yalgado recevrait le double de patientes que d’habitude.
- L’on ne cessera jamais de décrier les conditions difficiles que rencontrent nos forces de défense et de sécurité dans l’exercice leurs missions, parfois au péril de leur vie.
Dans la soirée du lundi 27 février 2017, un policier du commissariat du district de police de Tougouri, province du Namentenga, est décédé au centre médical de la localité, suite à un accident de la circulation survenu sur la route nationale n°3, précisément à Ouanobia, un village de Pissila.
Selon les informations, Abdoulaye Ouédraogo, puisque c’est de lui qu’il s’agit, la trentaine, en compagnie d’un de ses collègues, revenait d’une mission au cours de laquelle au moyen d’une moto, il a transféré à Kaya (situé à 75 Km) deux présumés coupables de coups et blessures volontaires. L’accident est survenu à la suite de la crevaison du pneu arrière de sa moto. Evacué d’urgence au CMA de Tougouri, il a malheureusement succombé à ses blessures.
- Le conte, une autre voie d’éducation dans certains milieux ; c’est ce qu’a perçu la compagnie théâtrale «Le Roseau» qui, depuis plus d’une décennie, sensibilise chaque année les populations à travers le festival Nuits du conte. Cette année, la douzième édition se tient du 09 au 12 mars à Sissamba, dans la commune de Lâ-Toden, province du Passoré. Spectacles, causeries avec des personnes âgées, activités marchandes, ateliers de formation avec enseignants et apprenants à l’art de conter ainsi que des concours y relatifs seront au rendez-vous.
Tipoko l’Intrigante n’apprend rien d’elle-même, elle n’invente jamais rien. Tipoko l’Intrigante est un non-être. Elle n’est ni bonne en elle-même, ni mauvaise en elle-même. Elle fonctionne par intuition, car "l’intuition c’est la faculté qu’a une femme d’être sûre d’une chose sans en avoir la certitude..."
Ainsi va la vie.
Au revoir.
Ton cousin
Passek Taalé