A l’orée du deuxième congrès du Mouvement pour le peuple et le progrès (MPP) qui se tiendra les 10, 11 et 12 mars 2017, nous avons rencontré le président par intérim dudit parti, par ailleurs président de l’Assemblée nationale. Dans l’interview qu’il nous a accordée le 1er du mois courant, Salifou Diallo, puisque c’est de lui qu’il s’agit, n’a pas fait dans la langue de bois, fidèle à sa réputation de bon client. Les enjeux du congrès un an après l’accession de Roch M.C. Kaboré au pouvoir, la discipline au sein du Mouvement, le remaniement ministériel, la relation au quotidien entre les RSS, la situation sécuritaire du pays, le dossier Dabo Boukari, la réconciliation nationale… Interview du Gorba national.
Le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) tient son deuxième congrès ordinaire à partir du 10 mars 2017. Au-delà du thème central, qui est «L’application du programme présidentiel, quel engagement le parti doit à nouveau prendre pour être au rendez-vous de l’histoire», quel en sera l’enjeu majeur ?
Le MPP a été créé en 2014 dans des conditions que vous savez et trois ans après son congrès constitutif, ce deuxième congrès fera le point, car entre-temps le MPP est arrivé au pouvoir et nous avons des responsabilités vis-à-vis de notre peuple. Nous avons donc voulu coller ce congrès à ces grandes responsabilités que le peuple nous a confiées.
Qu’est-ce qui va donc changer fondamentalement au regard du contexte ?
C’est un congrès de la maturité et de la consolidation. Nous avons d’abord à consolider nos structures, nos bases, mais nous avons à répondre aux préoccupations des Burkinabè, d’où le thème « L’application du programme présidentiel, quel engagement le parti doit à nouveau prendre pour être au rendez-vous de l’histoire». Nous avons voulu que ce rendez-vous ait pour thème la mise en œuvre du programme présidentiel et les réponses à apporter aux sollicitations nombreuses des Burkinabè.
L’un des faits marquants devrait être le renouvellement des instances. Doit-on s’attendre à une «grande lessive» ou à un réaménagement a minima comme ce fut le cas pour le gouvernement récemment ?
Il n’y a ni lessive ni réaménagement a minima à faire. Notre parti est bien organisé, il a des principes, des statuts et un règlement intérieur qui président à toute notre démarche. Il a une idéologie bien connue de tous qui est la social-démocratie, nous avons une organisation politique qui va du village jusqu’au niveau national. Aujourd’hui les comités MPP à travers le pays sont au nombre de 9025, répartis dans les villages, dans les centres urbains, dans les entreprises des secteurs informel et formel. Nous sommes un parti démocrate large qui a la confiance de la majorité des Burkinabè.
De ce point de vue, qu’est-ce qu’il y aura comme changement fondamental ?
Nous avons aujourd’hui la responsabilité de la gestion du pays et nous devons garder des liens solides avec notre base et avec le reste du peuple. Ce faisant, nous allons, au cours de ce congrès, discuter des meilleures modalités à mettre en œuvre pour atteindre nos objectifs. Le congrès est souverain et on ne décide pas à notre niveau de ce qui va se passer. On discute… Cela dit, nous avons eu beaucoup de cas d’indiscipline au cours des élections passées, notamment les municipales. Nous avons eu des couacs en notre sein et nous allons remettre les choses en ordre pour que les prochaines victoires soient plus éclatantes.
Le Président et candidat du MPP à la dernière présidentielle est aujourd’hui président du Faso, si bien que vous assurez l’intérim à la tête du parti. A titre personnel, ce congrès sera aussi l’occasion pour vous de prendre «tout le pouvoir»…
Non, il n’y a pas de pouvoir à prendre. Ni le président Roch Kaboré encore moins moi n’avons la prétention de «prendre tout le pouvoir». Le pouvoir, pour nous, appartient d’abord au peuple, ensuite à nos militants. Il n’y a pas de triomphalisme individuel à notre niveau.
L’intérim va quand même prendre fin…
L’appellation importe peu. Le président du Faso, même si constitutionnellement il ne peut pas être dans le parti, est le leader de ce mouvement, nous l’avons tous consacré comme tel.
Vous évoquiez tout à l’heure vos 9025 comités de base mais la plupart du temps dans les partis, on a des militants qui n’ont pas de cartes et qui ne cotisent donc pas. De combien de militants à jour le MPP peut-il se prévaloir aujourd’hui ?
Nous ne confondons pas nos électeurs et nos militants. Nous avons un réseau de militants enregistrés et nous suivons leurs activités. C’est pourquoi il nous est possible, à des moments voulus, de sonner la mobilisation en un temps record. Le MPP ne s’identifie pas à une secte d’intellectuels qui passe le temps à écrire dans les journaux…
Le MPP aussi écrit dans les journaux…
Mais nous, nous ne sommes pas un groupuscule. Nous vivons la démocratie en notre sein et un large éventail de camarades concourent à la vie du MPP. C’est ce qui fait la force de notre parti. Nous sommes un parti populaire, bien organisé à la base. Maintenant quant aux cotisations, c’est vrai, nous déplorons à notre niveau qu’il y ait des camarades qui peinent à les honorer.
Ce qui nous fait plaisir, c’est que nous avons des militants des plus pauvres dans les villages, dans les départements, qui s’acquittent de leurs cotisations. A l’opposé, il y a certains cadres qui ne satisfont pas à cette obligation. Nous tenons donc compte de tous ces aspects.
Au-delà des cotisations, nos militants répondent à nos mots d’ordre. Jusqu’à présent, nous n’avons pas connu des situations de défection de masse dues à telle ou telle divergence politique. Il y a donc une unité d’action entre la base et le sommet du parti.
Rarement on aura vu des violences générées à la faveur de consultations électorales comme lors des dernières municipales. Malheureusement, on est en droit de constater que c’est surtout dans les rangs du MPP que ces comportements condamnables ont été observés. Vous parliez des sanctions qui ont été déjà prises, est-ce qu’au cours de ce congrès le problème sera véritablement posé pour qu’on ne voie plus ces scènes désolantes ?
Bien sûr, cette question va être discutée au cours du congrès. Mais, le MPP n’a pas le monopole de la violence. La plupart des partis qui ont une certaine envergure connaissent des rivalités en leur sein ou avec différents autres partis. Il faut aussi admettre que la formation politique n’est pas à un niveau tel que les militants puissent appréhender les obligations qui sont les leurs. Il y a beaucoup qui sont venus dans notre parti au départ et qui n’avaient jamais milité dans une association, même caritative. Ils ne savent donc pas quelle est la place et le rôle d’un parti politique dans un contexte comme le nôtre. Mais l’un dans l’autre, nous avons voulu ces sanctions dans un but purement éducatif pour que les militants se disciplinent et comprennent qu’appartenir à un parti, surtout le MPP, c’est respecter un minimum de règles. C’est pourquoi les statuts et le règlement intérieur ont été appliqués. Nous ne sommes pas du reste au bout de ces sanctions. Actuellement, nous avons sanctionné 129 militants mais il y a encore des dossiers qui vont être examinés.
Les personnes concernées ont outrepassé les règles et ont semé des situations de violence. Il n’a jamais été dit dans notre parti qu’il fallait violenter d’autres camarades pour pouvoir être conseiller ou maire. Ce n’était pas des débats d’idées, c’était des débats musculaires. Et nous ne pouvons pas accepter ce genre de comportements. Nous allons être rigoureux pour que notre parti demeure véritablement un parti de démocratie.
Qu’est-ce que vous répondez à ceux qui prétendent que du CDP au MPP les méthodes n’ont pas fondamentalement changé et que les clans qu’il y avait avant demeurent ?
C’est du domaine de la rumeur et des fantasmes. Au MPP, la vie politique est vraiment démocratique. Personne au MPP n’étouffe l’autre pour ses idées. Même avec le président Roch Kaboré, les militants débattent. Aujourd’hui au MPP, le débat est libre dans les instances et avec les dirigeants du parti.
Or, au niveau du CDP de l’époque, ce n’est pas ce qui se passait. Tous ceux qui avaient des velléités de donner d’autres points de vue contraires à l’évangile selon « Saint Blaise » ou « Saint François » étaient virés immédiatement.
Revenons à un sujet beaucoup plus actuel. Le gouvernement vient de subir un remaniement, mais il y a eu finalement beaucoup de bruit pour rien. En lieu et place de ce lifting que l’on nous a servi, vous auriez voulu intervenir à la tronçonneuse, semble-t-il.
Je crois que là encore, il s’agit de spéculation. Il n’y a que le Président du Faso et son Premier ministre qui ont la plénitude des droits pour remanier le gouvernement en fonction des objectifs que le Président a fixés au Premier ministre.
Vous voulez nous faire croire qu’en tant que président, même intérimaire du MPP, deuxième personnage de l’Etat en votre qualité de président de l’Assemblée nationale, vous n’avez pas eu voix à ce chapitre ?
Le Président, par courtoisie et par camaraderie, m’a informé de ce qu’il allait remanier son gouvernement. Et mieux, il a informé l’opinion publique qu’il allait le faire. Il n’y a donc rien à cacher. Le Président du Faso n’a fait qu’user de son droit légitime et constitutionnel de changer quelque peu son gouvernement. C’est à lui et lui seul d’en décider.
En dernier ressort, oui…
Non, c’est à lui et lui seul que revient le pouvoir de changer son gouvernement en profondeur ou légèrement.
Donc ni vous ni Simon Compaoré n’avez eu voix à ce chapitre-là ?
Le Président a une équipe gouvernementale de travail, il a une équipe de camarades au plan politique. Dans ce cadre, il nous informe mais je dis bien, et retenez ça une fois pour toutes, il n’y a qu’un seul capitaine dans le navire, c’est le Président Roch Kaboré. Et il jouit de son droit de remanier légèrement ou profondément son gouvernement.
Gouvernement avec lequel vous avez été parfois acerbe…
Je n’ai jamais été acerbe, j’ai donné des conseils, en tant que président de l’Assemblée nationale, aux ministres et même au Premier ministre quand ils viennent à l’Hémicycle. Là aussi je joue mon rôle constitutionnel qui est de contrôler l’action gouvernementale. Il ne faut pas que les gens voient des contradictions partout. Le Président Roch Kaboré et moi partageons la même plate-forme idéologique, politique et organisationnelle, et ce depuis, bien avant notre arrivée au pouvoir.
Vous n’avez donc placé personne au gouvernement ?
Le Président Roch Kaboré décide, tant qu’il est Président de la République, de qui il appelle dans son gouvernement et de quelle manière.
Vous ne lui avez pas suggéré de noms ?
Le Président du Faso n’est même pas tenu de m’en informer.
Ça n’a donc pas été le cas ?
Le Président Kaboré n’est même pas tenu de m’en informer.
Vous avez dit qu’il n’y a qu’un seul capitaine dans le navire. Mais comment ça se passe au quotidien entre les trois leaders historiques du MPP que sont Roch, Salif et Simon, les RSS comme on les surnomme, notamment pour la prise de grandes décisions ?
Le Président initie des rencontres au niveau gouvernemental comme dans le cadre du parti. Nous sommes quand même le parti majoritaire, même si notre majorité est relative et nous assumons la présidence de l’APMP (la majorité présidentielle, NDLR). Il est donc normal que le Président parle avec nous. C’est normal aussi que nous lui fassions des suggestions voire parfois des critiques. La rumeur laisse entendre dans les maquis et certains milieux qu’il y a des problèmes entre le Président du Faso, le Président de l’Assemblée nationale et le ministre d’Etat Simon Compaoré. Ce sont des ragots de « maquis ».
Ça veut dire que tout baigne et que vous êtes sur la même longueur d’onde sur tout…
Nous discutons… Quand un problème surgit, on échange sur la meilleure manière de le traiter. C’est là la différence entre nous et le régime passé où c’était une seule voix qui dictait sa loi et comme elle voulait.
Vos adversaires prédisent des dissensions entre vous. Qu’en dites-vous ?
Comme toujours, nos adversaires politiques souhaitent notre implosion, c’est de bonne guerre mais qu’ils se rassurent, le MPP se porte bien et se portera à merveille à l’issue du congrès. Quant à la participation, nous attendons 5000 congressistes venus de l’intérieur du pays et de nos sections à l’étranger.
Votre congrès se tient une année après votre arrivée au pouvoir, vous le rappeliez en début d’entretien, et certains, pas forcément des opposants, parlent d’une année perdue. Au-delà de la politique politicienne, vous comprenez au moins la déception des Burkinabè de bonne foi qui estiment que leurs attentes restent toujours en suspens. Qu’est-ce que ce congrès peut apporter comme impulsion pour relancer les choses ?
Je crois qu’il faut relativiser. L’opposition est dans son rôle de critique, à travers son mémorandum, elle évoque une année de perdue, mais nous, nous savons que nous avons eu des acquis comme des insuffisances.
La critique émane aussi de citoyens indépendants…
Oui, il y a des citoyens qui peuvent adhérer à cette vision de l’opposition. Mais il faut relativiser car pour mesurer une performance, il faut la situer dans un contexte donné. Quand je prends 2016, je dis qu’il y a eu des acquis comme des insuffisances. Le Président a réussi à maintenir les piliers démocratiques et républicains de ce pays. Parce qu’en 2016, nous étions dans un contexte de grandes tentatives de déstabilisation venues de l’intérieur comme de l’extérieur. Le Président Roch Kaboré a su, par son tempérament, sa méthode, garder les piliers républicains. Ça ne saute pas toujours aux yeux mais c’est capital. On a frôlé des fois des tentatives dangereuses qui pouvaient mettre à genoux l’Etat, je ne parle même pas de la démocratie. Sur le plan économique également, nous sommes venus trouver une situation délétère dans les finances publiques. Il a fallu rebâtir et engager des pourparlers avec nos partenaires au développement pour arriver à mobiliser à travers le PNDES plus de dix-huit mille milliards de FCFA, même si c’est en termes d’annonces.
Et l’économie commence à repartir, les chantiers commencent à s’ouvrir. N’importe quel homme politique à sa place aurait subi les mêmes contraintes, car elles sont objectives. Dire donc que l’année a été perdue, c’est faire des affirmations gratuites sans se situer dans un contexte précis. Le Président a un mandat de 5 ans et il fera de son mieux pour respecter son programme. Et les Burkinabè jugeront ses efforts. C’est donc faire de la politique politicienne que d’affirmer que 2016 a été une année perdue.
Vous comprenez au moins l’impatience du citoyen lambda ?
Bien sûr, c’est une impatience légitime. Mais du côté aussi des gouvernants, nous avons des contraintes que nous expliquons aux populations qui, pour les plus honnêtes, comprennent le contexte. Depuis 2011, les crises socio-politiques que le pays a connues, l’économie burkinabè est au ralenti. Rares sont les investisseurs qui avaient pour destination le Burkina Faso et qui ne se sont pas ravisés, car depuis les mutineries de 2011, tout le monde savait que le pays allait traverser une période trouble. Il y avait donc une sorte de retenue de la part de ces partenaires. L’insurrection populaire est venue et personne ne croyait que le peuple burkinabè pouvait surmonter cette situation et revenir à des fondamentaux de droit. Aujourd’hui, c’est chose faite, la mise en place des institutions républicaines est parachevée. Vous avez un exécutif, un Parlement et les structures décentralisées à la base qui fonctionnent normalement. L’Etat républicain est donc en marche. Bien sûr, cela n’est pas une fin en soi, il faut répondre maintenant aux aspirations légitimes du peuple. Et c’est ce travail que le Président Roch Kaboré est en train de conduire.
Nous réalisons cet entretien au moment où deux commissariats de police viennent d’être frappés dans la province du Soum par des attaques terroristes (NDLR : l’interview a eu lieu le mardi 1er mars 2017), est-ce que le Burkina Faso n’est pas en train de perdre le Nord dans tous les sens du terme ?
Aujourd’hui, le problème sécuritaire est la question prioritaire pour garder notre Etat de droit dans ses frontières et dans ses fondements démocratiques. Ce qui nous arrive est un phénomène qui se mondialise, le terrorisme. Et comme vous ne l’ignorez pas, la plupart de nos agresseurs viennent du Sahel et la pression sur les djihadistes et les narcotrafiquants là-bas fait que la plupart redescendent vers le sud. Le 6 février dernier, les présidents des pays du G5 Sahel se sont réunis à Bamako et ont décidé de mutualiser davantage leurs forces pour venir à bout de ce phénomène.
Mais on attend depuis les résultats de cette coalition…
Vous savez qu’il s’agit d’une guerre asymétrique, elle n’est donc pas conventionnelle. Vous avez des gens qui se lèvent à deux ou à trois pour aller agresser un village et rappelez-vous qu’on a près de 1000 km de frontière avec le Mali ; on ne peut pas mettre un soldat tous les 100 mètres. Nos forces armées sont en train de s’organiser avec des équipes sur place pour défendre nos frontières. Cela dit, la question sécuritaire interpelle tous les Burkinabè, qu’ils soient de l’opposition, de la majorité, des citoyens de base ou des autorités. Nous avons tous le devoir de soutenir le gouvernement dans la défense de notre territoire et de nos concitoyens.
Le chef d’état-major général des armées a été changé, le Président a cédé le portefeuille de la Défense. Est-ce qu’il suffit de prendre ces mesures cosmétiques pour qu’il y ait les résultats sur le terrain.
Le Président a pris d’autres mesures en tant que Chef suprême des armées, mais ce n’est pas de la cosmétique ! Il y a le déploiement sur le terrain et de nouvelles dispositions sécuritaires qui sont prises. Je n’en ai pas les détails, mais je sais que ça se réalise à l’heure où nous parlons. Notre souci premier, c’est de rétablir la souveraineté à l’intérieur de notre frontière et de continuer la lutte contre le terrorisme avec le soutien des pays de la sous-région.
On a laissé entendre depuis quelque temps au plus haut sommet de l’Etat que les forces burkinabè déployées dans les différentes opérations de maintien de la paix, notamment au Mali et au Darfour allaient être redéployées afin de sécuriser davantage nos frontières. Où en est-on ?
C’est une question qui doit être posée au Président du Faso, chef suprême des armées, ou au ministre de la Défense.
Ces derniers temps, on a enregistré une avancée notable dans l’affaire Dabo Boukari. Entre nous, vous qui étiez l’un des plus proches collaborateurs de Blaise Compaoré, que savez-vous de ce dossier ?
Je me réjouis personnellement, je dis bien personnellement, pour les avancées réalisées par la justice dans ce dossier. Et, j’ai toujours milité depuis 91-92 pour que ce dossier connaisse un dénouement judiciaire. D’abord, pour la famille de la victime qui doit connaître la vérité. Ensuite, personnellement j’ai été accusé par certains milieux politiques d’être impliqué dans la mort de cet étudiant. Ce qui constitue une dénonciation calomnieuse. C’est pourquoi, il faut que la justice fasse la lumière sur ce dossier. Comme dit le proverbe, le mensonge a beau courir cent ans, un seul jour suffit à la vérité pour l’éclipser.
Personnellement, je suis intéressé à ce que la vérité soit rétablie. Pour ce qui est de l’événement malheureux lui-même, je me suis rendu spontanément à la justice et j’ai donné ma version des faits. La justice m’a convoqué à nouveau et je suis reparti donner d’autres informations complémentaires. C’est à la justice de trancher. Je suis un citoyen justiciable comme les autres citoyens de ce pays. Mais, je dis et je redis que je ne suis pas impliqué dans la mort de Dabo Boukari.
Bien au contraire, en son temps, j’ai essayé, de par ma position à la présidence, de sauver plusieurs des étudiants qui avaient été arrêtés. Vraiment, les accusations politiciennes, les dénonciations calomnieuses par un groupuscule politique que je connais bien, ne peuvent pas m’intimider. Attendons donc que la justice, en toute indépendance, juge cette affaire et donne des éléments d’informations au peuple burkinabè.
Vous faites allusion à qui quand vous parlez de «groupuscule politique» ?
Je ne souhaite pas ici en parler, mais vous êtes Burkinabè et on est dans un pays de savane. Ils vont finir par se démasquer un jour, eux-mêmes ou par le travail de leurs appendices.
La CODER et la société civile parlent aujourd’hui de réconciliation nationale. Eh bien, qu’est-ce qui empêche cette réconciliation ? Est-ce qu’il n’est pas enfin temps, après toutes ces vagues de tendre la main ?
La CODER m’a adressé effectivement une lettre en tant que président de l’Assemblée nationale pour une audience. Bientôt, je vais les rencontrer pour qu’on en discute. D’ores et déjà, je voudrais dire que personne n’est contre le principe de la réconciliation nationale. Encore, faut-il qu’on se situe par rapport aux questions querellées. De quoi s’agit-il ? Quel en est le contenu ? Quand on avance une revendication, elle doit quand même se décliner en des points précis et en une démarche précise.
Convenez qu’il faut d’abord s’asseoir pour en parler…
On s’est toujours assis ensemble et on se parle. Et je vais bientôt les rencontrer. Moi-même je suis curieux de savoir quels sont les points de revendication. La vraie réconciliation n’est pas avec confondre avec des arrangements politiques entre politiciens. Nous sommes prêts à discuter avec tout le monde sur ce genre de questions, pourvu que l’on nous donne les points essentiels de l’ordre du jour.
La réconciliation entre ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui et ceux qui l’ont perdu, entre autres protagonistes…
Si ce sont les arrangements politiques, d’appareils, ça ne regarde pas le peuple. Mais quand on parle de réconciliation nationale, il faut qu’on pose les points essentiels pour réconcilier le peuple dans les limites de son organisation sociopolitique. La réconciliation nationale pour nous, c’est investir pour répondre aux aspirations légitimes du peuple, respecter les institutions républicaines, appliquer une justice indépendante, que le parlement soit vraiment représentatif de la majorité des Burkinabè. Nous restons ouverts au dialogue sur toutes les questions pourvu que l’intérêt supérieur de notre pays soit respecté.
Interview réalisée
Mohamed Arnaud Ouédraogo