Un premier long-métrage porte l’espoir du Mali de remporter l’Etalon d’or de Yennega de cette 25e édition du FESPACO. Titré « Wùlu », le film est l’œuvre d’un franco-malien, Daouda Coulibaly. C’est l’aventure de Ladji, un jeune de 20ans qui, pour se faire une place dans la société, plonge dans le monde impitoyable des narcotrafiquants.
Jeune, pauvre, acharné de travail, Ladji a l’ambition de réussir. Réussir pour tirer sa sœur de la prostitution, réussir pour se faire une place au soleil, dans un Mali en pleine déliquescence. Quand le jeune homme se voit refuser une promotion pour passer de rabatteur à chauffeur d’un minibus de transport en commun, sa réaction est sans appel. Il fera mieux que ça et gagnera gros pour prouver qu’il méritait cette place pour laquelle un neveu du patron a été préféré. Voilà donc Ladji, justement incarné par le jeune acteur Ibrahim Koma, dans les méandres du trafic de cocaïne.
Pour raconter cette aventure, Daouda Coulibaly a le génie de s’appuyer sur les codes du thriller ; ce genre caractérisé par le suspens. Et le réalisateur sait en user pour tenir en haleine tout le long du film. Il gère avec parcimonie les 95 minutes consacrées à l’aventure de son héros. Ainsi il imprime au film un rythme bien maîtrisé. Tantôt lent avec l’attitude nonchalante de Ladji, tantôt accéléré avec des scènes comme celle de la fusillade dans le désert. Ce rythme se trouve porté par une construction crescendo avec un personnage pour qui le non-retour semble être impensable. Ladji s’enfonce d’avantage dans le crime organisé parce que, dans la société malienne, bambara particulièrement, « on n’est pas homme parce qu’on a un corps. On est un homme parce qu’on se comporte de telle manière qui fait qu’on mérite d’être appelé un homme», explique le réalisateur.
Daouda Coulibaly prend, également, soin de rester attaché à ce qui fonde la société malienne, voire africaine, en invoquant le « Wùlu ». En bambara, ce terme a un double sens et donne tout son sens au film. Dans un premier temps, il désigne le 5e degré d’initiation dans le « N’tomo », au Mali, le dernier des cinq niveaux qui permet de valider l’initiation, et « celui-là même qui permet à l’homme de trouver sa place dans la société ». Dans un second temps, « Wùlu » a une connotation péjorative et signifie le chien. Quand on traite quelqu’un de chien, ça veut dire un homme sans scrupule ». En franchissant les différents paliers du trafic, Ladji fait son initiation. Et pour le faire, il ne recule devant rien, allant même à abattre un de ses acolytes. Daouda Coulibaly permet, de ce fait, à son personnage d’incarner le double sens, mais oh combien lourd de « Wùlu ».
Mais en construisant son histoire sur fond de narcotrafic, Daouda Coulibaly prend le parti de mettre en lumière, une pratique qui contribue à nourrir le conflit dans le nord Mali et qui trouve comme terreau une jeunesse en proie au manque d’opportunités viables et victime d’injustice. « Je ne voulais pas mettre ce fait de côté. Il faut apprendre à traiter les sujets sans concession », dit-il.
« Wùlu » se referme de manière violente, mais inattendue, le suicide de Ladji. Une perspective, pourtant optimiste de l’avis du réalisateur. Selon Daouda Coulibaly, ce suicide signifie que « la jeunesse africaine, même si elle se détourne du droit chemin, c’est faute de mieux ; et elle a envie de se racheter et qu’elle a simplement besoin qu’on lui donne l’occasion de s’exprimer en travaillant. »
Annick Rachel KANDOLO