Nombreux sont les burkinabè qui ont dû débourser 150 F CFA pour une baguette de pain, au lieu des 130 F CFA habituels, hier 1er mars 2017 à Ouagadougou. Devant ces « nouveaux tarifs », une fois la surprise passée, c’est l’incompréhension et le mécontentement chez les clients. Du côté des patrons de boulangeries, les explications divergent : certains soutiennent qu’il n’y a pas eu augmentation du prix et d’autres estiment que la hausse vise à assurer leur survie.
Aux environs de 13 heures ce mercredi 1er mars 2017, les files habituelles de clients sont invisibles devant des boulangeries de la ville de Ouagadougou. Dans l’enceinte de la boulangerie Wend-Konta de Somgandé, à la sortie Nord de la capitale, le personnel chargé de la vente du pain échange toujours sur le « nouveau tarif » de 150 FCFA la baguette, constaté par les clients, tôt le matin. « Ils étaient mécontents. Beaucoup ont dû diminuer la quantité de pain achetée parce qu’ils n’étaient pas au courant du nouveau tarif», confie Maïmounata Drabo, caissière à la boulangerie de Somgandé. Une boulangerie plus loin, Le Fournil, Salamata Ouédraogo relate le mécontentement de certains consommateurs quand ils ont été informés des nouveaux tarifs. « De nombreux clients étaient énervés ce matin mais la plupart ont compris lorsque nous leur avons expliqué que nous leur vendrons maintenant le pain de 200g au prix de 150 F CFA. Nous avons simplement arrêté de produire le pain de 150g vendu précédemment à 130FCFA», déclare-t-elle.
Les revendeurs, qui approvisionnent les clients dans les quartiers, sont quant à eux, inquiets de la ristourne de 25 F CFA par baguette dont ils bénéficiaient jusque-là. Néanmoins ils ont été rassurés par Maïmounata Drabo et Salamata Ouédraogo car, ceux qui vendaient la baguette à 125 F CFA, faute de monnaie, perdaient auparavant 5 F CFA sur la ristourne. Ils bénéficieront maintenant d’un tarif plein de cette ristourne. «Ils revendront le pain au nouveau prix. Fini donc pour eux, les pertes de 5 F CFA», explique Salamata Ouédraogo.
En réalité les associations de patrons de boulangeries ont décidé, de manière unilatérale, de respecter une partie de l’arrêté de 2011 fixant le prix de la baguette de pain au Burkina Faso. Cette décision leur fait obligation de mettre à la disposition des consommateurs, deux types de pain, celui de 180g vendu à 130 F CFA et celui de 200g à 150FCFA.
La convention collective des boulangers, en question
En clair, pour le président de l’Union des fondateurs des boulangeries du Faso, Rimon Hajjar, il n’y a pas une augmentation du prix de la baguette, mais tout simplement une suppression de la production du pain de 180g. « Ce n’est pas un nouveau prix, les deux associations de patrons de boulangeries ont décidé de ne produire que le pain de 200g et vendu à 150FCFA comme le stipule l’arrêté de 2011 fixant le prix de la baguette de pain. Cette décision nous permettra de survivre jusqu’au moment où le gouvernement sera favorable pour une augmentation réelle du prix du pain », explique-t-il. M. Hajjar assure également que ce tarif permet de régler du même coup plusieurs problèmes dont celui de la qualité, de la monnaie et enfin de réparer une double injustice faite aux consommateurs. «Le pain de 150 F CFA est plus gros et donc il sèche moins vite. Les bagarres avec les clients, faute de monnaie, lorsqu’il donne 150FCFA, sont finies. Maintenant, ceux qui trichaient sur le poids du pain ne pourront plus le faire, c’est donc en définitive les consommateurs qui gagnent», précise Rimon Hajjar.
A la Fédération burkinabè des patrons de boulangeries, pâtisseries et confiseries, les boulangers, un autre son de cloche est donné sur le tarif de la baguette de pain, ce 1er mars. Selon la conseillère de la fédération, Hadja Mariam Ouédraogo, les boulangers réclament une augmentation du prix depuis 2012. « Il était temps d’agir car à l’exception de l’eau et de l’électricité, les couts de tous les éléments entrant dans la fabrication du pain ont augmenté », assure-t-elle. Par exemple, poursuit Madame Ouédraogo, la tonne de farine est passée de 210.000-220.000F CFA en 2009 à 350.000-365.000F CFA de nos jours. « Nous ne pouvons plus faire face à nos charges. En plus, avec la nouvelle convention collective des boulangers, la masse salariale a augmenté de 50%. Comment voulez-vous que l’on s’en sorte ?», s’interroge Hadja Mariam Ouédraogo.
Que pense la Ligue des consommateurs sur ces nouveaux tarifs ? Le président Pierre Nacoulima reconnaît qu’il y a bien eu des négociations qui ont été engagées sous l’égide du ministère en charge du commerce, mais elles n’ont pas abouti. «Nous prenons actes du nouveau tarif et nous attendons la réaction du ministère. Nous avons constaté depuis longtemps que les boulangers n’ont jamais respecté les poids prescrits. De plus, ils ne paient pas bien leurs employés. Pour nous, c’est le moment de réinvestir les bénéfices indus qu’ils ont réalisés », affirme-t-il.
Nadège YE