Telle une région à la dérive, le Sahel burkinabè est-il en train d’échapper au contrôle de Ouagadougou, en passe de perdre le Nord ? Plus que jamais, la question mérite d’être posée tant les évènements tragiques et les signaux d’alerte se sont multipliés depuis deux bonnes années. Depuis notamment l’enlèvement de l’agent de sécurité roumain à Tambao en avril 2015, on ne compte plus les actes terroristes de l’hydre qui est en passe de pousser des racines dans la province du Soum. Kerboulé, Intangom, Tin-Akoff, Nassoumbou… des noms de localités jusqu’à une date récente inconnus, sont désormais familiers et riment avec terreur, violences djihadistes, sang, larmes, ces dernières ayant été le théâtre soit d’enlèvements, soit d’attaques ou d’embuscades dont le chapelet commence à être interminable. Le paroxysme de cette violence est l’attaque du Groupement des forces antiterroristes de l’armée burkinabè à Nassoumbou le 16 décembre 2016 qui avait fait 12 morts. Quand ceux-là mêmes qui sont chargés de traquer la bête deviennent la cible, c’est la preuve pour beaucoup que la bataille est loin d’être gagnée.
Mais il y a plus grave, si on peut le dire ainsi, car à côté de la violence physique et des nombreux morts que l’on pleure, il y a celle psychologique, plus insidieuse et autrement plus dangereuse :
- menaces contre les enseignants sommés d’ailleurs d’abandonner l’enseignement classique au profit de l’éducation coranique, comme si ça pouvait s’improviser du jour au lendemain ;
- mesures de représailles contre un conseiller municipal et son fils, traqués comme des bêtes du Soum jusqu’au Lorum, avant d’être froidement abattus pour décourager les informateurs des Forces de défense et de sécurité ou présumés tels ;
- intimidations supposées ou réelles de magistrats ;
- règlements de comptes avec les repentis, selon les bonnes vieilles traditions de la mafia sicilienne, etc.
La psychose est ainsi en train de s’installer petit à petit. Une psychose susceptible de tuer à petit feu l’activité socio-économique d’une région qui n’était déjà gâtée ni par la nature ni par les dirigeants. Autant de signaux qui font craindre le syndrome azawadien.
Au rythme où vont les choses, certains fonctionnaires pourraient commencer à déserter la région ou refuser d’y être affectés et c’est peut-être ce que veut Malam Ibrahim Dicko, cet obscur prédicateur qui va finir par se tailler un sanctuaire dans cette partie du Burkina. En effet, originaire de Soboulé, au nord de Djibo, ce Burkinabè, la quarantaine, avait été arrêté par les militaires français fin 2013 près de Tessalit au Mali puis remis aux services de sécurité maliens et incarcéré avant d’être remis en liberté en 2015. Il est lié au prédicateur radical malien Hamadoun Koufa, dont il partagerait l’ambition de recréer un grand royaume peulh dans la région.
Il faut espérer que l’Etat et son chef ont pris toute la mesure du grave péril qui nous guette et se donnent les moyens d’éradiquer ce cancer avant qu’il ne ronge tout le corps social sahélien. Espérons également que la mutualisation des moyens et des renseignements entre les membres du G5 Sahel projetée récemment à Bamako sera une réalité dans les plus brefs délais.
La Rédaction