Après une première mobilisation le 7 janvier 2017, l’ONG Urgences panafricanistes (URPANAF) a organisé, le samedi 11 janvier 2017, une deuxième journée de protestation contre le F CFA dans plus de 25 villes à travers le monde. A Ouagadougou, le Citoyen africain pour la renaissance (CAR) a marqué le coup à travers une conférence publique. L’exposé des spécialistes du jour a mis en lumière les différences de points de vue entre les économistes mais aussi le fossé qui les sépare d’une bonne partie de la jeunesse qui veut s’affranchir de cette « monnaie coloniale » le plus rapidement possible.
C’est à l’université Ouaga I Pr Joseph Ki-Zerbo, temple du savoir mais aussi terreau fertile des idées panafricaines, que le CAR a marqué le coup dans cette 2e journée mondiale de protestation contre le FCFA. «La dynamique qui doit se dégager, ce n’est pas seulement en chassant les dictatures africaines. Nous devons nous émanciper de la tutelle française sur notre monnaie et nous organiser pour abandonner le CFA », a planté en guise de décor le chauffeur du CAR, Hervé Ouattara, dans un amphi B plein de jeunes qui veulent jeter le CFA à travers la vitre. Mais les conférenciers du jour, les enseignants-chercheurs en sciences économiques Abel Tiemtoré et Mamadou Diarra n’épousent pas entièrement cet avis. Le premier a fait ressortir dans son intervention certains avantages du FCFA : la stabilité des prix, l’attrait de la zone CFA pour les investisseurs.
Mais cette stabilité à un coût. Pour gérer la parité fixe avec l’euro, les accords obligent les banques centrales à garder 50% de leurs réserves de change auprès du Trésor français : les fameux comptes d’opération. Il est paradoxal, estime l’universitaire, que des Etats pauvres comme les nôtres, qui manquent de moyens pour financer leur développement, gardent d’importantes ressources dans des coffres en France. Il pointe également du doigt, l’absence de souveraineté monétaire qui fait que les Etats ne peuvent pas faire tourner la planche à billets à souhait pour financer l’économie. Malgré tout, le chercheur pense qu’on peut demeurer dans ce système tout en l’améliorant, en revoyant par exemple le système des comptes d’opération. Son collègue, Mamadou Diarra, lui, explore d’autres solutions comme la création d’une monnaie unique dans l’espace CEDEAO, mais, concède-t-il, «ce ne sera possible que dans le long terme ». Toutes choses que ne partage pas le public qui venu pour mettre de l’eau dans son moulin « La conférence est ratée. Ce n’est plus le moment de douter. On doit passer à l’action. Comment des gens qui sont censés nous convaincre ne sont pas eux-mêmes convaincus » ? Lance un jeune après avoir quitté l’amphi B avant la fin de la conférence.
Même si la question divise, l’URPANAF veut passer à « la vitesse supérieure» et entend appeler au boycott des produits français pour faire pression. L’ONG a-t-elle les moyens de cette ambition ? Réponse d’Hervé Ouattara : « Les gens se sont posés les mêmes questions quand il s’est agi de demander l’indépendance ».
Hugues Richard Sama