Avez-vous déjà entendu parler de Nikos Kazantzaki ? Si non, vous auriez dû vous rendre au centre Georges-Méliès de Ouagadougou le lundi 6 février 2017 à 18 heures où M. Georges Stassinakis, président de la société internationale des Amis de Nikos Kazantzaki, a révélé au public qui a fait le déplacement ce grand inconnu.
Modératrice de la soirée, l’ambassadeur Monique Ilboudo a campé d’emblée le décor en expliquant que Nikos Kazantzaki est « un immense poète, un écrivain prolixe » même s’il est méconnu, sinon inconnu du grand public surtout au Burkina Faso. Crétois de naissance, il a excellé dans les genres littéraires : poésie, roman, théâtre, scénarii, essai, etc.
2017 marque le 60e anniversaire de sa disparition. La société internationale des Amis de Nikos Kazantzaki (SIANK) organise en son honneur plusieurs activités à travers le monde. C’est dans ce cadre que M. Georges Stassinakis, président du SIANK, est arrivé dans notre pays et a animé la conférence du lundi dernier. Grâce à lui, on en sait un peu plus sur l’homme dont l’épitaphe porte l’écriteau suivant : « je n’espère rien, je ne crains rien, je suis libre ». Nikos Kazantzaki est un écrivain grec et francophone. Il est l’un des rares auteurs à avoir embrassé tous les genres littéraires comme dit plus haut. Diplômé de la faculté de droit d'Athènes, il suit les cours d'Henri Bergson au Collège de France et fait sa thèse sur Nietzsche envers qui il marquera une indéfectible fidélité, même s'il ajoute à son panthéon le Christ, Bouddha, Mahomet, Lénine, Ulysse, Bergson, saint François d'Assise, Sikelianos, Schweitzer et Zorba. Des figures spirituelles dont chacune éclaire un aspect de son œuvre. « Bergson m’a sauvé d’une raison raisonnante… Paul Valéry est une fleur sans semence », dit-il du philosophe et du poète. De lui, Georges, notre conférencier du lundi dernier, retient que c’est un humaniste d’une simplicité extraordinaire dont la pensée est fondée sur la recherche de l’essentiel, le sens de la liberté, la priorité aux valeurs humaines et spirituelles, le dépassement de soi-même… On voit cela dans son œuvre Le Pauvre d'Assise (1956) dans laquelle il appréhende ces thèmes qui ne cessent de le hanter : le dépassement de soi, la violence, « la lutte incessante et impitoyable entre la chair et l'esprit ».
Nikos est un croyant qu’on ne retrouve cependant pas dans les Eglises, car il se méfie du clergé. Il n’était donc pas lié à une religion donnée même s’il est né orthodoxe. Dans ses écrits, il soutient qu’il a toujours cherché Dieu et la sainteté. Pour lui, même dans le cœur d’un athée se trouve Dieu. Il professe que le destin du monde se déplacera de l’Occident vers l’Orient, car, dit-il, l’avenir appartient à ceux qui ont la foi et la technique. Or, l’Occident a la technique mais a perdu la foi. L’Orient a la foi et est en train d’acquérir la technique.
Nikos n’était pas un auteur régionaliste, localiste. Pour lui, il faut s’ancrer dans sa propre culture et s’intéresser aux valeurs des autres cultures. Et l’Afrique dans tout ça ? Il souhaitait visiter tout le continent. Mais des raisons financières et sanitaires ne lui ont pas permis de le faire. Il n’en a pas moins été un grand admirateur de l’art africain et surtout des masques dont il est devenu à sa façon un spécialiste. Il a seulement visité le Soudan et l’Egypte et prétendait avoir des origines arabo-africaines. Dans une de ses grandes œuvres l’Odyssée, il soutient que l’Afrique noire est le lieu de la régénérescence du monde. Pour avoir traduit la quarantaine d’œuvres du grand ethnologue allemand Léo Frobenius, Nikos Kazantzaki connaît notre pays, ne serait-ce que de façon livresque, puisqu’une grande partie y est consacrée, comme en témoigne la stèle de Léo Frobenius au quartier Pèlghin, côté nord de l’aéroport international de Ouagadougou.
L’exposé du président de la SIANK a été suivi, comme il se doit, de débats qui ont laissé voir un intérêt de nombre de participants, à aller plus en profondeur dans la pensée de Nikos Kazantzaki, donc à œuvrer à la mise en œuvre prochaine de la section locale de la SIANK. « Il y a un occupant que nous avons en nous que nous devons chasser : la méchanceté » dixit Nikos Kazantzaki.
Lévi Constantin Konfé