Le Chef de File de l’Opposition politique (CFOP) a animé une conférence de presse, le mardi 7 février 2017, à Ouagadougou sur l’an I de gestion de pouvoir par Roch Marc Christian Kaboré. Dans un mémorandum dénommé «Une année perdue pour le Burkina Faso », l’opposition dresse un tableau de déceptions en sept points.
Après son mémorandum sur les cent premiers jours de Roch Marc Christian Kaboré à la tête du pays, le Chef de File de l’Opposition politique (CFOP) vient de publier un second document relatif à l’an I de gestion du pouvoir d’Etat par le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP). Intitulé «Une année perdue pour le Burkina Faso », ledit mémorandum a été présenté au cours d’une conférence de presse animée par le président du Chef de file de l’opposition, Zéphirin Diabré et d’autres membres, le mardi 7 février 2017, dans les nouveaux locaux du CFOP, à Ouagadougou. A travers ce mémento aux allures de pamphlet, l’opposition politique donne une lecture sombre des performances sur la gestion du pouvoir par le MPP et ses alliés au bout d’une année. Dans le premier point du mémorandum consacré au leadership du président du Faso, le CFOP soutient que les Burkinabè sont toujours en attente de « l’ambition » que Roch Marc Christian Kaboré nourrit pour son pays. «Les Burkinabè attendent un vrai changement dans le domaine de leur vécu quotidien, dans celui de la gouvernance, notamment la gestion du bien public et la justice. Or de prime abord, lui et son équipe symbolisent tout sauf ce vrai changement », a martelé, Alphonse Marie Ouédraogo, un des animateurs de la conférence de presse. L’opposition a reproché également au chef de l’Etat « un manque d’anticipation ». Une première illustration, argue-t-elle, vient de la manière dont il a lui-même mis en ébullition le front social et allumé la mèche de la contestation sociale en cédant très vite aux réclamations des magistrats. Selon le CFOP, Le « tricéphalisme » incarné par Roch Marc Christian Kaboré, Salifou Diallo et Simon Compaoré dans la gestion du pouvoir a entraîné « une diminution de l’autorité du premier responsable ». « Désormais, c’est à un affrontement à peine feutré que les ténors du MPP se livrent, le parti étant plus que jamais divisé en clans dont on voit l’animosité se manifester à tout bout de champ », a laissé entendre M. Ouédraogo. Au niveau du deuxième point inhérent, le CFOP s’est appesanti sur la gouvernance politique qu’il a qualifiée de « chaotique ». Il a dénoncé, entre autres, une « confusion et une perte de l’autorité de l’Etat » dans le fonctionnement des institutions, un «divorce avec l’esprit de l’insurrection» et une « coordination bancale de l’action gouvernementale ». « Même si les luttes syndicales font partie de la tradition de notre pays, force est de reconnaître que le climat social s’est singulièrement dégradé depuis l’arrivée du MPP au pouvoir », a constaté le conférencier, Alphonse Marie Ouédraogo.
« Diplomatie en hibernation »
Le troisième point du mémorandum s’intéresse aux «domaines régaliens en jachère», parmi lesquels la réconciliation nationale, la justice, la sécurité, la diplomatie et la nouvelle Constitution. Dans le volet sécuritaire, le CFOP a noté que le pays est « sous menace terroriste » et d’autres formes d’insécurité (incendies, incivisme à tous les niveaux). Sur le plan de la diplomatie, M. Ouédraogo a indiqué que le rayonnement international du Burkina est «en hibernation». A propos de la nouvelle loi fondamentale, l’opposition a soutenu qu’elle soulève « beaucoup d’interrogations ». Pour elle, cette révision constitutionnelle, même si elle reflète « une volonté largement partagée », couve une « guerre de clans et une remise en cause de certains acquis en matière institutionnelle ». La gouvernance économique a été abordée au point quatre. Le conférencier en a dressé aussi un bilan négatif. A l’entendre, l’activité économique est restée « morose » au regard de « la faible progression des crédits à l’économie en 2016, la baisse de la production d’or et un climat des affaires » « difficile». Le cinquième point a porté sur la gouvernance administrative. Sur la même lancée, l’opposition ne voit aucune éclaircie. Elle a relevé «le clientélisme et la politisation de l’administration, la forte propension d’une administration d’affairistes ». « Il est à craindre qu’avec ces tares, notre administration ne soit pas à la hauteur des intentions de financement faites par les partenaires au développement lors de la conférence du PNDES », a prévenu M. Ouédraogo. Le point six qui traite des ratés de la gouvernance locale a fustigé la « difficile mise en place des exécutifs communaux et régionaux ». Le septième et dernier point du mémorandum de l’opposition, intitulé «les échecs sectoriels patents», a dénoncé « une paupérisation galopante, un système de santé publique pris en otage et un secteur éducatif dans un chaos persistant ».
« Nous aurions fait nettement mieux »
Le président du Faso pouvait-il faire mieux en termes de leadership? En parlant de Premier ministre par défaut, insinuez-vous que Simon Compaoré deviendra le prochain chef du gouvernement ? N’êtes-vous pas aussi comptables de ce bilan, parce qu’au moment où le MPP avait investi les campagnes en 2015 pour battre campagne, certains partis politiques de l’opposition étaient à Ouagadougou ? Que dites-vous à propos des tournées en provinces et à l’étranger pour parler de la nouvelle Constitution? Ont demandé les journalistes? A la première question, le président du CFOP, Zéphirin Diabré, a répondu : « Si nous étions au pouvoir les opposants nous auraient aussi critiqués. Quand on est candidat et qu’on est élu, on travaille. Et ceux à qui la population n’a pas encore donné son suffrage gèrent ce que François Mitterrand a appelé le ministère de la parole ». Notre rôle, a-t-il dit, n’est pas de trouver des circonstances atténuantes, mais de faire un constat et de porter la critique afin que ceux qui sont en face puissent s’améliorer. Et de préciser : « Si nous étions à leur place, nous aurions fait nettement mieux ». A la deuxième question, M. Diabré a rétorqué que cela ne les concernait pas avant de faire cette boutade : « Puisqu’ils sont trois à avoir le gibier. Un a pris la tête, l’autre la cuisse et on voudrait que le troisième prenne le petit foie. A sa place, je ne serais pas d’accord. Si Simon Compaoré réclame la primature, c’est son plein droit…». Pour ce qui est de la troisième question, il a répondu que le MPP a pu hériter d’une présence sur le terrain grâce aux 75% des cadres et structures du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) qu’il a ramenés dans son escarcelle. Ce n’est pas le cas, a-t-il ajouté, d’un parti comme l’Union pour le progrès et le changement (UPC) qui, créé en 2010, a commencé à recruter un personnel nouveau. « Je ne crois pas trop au coût des tournées pour expliquer la nouvelle Constitution. J’ai fait une évaluation avec quelqu’un et cela ne va pas dépasser 200 millions de F CFA. Ce n’est pas cela qui va tuer le Burkina Faso. Par contre, je ne voudrais pas que ce soit les ambassades qui aillent expliquer la nouvelle loi fondamentale à la diaspora burkinabè alors qu’elle vote en 2020… », a-t-il conclu.
Karim BADOLO
Hermann GUINGANE
(Stagiaire)