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Dr Ousséni Tamboura : « Le CFA n’a plus besoin de la France »
Publié le mardi 7 fevrier 2017  |  L`Observateur Paalga
Politique
© aOuaga.com par A.O
Politique : des partis de la majorité et de l`opposition créent un front républicain
Jeudi 23 janvier 2014. Ouagadougou. Une quarantaine de partis politiques de la majorité présidentielle et de l`opposition ont créé un front républicain qui a été présenté aux journalistes lors d`une conférence de presse. Photo : Ousséni Tamboura de l`Union pour la république (UPR)




Le député Ousséni Tamboura a brillamment soutenu en mai 2016 une thèse de doctorat sur le financement du secteur privé dans l’espace UEMOA. Au moment où le débat sur le décrochage du FCFA du trésor français refait surface, le Dr Tamboura, dans cet entretien, estime que notre monnaie n’a plus besoin de la France.

Vous avez soutenu, il y a quelques mois, une thèse de doctorat sur le financement du secteur privé dans l’UEMOA. Le moins qu’on puisse dire est que la problématique est aussi vieille que l’UEMOA elle-même. En quoi votre angle était nouveau ?

En effet, le 13 mai 2016, j’ai eu l’honneur de présenter les résultats de quatre années de recherche au sein de l’école doctorale de droit privé à l’UCAD 2. Ces recherches ont porté sur la Contribution du droit à l’accès au financement du secteur privé dans les pays de l’UEMOA. Ces recherches ont considéré et permis de comprendre que des éléments de l’histoire du droit économique et bancaire des pays de l’UEMOA sont les principaux obstacles au financement des investissements et des entreprises. Et tant que ce cordon colonial ne sera pas coupé, il sera difficile pour nos pays francophones de financer l’entreprise depuis sa création jusqu’aux investissements nécessaires à sa croissance.

Le choix du thème a été guidé par une curiosité et une constante volonté d’apporter des idées à la résolution de problèmes de développement ou d’une problématique donnée. C’est ainsi que j’ai noté un certain nombre de constats saisissants pour l’avenir de ce sous-continent qui m’ont considérablement troublés. Comment se fait-il, par exemple, qu’au vu des besoins en infrastructures et investissements -puisque le retard de développement des pays de l’Union ne fait aucun doute- le secteur privé sur place peine à mobiliser des ressources pourtant disponibles non seulement dans les banques de l’UEMOA mais dans le reste du monde? Cette problématique trouva écho auprès du Pr Abdoulaye SAKHO, directeur de l’école doctorale, mais surtout connu pour sa vision d’un droit maîtrisé pour résoudre des problèmes économiques.

Quelles sont les conclusions et recommandations de vos recherches pour le développement de nos Etats ?

Les principales conclusions ont été de deux grands ordres. D’une part, la démonstration de la recherche permet d’affirmer que si les entreprises, grandes, moyennes, petites ou du secteur informel fondent leur organisation et leurs conventions écrites ou non sur un droit et une éthique des affaires, le crédit devient inéluctablement disponible. Dans ce premier grand ordre, la thèse rappelle que les théories du financement de l’entreprise commandent des réformes juridiques courageuses en faveur du créancier, en faveur d’un secteur informel qui serait régi par un droit moins étatique, en faveur d’une transformation totale de la doctrine bancaire et financière. Cette transformation doctrinaire exige d’abandonner la banque à l’acte pour une banque tournée vers l’investissement en s’autorisant, comme en Allemagne, de financer l’entreprise pas seulement sous forme de crédits, mais de rentrer dans son capital appelé encore financement par les fonds propres. Par exemple, les différents fonds de l’Etat et les banques au lieu de faire du financement classique pourraient, par appels à projets, sélectionner des milliers voire une dizaine de milliers de projets de création d’entreprises et les financer par une prise minoritaire du capital. Imaginez 10 000 PME financées avec à la clé 10 à 15 emplois chacune !

Dans le second grand ordre des conclusions, la thèse note que non seulement la zone franc n’en est pas une, puisque le CFA UEMOA et le CFA CEMAC ne sont pas convertibles (même si récemment à Yaoundé la question de la convertibilité a été discutée), mais aussi et surtout que la présence de la France dans la cogestion du CFA repose sur une convention de coopération à vocation coloniale, puisque ses origines remontent à l’institut d’émission monétaire et à l’épisode d’«africanisation» de la BCEAO depuis 1973. Sur la base de notes d’études des autorités françaises et de nombreux auteurs africains, la thèse conclut que le FCFA n’a plus besoin de la France pour sa gestion, et surtout que cette cogestion se justifie très peu politiquement, économiquement et financièrement. C’est un cas typique de gestion monétaire qui alimente « des économies rentières » selon les termes même d’une commission française mise en place à cet effet. Aussi, le capital des banques ou groupes de banques de l’UEMOA sont majoritairement « étrangers » à l’Union exceptés quelques groupes notamment Ecobank ou Coris Bank. Dans ces conditions de gestion monétaire et de l’infrastructure bancaire, les orientations « économiques » du crédit sont inspirées du dehors !

On parle en effet de plus en plus, comme vous le suggérez, d’un franc CFA sans la tutelle de la France voire la création d’une autre monnaie. Cette solution est-elle viable ?

Ah oui, on en parle et le tiers de ma bibliographie comprend de la littérature sur la tutelle française du FCFA. Après 56 ans d’indépendance des Etats, cette tutelle infantilise les pays concernés. Mes travaux de recherche, sur la base des indicateurs du développement financier, évoque le cas des pays africains gérant eux-mêmes leurs monnaies avec bien de performances. Les taux de bancarisation de l’Afrique de l’Ouest sont les plus faibles au monde, soit 10% contre 40% et 98% environ pour le Maghreb et les pays développés. Les places financières de l’UEMOA sont les moins actives et les moins diversifiées. Il existe même une association africaine des banques centrales et j’ai pu noter à travers la revue documentaire une attraction singulière pour les pays du CFA.

Pour vous répondre franchement, oui le CFA sans la France est viable. Les pays du CFA peuvent garder la communauté entre eux et coopérer avec tout autre pays ou avec la communauté financière internationale. Il ne s’agit pas d’encourager une monnaie par pays. Je pense que la convergence monétaire dans la CEDEAO mettra un terme à cette tutelle.

Que gagne-t-on concrètement en se détachant de la France sur le plan monétaire ?

On recouvre sa souveraineté monétaire et donc on peut mieux planifier son économie. Les pays CFA pourront désormais coopérer avec toutes les zones monétaires librement. Et je suis persuadé que dans ce cas, les économies des pays de l’UEMOA seront davantage intégrées et complémentaires. Si la France dont les problèmes économiques ne sont pas identiques à nos pays n’est plus associée à la gestion de l’avenir de nos économies de façon privilégiée, les pays de l’UEMOA décideront collectivement en toute souveraineté et efficacité.

On parle beaucoup du financement du secteur privé pour booster le développement de nos pays. Paradoxalement, les banques sont en sur-liquidité, mais financent très peu les projets. Quelle est la solution dans la mesure où la banque aussi ne prête qu’aux riches ?

J’ai déjà évoqué les solutions de droits novateurs que nos banques pourraient explorer en ce qui concerne le financement de la PME. Je voudrais juste ici mentionner que du point de vue de droit rien ne s’oppose au retour des banques de développement avec des guichets spécifiques pour financer les communes dont les besoins en investissements sont importants et pour financer l’exportation. Ce type de banques existe dans les pays développés, et a déjà existé dans nos pays. Si les ajustements structurels ont stigmatisé ce type de banque dans nos pays, c’est moins pour leur pertinence que pour leur mauvaise gestion. Il y a donc lieu, et c’est un des résultats de la thèse, de développer un certain volontarisme pour le financement des projets d’entreprises ou d’investissements, au lieu de penser que les choses iraient de soi à partir d’une réglementation bancaire classique et inspirée du « dehors ».


Entretien réalisé par

Adama Ouédraogo Damiss
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L`Observateur Paalga N° 8221 du 27/9/2012

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