Les premiers pas au pouvoir du nouveau président américain, Donald Trump, font des étincelles. Le magnat de l’immobilier, qui a déjoué tous les pronostics pour prendre les clés de la Maison Blanche, n’y va pas du dos de la cuillère pour tenir ses promesses de campagne. En dix jours d’exercice, l’homme qui dirige le pays le plus puissant du monde a signé plusieurs décrets, aussi scandaleux les uns que les autres. Detricotage de l’Obamacare, symbolique réforme de santé de son prédécesseur, relance de deux projets d’oléoducs abandonnés pour des raisons écologiques, promotion de la torture, Donald Trump fait feu de tout bois pour imposer son style pour le moins déconcertant. Mais ce qui lui vaut de grandes foudres ces jours-ci, ce sont ses mesures anti-immigration. En l’occurrence, la construction d’un mur à la frontière avec le Mexique, long de 3 200 kilomètres, et l’interdiction d’entrée sur le territoire américain pendant 90 jours pour les ressortissants de sept pays arabes (Yémen, Iran, Libye, Somalie, Soudan, Syrie et Irak). Cette dernière mesure, prise le 27 janvier par le locataire actif de la Maison Blanche, bloque également, pour la même période, l’accès des réfugiés venant de ces Etats. Le président n’a pas été particulièrement tendre envers les réfugiés syriens, interdits d’entrée aux USA jusqu’à nouvel ordre. Trump a beau expliqué qu’une telle mesure vise à protéger la nation américaine contre les terroristes étrangers, elle passe très mal aux yeux de l’opinion et de la communauté internationale. On a du mal à croire, qu’il ne confond pas islam et terrorisme. Mais c’est sans compter avec les nombreux manifestants, aussi bien aux Etats-Unis qu’ailleurs, qui donnent de la voix pour rappeler au président, la nécessité de préserver les valeurs de la nation. Signe que les voix discordantes n’ont pas tort, la justice fédérale a partiellement suspendu la mise en œuvre de ladite mesure. Cette attitude est défendable, puisque la loi sur l’immigration et la nationalité de 1965 interdit « toute discrimination à l’égard des immigrés sur la base de leur origine ». Même si Trump s’appuie sur une disposition de la loi de 1952 permettant au président de suspendre l’entrée de certains étrangers considérés comme préjudiciables aux intérêts américains, pour justifier sa mesure à polémique, la justice y voit un scandale. Opposée aux mesures anti-immigration, la ministre de la Justice intérimaire des Etats-Unis, Sally Yates, a d’ailleurs été limogée sans ménagement. Comme quoi on ne s’oppose pas à la volonté présidentielle. Mais le pays de l’Oncle Sam est une terre d’immigration, et Trump lui-même en est un pur produit. A moins qu’il ne joue à l’hypocrisie ou maîtrise mal l’histoire de la terre sur laquelle il a prospéré. Mais le 45e président, qui a réalisé son rêve américain en faisant fortune et en briguant la magistrature suprême à la surprise générale, ne semble pas prêt à vivre le bonheur des autres. La politique anti-immigration et de protectionnisme qui lui tient à cœur, prouve, si besoin en est, sa vision erronée d’une Amérique plus forte. Les Etats-Unis, toujours marqués par des disparités raciales, doivent en partie leur hégémonie aux immigrés. Le melting-pot a fait et fera encore la force de la nation américaine. Tout comme la politique anti-immigration, le protectionnisme a des conséquences politiques et économiques fâcheuses pour un Etat, peu importe ses atouts, surtout dans ce 21e siècle. Convenons alors avec le chef de l’Etat français, François Hollande, que c’est un chemin à l’issue incertaine. Trump, lui s’en tape, puisqu’il a compromis l’entrée en vigueur de l’accord de libre-échange transpacifique, (TPP), en retirant son pays. La rupture incarnée par le nouveau président, a de quoi inquiéter donc une bonne partie des Américains, y compris son prédécesseur Barack Obama. Celui-ci est sorti de son silence relatif pour appeler ses compatriotes à manifester contre les mesures liberticides de l’occupant de la Maison Blanche. Trump n’a même pas fait un mois au pouvoir, qu’il suscite peurs et angoisses. On croirait avoir affaire à une épouvante à terroriser ou à faire fuir des enfants. D’aucuns avaient cru que les réalités du pouvoir allaient calmer les ardeurs du milliardaire, mais rien n’y fit. Il veut gouverner envers et contre les règles établies, quitte à faire trembler la planète. Mais ainsi est le nouveau président américain, dont le programme de gouvernance inspire haine et intolérance, comme il n’en avait pas été le cas depuis 40 ans. Trump ne va-t-il pas faire sombrer l’Amérique au lieu de la faire rayonner comme il le prétend ?
- Kader Patrick KARANTAO
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