Le Mouvement du 21 avril (M21), une Organisation de la société civile burkinabè estime qu’à un an de gestion du pouvoir de Roch Marc Christian Kaboré, les "attentes sociales des populations restent très fortes", selon son président Marcel Tankoano, dans une interview accordée à ALERTE INFO.
Marcel Tankoano (Pdt M21)
Quel bilan le M 21 dresse de l’an I de gestion de Roch Kaboré ?
Vous me demandez d’apprécier les un an de gestion de pouvoir de Roch Marc Christian Kaboré, c’est un bilan à mon avis qui est mitigé parce que les attentes des Burkinabè étaient et restent très fortes. Après l’insurrection en passant par le coup d’Etat (du 16 septembre 2015), le peuple du Burkina Faso se disait qu’une fois qu’on a de nouvelles autorités élues, vraiment le pays devrait amorcer son développement en ce qui concerne tout ce qui est problème que notre pays connait. Mais il est très difficile aujourd’hui sur les un an de gestion de Roch Kaboré de prendre un secteur et dire que ça va. Je prends au niveau de l’administration publique où on constate un laisser-aller dans les ministères, au niveau de la sécurité c’est inquiétant, au nord les populations sont apeurées. Les populations qui voyaient Roch Marc Christian Kaboré dans un élan de vouloir aider les Burkinabè dans les problèmes sociaux, malheureusement, je dis bien malheureusement, les choses se font attendre aujourd’hui surtout le minimum.
A l’instant où je vous parle, les produits de grandes consommations sont en train de flambés. Les populations se demandent qu’est-ce qui nous arrive. Quel est le véritable problème. Il ne faut pas se leurrer, ce qui a fait sortir la majorité des Burkinabè dans le départ de Blaise Compaoré, c’est la misère et la paupérisation. Aujourd’hui, l’économie du pays est totalement à genou, obligeant nos opérateurs économiques à déserter le pays pour aller s’installer ailleurs. Le Plan national de Développement économique et social (PNDES) annoncé en grande pompe n’est que des promesses d’intentions (de financements). A tous les niveaux où on avait fois et on se disait que les choses allaient décoller, rien n’y fit. En somme, voilà la gestion des un an de Roch Kaboré. Il va falloir que l’Etat se réveille, que l’Etat burkinabè comprenne les réalités, les aspirations du peuple insurgé, ce n’est pas de l’amusement.
Nous en tant qu’Organisation de la Société Civile (OSC), on nous accuse de tous les maux. Depuis l’élection de Roch Kaboré vous allez vous rendre compte que nous nous sommes retirés pour voir ce qui va se passer et les accompagner. Donc nous interpellons les tenants du pouvoir à abandonner le terrain politique, les clivages, les camaraderies et les diversions. Il faut que l’Etat aille directement sur les problèmes réels des Burkinabè à savoir l’alimentation, la santé et l’éducation. Ces trois points notamment sont urgents et pressants. Nous craignons que de déception en déception on ne sache où on va.
A vous écouter il n’y a pas un secteur dans lequel on peut louer les actions du gouvernement ?
Je n’en connais pas. Je ne suis pas fier de le dire mais je ne connais pas de secteur dans lequel on applaudit. Nous sommes toujours à l’étape des promesses. Soyons conséquents avec nous-mêmes. Je ne vois pas le ministère où on peut dire au moins ici ça va. On constate des tâtonnements, des petits règlements de compte. Peut-être que je ne vois pas les choses comme d’autres mais je dis bien à mon niveau, véritablement les choses peinent à démarrer.
A contrario quels sont les secteurs dans lesquels le gouvernement a plus déçu ?
Disons les secteurs de la santé et de la sécurité. La mesure sur la gratuité des soins (accordés aux femmes enceintes et aux enfants de moins de cinq ans) n’a pas été suivie parce que les gouvernants n’ont pas associé les agents de santé et les gestionnaires des pharmacies. Cette rencontre tripartite pour dire qu’est-ce qu’on doit faire n’a pas eu lieu. La plupart des mesures annoncées par le gouvernement dont la gratuité qui ne prend en compte que certains produits sanitaires et le recrutement en vue de réduire le chômage n’ont pas totalement fonctionné.
En avril, notre mouvement avait animé une conférence de presse sur notamment la gratuité des soins pour dire aux autorités, attention, il faut qu’il y ait un suivi ou bien cela va entraîner un autre problème. Malheureusement nous ne nous sommes pas trompés puisse que des agents de santé sont venus vers nous pour dire que par moment, des patients veulent les frapper parce qu’on leur a dit que les soins étaient gratuits pourtant on leur prescrit certains qui doivent être payer.
Toujours dans le domaine de la santé qui est primordiale, vous avez vu qu’un ministre a inutilement créé une crise au sein de la Centrale des Achats de Médicaments essentiellement Génériques (CAMEG) en voulant imposer un nouveau responsable. Ce qui a eu un impact sérieux sur la santé des Burkinabè car les prix des médicaments ont augmenté et même l’image de la CAMEG qui est une référence en matière de distribution de médicaments dans la sous-région a été ternie.
La fronde sociale est-elle l’expression véritable des préoccupations des travailleurs ou bien est-ce de la manipulation comme le dénoncent certaines autorités ?
Sur la question de la fronde sociale, d’abord le gouvernement a dit qu’il n’y avait pas à manger parce que les caisses sont vides. Et dans le même temps, il a satisfait toutes les doléances des magistrats. Soyez sûrs que ceux qui n’ont pas eu à manger vont grincer les dents. Tous ceux qui sortent ne réclament que l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail. (L’ex-président de la révolution burkinabè) Thomas Sankara avait dit que : "L’esclave qui n’est pas capable d’assumer sa révolte ne mérite pas que l’on s’apitoie sur son sort". Donc les manifestations un peu partout sont tout à fait normales. Même le Premier ministre Paul Kaba Thiéba a reconnu qu’on ne peut pas empêcher quelqu’un de réclamer de meilleures conditions de vie.
Maintenant comment négocier cela ? Nous apprenons qu’il y a déjà des grèves à l’horizon. Nous entamons 2017 déjà avec des difficultés et c’est pourquoi nous en appelons au président du Faso Roch Marc Christian Kaboré à prendre toutes ses dispositions. Il faut qu’il se lève. Il faut qu’il comprenne les cris des Burkinabè. Les Burkinabè ont réellement faim.
Quelles étaient vos attentes particulières sur les dossiers de justice pour 2016 ?
Au cours de 2016 quoiqu’on dise il y a eu quand même quelques avancées. On vient de finir le jugement de l’affaire attaque de la Maison d’arrêt et de correction de l’armée (MACA). Du reste beaucoup de dossiers dont l’affaire Thomas Sankara, Norbert Zongo (journaliste assassiné) et bien d'autres dossiers sensibles sont aussi restés dans les tiroirs. On peut précisément dire qu’au niveau civil, la justice n’a pas fonctionné. Des mandats d’arrêts lancés à l’endroit de l’ex-chef de l’Etat Blaise Compaoré et (son frère cadet) François Compaoré, de l’ex-présidente de la Chambre de Commerce Alizèta Ouédraogo (entre autres) ont été annulés. Donc de ce côté nous pensons que véritablement les choses n’ont pas bougé. Le M21 est surtout déçu pour les dossiers du coup d’Etat (du 16 septembre 2015) qui sont restés en l’état.
Comment avez-vous apprécié le jugement des 29 personnes interpellées dans l’affaire de l’attaque de la Maison d’arrêt et de correction de l’armée (MACA) ?
Il ne nous appartient pas au niveau du M21 de faire une analyse sur une décision de justice. Au regard de ce qui s’est passé, si la justice a arrêté un verdict, nous prenons acte tout simplement. Qu’on se retrouve dans le verdict ou pas, on ne peut pas aller au-delà.
Comment avez-vous accueilli la radiation de l’ex-Premier ministre Yacouba Isaac Zida, général de division, de l’armée burkinabè ?
De toutes les façons on voyait la situation venir. Maintenant ça été officialisé. Le M21 prend acte de cette radiation. Mais comme nous le disons également, nous encourageons le même Etat à aller très rapidement sur les dossiers concernant Blaise Compaoré et son frère François, Alizèta Ouédraogo, Fatou Diendéré (épouse du général putschiste Gilbert Diendéré). On ne peut pas lever les mandats et laisser tous ces gens qui sont à un jet de pierre du Burkina, pour aller chercher quelqu’un qui est à des milliers de kilomètres. A partir du moment où il (Zida) est accusé de beaucoup de choses qu’on laisse la justice faire son travail. Si on peut reprocher à Isaac Zida de ne pas rentrer et répondre aux allégations des dirigeants, nous pensons que la justice doit faire son travail.
Il y a même des gens qui sont accusés de la même sorte et qui tournent à Ouagadougou, refusant même de répondre aux convocations. On s’acharne sur Zida or le principal concerné dans la situation du Burkina Faso à l’heure actuelle, c’est bien Blaise Compaoré. Les Burkinabè lui reprochent les 27 ans de règne macabre à tous les niveaux. Les ennemis de ce pouvoir devraient être d’abord ceux qui ont conduit notre pays dans cette situation. Nous considérons que Yacouba Isaac Zida est un bouc-émissaire. Et puis, le même Zida quoiqu’on dise sur lui, a failli rester quand il y a eu le coup d’Etat (à la suite duquel il a été séquestré). Il a pris fait et cause pour le peuple au détriment de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP, son corps d’armée, dissout après le putsch du 16 septembre 2015). C’est regrettable qu’aujourd’hui Isaac Zida soit payé en monnaie de singes.
Quel que soit ce qu’il a fait il reste Burkinabè. Quand il a pris le pouvoir il a fait les 21 jours, il a transmis ce pouvoir à un civil. Il est resté au gouvernement étant conscient du véritable problème de sécurité qu’il fallait assurer. Nous pensons qu’il faut laisser l’affaire Zida et s’attaquer aux réalités du pays qui se résument à la pauvreté. Sinon nous disons qu’est-ce que Zida gagne en restant militaire aujourd’hui après avoir été président et Premier ministre. Donc pour nous c’est une question purement politique. Le temps nous révèlera la vérité par la suite.
Justement certains estiment que Yacouba Isaac Zida est combattu pour ses ambitions politiques. Qu’en dites-vous ?
Depuis la prise du pouvoir du MPP, je n’ai plus de contact avec M. Zida. Je ne connais pas ses ambitions. Aujourd’hui en dehors de l’acharnement et de ce qu’on reproche à Isaac Zida il reste populaire. Et l’homme politique craint celui qui est populaire. Ca au moins c’est clair. L’homme politique se dit que celui qui est populaire quand il a des ambitions peut rentrer dans mon champ. Moi je pense que tout homme burkinabè peut se nourrir d’ambition. Maintenant que Isaac Zida ait des ambitions politiques de revenir en 2020, ce ne sont pas ceux-là qui dirigent le pays qui vont le voter. C’est la population du Burkina qui fera le choix.
Avec ce décret qui radie le général, peut-on estimer que le chapitre Zida qui a alimenté les débats durant toute l’année 2016 soit clos ?
Je ne peux pas le dire ainsi car le terrain politique n’est pas droit. Le chemin politique c’est des embuches et des contorsions.
Etes-vous d’accord pour la création d’un ministère plein de Sécurité annoncé par le chef de l’Etat Roch Kaboré ?
Nous ne nous attendions pas à une annonce mais la concrétisation de la formation d’un nouveau gouvernement. Parce qu’on peut annoncer et revenir sur sa décision. Vous voyez déjà qu’il y a une inquiétude car les Burkinabè s’impatientent. Nous sommes d’accord qu’il faut éclater ce ministère dont Simon Compaoré en a la charge en plus de l’Administration territoriale et de la Décentralisation. En plus de doter ce nouveau ministère des hommes à la place qu’il faut, le gouvernement devra aussi doter le département d’un arsenal de matériel performant car ceux qui nous attaquent ont tout et sont prêts à mourir vaille que vaille.
Nous reconnaissons en Simon Compaoré celui qui travail. Il n’y a pas un seul burkinabè qui peut nier cela. Il fait bien sa mission sinon souvent plus que ce qu’on lui demandait. Mais malheureusement la situation sécuritaire à l’heure actuelle dépasse notre entendement. Et donc véritablement il faut un ministère plein de la Sécurité. Au plan sous régional on constate la mobilisation des trois chefs d’Etat malien (Ibrahim Boubacar Kéïta), burkinabè (Roch Marc Kaboré et nigérien (Mahamadou Issoufou) sur cette question d’insécurité et cela est aussi a encouragé. Mais à l’intérieur il faut vite trouver ce qu’il faut pour la protection des Burkinabè.
BBO